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La situation actuelle de Freinet / prudence administrative

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Novembre 1933

Nous nous serions contentés d’avertir les quelques camarades intéressés coopérativement ou syndicalement des changements survenus dans notre situation si de nombreux camarades ne nous avaient écrit pour être renseignés à ce sujet. Voici donc :

Nommé régulièrement à Bar-sur-Loup, je suis allé y faire classe le 29 juillet, afin de m’y faire installer officiellement. Mais je n’avais nullement l’intention de m'y rendre en octobre parce que notre vie familiale et coopérative aurait été impossible.

On a dit, en effet, au Congrès du S.N., que j’avais été favorisé en obtenant Bar-sur-Loup, « dont le Maire est de mes amis politiques ».

C’est là un impudent mensonge. Le Maire de Bar-sur-Loup, quoique vaguement de gauche, n’est nullement de mes amis politiques. Mais on me connaît à Bar-sur-Loup, puisque j’y ai exercé neuf ans et lorsque l’administration demanda au conseil municipal si on m'accueillerait volontiers à Bar-sur-Loup, la réponse fut affirmative.

De plus, la nomination à Bar-sur-Loup est pour moi une véritable rétrogradation, donc, quoi qu’en dise le ministre, une peine disciplinaire nouvelle. C’est bien, certes, un chef-lieu de canton, mais sensiblement de même population que St-Paul. De plus, Bar-sur-Loup est à 20 km au nord de St-Paul, à 50 km de Nice. C’est un poste de débutant que personne ne veut tenir plus de six mois ou un an, parce que c’est effectivement un des plus mauvais postes de direction à deux classes du département.

De plus, le climat y est très humide et dangereux pour notre santé.

Voilà le poste qu’on m’offrait.

* * *

Malgré mes diverses réclamations, l’administration n’a jamais voulu tenir compte du fait que j’étais gravement mutilé. J’ai donc invoqué la loi et je me suis fait mettre en congé de longue durée comme étant dans l’impossibilité, du fait de ma blessure, d’exercer dans le poste qui m’a été désigné... Je suis en congé payé pour six mois ; j’habite un logement privé à St-Paul où on peut donc continuer à m’écrire ou à me voir.

Ce congé ne résout, certes, pas la situation difficile qui me serait faite, si j’étais obligé de rejoindre un jour Bar-sur-Loup. Nous verrons à Pâques.

Dans tous vos envois, ne jamais indiquer : Les élèves de l’école — ou l’instituteur de St-Paul — car les correspondances ainsi adressées ne m’atteindraient pas. Bien spécifier : Freinet, St-Paul ou Coopérative de l’Enseignement Laïc. C. F.

 

Nous nous serions contentés d’avertir les quelques camarades intéressés coopérativement ou syndicalement des changements survenus dans notre situation si de nombreux camarades ne nous avaient écrit pour être renseignés à ce sujet. Voici donc :

 

Nommé régulièrement à Bar-sur-Loup, je suis allé y faire classe le 29 juillet, afin de m’y faire installer officiellement. Mais je n’avais nullement l’intention de m'y rendre en octobre parce que notre vie familiale et coopérative aurait été impossible.

 

On a dit, en effet, au Congrès du S.N., que j’avais été favorisé en obtenant Bar-sur-Loup, « dont le Maire est de mes amis politiques ».

 

C’est là un impudent mensonge. Le Maire de Bar-sur-Loup, quoique vaguement de gauche, n’est nullement de mes amis politiques. Mais on me connaît à Bar-sur-Loup, puisque j’y ai exercé neuf ans et lorsque l’administration demanda au conseil municipal si on m'accueillerait volontiers à Bar-sur-Loup, la réponse fut affirmative.

 

De plus, la nomination à Bar-sur-Loup est pour moi une véritable rétrogradation, donc, quoi qu’en dise le ministre, une peine disciplinaire nouvelle. C’est bien, certes, un chef-lieu de canton, mais sensiblement de même population que St-Paul. De plus, Bar-sur-Loup est à 20 km au nord de St-Paul, à 50 km de Nice. C’est un poste de débutant que personne ne veut tenir plus de six mois ou un an, parce que c’est effectivement un des plus mauvais postes de direction à deux classes du département.

 

De plus, le climat y est très humide et dangereux pour notre santé.

 

Voilà le poste qu’on m’offrait.

 

* * *

 

Malgré mes diverses réclamations, l’administration n’a jamais voulu tenir compte du fait que j’étais gravement mutilé. J’ai donc invoqué la loi et je me suis fait mettre en congé de longue durée comme étant dans l’impossibilité, du fait de ma blessure, d’exercer dans le poste qui m’a été désigné... Je suis en congé payé pour six mois ; j’habite un logement privé à St-Paul où on peut donc continuer à m’écrire ou à me voir.

 

Ce congé ne résout, certes, pas la situation difficile qui me serait faite, si j’étais obligé de rejoindre un jour Bar-sur-Loup. Nous verrons à Pâques.

 

Dans tous vos envois, ne jamais indiquer : Les élèves de l’école — ou l’instituteur de St-Paul — car les correspondances ainsi adressées ne m’atteindraient pas. Bien spécifier : Freinet, St-Paul ou Coopérative de l’Enseignement Laïc. C. F.

 

Prudence administrative

 

Nous ne disons pas prudence pédagogique. En prenant connaissant des événements de Saint-Paul, nos administrateurs ne se sont pas demandés si nos innovations pouvaient avoir une valeur véritable. Ils n'ont vu que les ennuis administratifs qui en découlaient.

 

Aussitôt, partout où nous avions des adhérents, Directeurs et Inspecteurs ont dressé une sorte de barrage. Le Ministre est venu à la rescousse, et, sans rien connaître de notre technique ni de nos réalisations, il a jugé, il a essayé de condamner...

 

L'orage est passé, non sans dommage hélas ! pour l’idée laïque et pour l’éducation nouvelle. Que ceux qui se sentent quelque courage encore réfléchissent.

 

Voici donc encore un document :

 

Dans une ville du midi, un instituteur pratique avec succès l’imprimerie à l’Ecole depuis quelques années.

 

Le 16 juin dernier, deux instituteurs demandent à l’Inspecteur primaire l'autorisation d’assister à une demi-classe de leur collègue S... afin de se documenter sur la technique.

 

Voici l'avis que le Directeur de l'Ecole ajoute à la demande et la réponse de l'I.P. :

 

Avis du Directeur

 

1° J’applaudis à l’idée qu’ont MM. I. et A. de se renseigner sur une méthode nouvelle.

 

Je préférerais cependant que cela se fit en dehors des heures de classe. M. S. pourrait par exemple donner une démonstration un jeudi, avec ses élèves et tous les maîtres que cela intéresse pourraient en bénéficier.

 

2° A un autre point de vue, je ne suis guère partisan de voir s’introduire à l’Ecole les méthodes de « l’Ecole joyeuse » sur lesquelles tout le monde est loin d’être d’accord. Je crains que les collègues des classes suivantes ne pâtissent de l’expérience tentée.

 

Si on veut essayer ces méthodes ce contre quoi il n’y a rien à objecter, qu’on réunisse dans une même école tous les maîtres qui en sont partisans : on pourrait ainsi voir clairement les résultats ; ou bien, si un maître seul veut faire cet essai dans une école à plusieurs classes, qu’il prenne la classe de préparation aux examens et qu’il assume les responsabilités que cela comporte.

 

LE DIRECTEUR.

 

Note de l’I.P.

 

Je tiens à rendre hommage à la curiosité très légitime de MM. I. et A., mais je les mets en garde contre un engouement prématuré pour une méthode qui, quoi qu’on en dise et quelque séduisante qu’elle apparaisse, n’a pas encore fait ses preuves.

 

Je voudrais que ces deux maîtres, lors de la visite de la classe de M. S., que j’autorise volontiers, dirigent leur attention non seulement sur la méthode employée mais aussi sur les résultats obtenus : ce qu’il faudrait savoir, c’est si les élèves de M. S. atteignent un bon niveau dans le cours auquel ils appartiennent. Je ne leur demande pas de faire une critique du travail de leur collègue, mais de se faire une opinion bien personnelle sur le rendement pratique et éducatif de cette classe. Pour les disciplines essentielles, lecture, orthographe, français, calcul, ces élèves peuvent-ils se comparer avantageusement à leurs camarades de même cours, assujettis à la méthode officielle. A mon avis, c’est le critérium indispensable.

 

Je tiens à encourager toutes les initiatives, mais je ne peux autoriser la pratique d’une éducation nouvelle, bien différente de celle qui est consacrée dans nos écoles, que si sa supériorité est évidente.

 

De toute façon, les élèves ayant bénéficié de I’ «Ecole joyeuse » doivent être soumis comme leurs camarades aux examens de passage que j’ai préconisés au début de l’année.

 

Je prie M. L. de porter ces instructions et ces remarques à la connaissance de MM. I. et A. qui voudront bien me communiquer dans un rapport succinct et précis leurs impressions et observations. A cette condition seulement je les autorise à passer tour à tour une demi-journée dans la classe de M. S., avec l’agrément de celui-ci.

 

P.S. — Il y a des brimades pédagogiques que nous ne devons pas tolérer. C’est pourquoi cette revue reste ouverte à tous ceux qui ont à se plaindre des conceptions éducatives de nos chefs.