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Octobre 1978

 

INSPECTION
 
C'est parce que quelques camarades ont jugé son contenu intéressant que Retorica ouvre aujourd'hui une partie de son dossier "Inspection".
L'ensemble tourne autour de deux rapports d'inspection. Il est inutile de savoir qui en a été l'objet. On se souviendra du "devoir de réserve", notamment de "l'interdiction de communiquer à des tiers les pièces qu'il (le fonctionnaire) détient lorsque la règlementation ne prévoit pas cette communication" (Revue "Le Particulier" n° 523-A reprenant l'article 10 du statut général). Le problème est d'essayer de cerner une situation.
On lira au sujet de l'inspection le travail du groupe de la Mayenne "Propositions pour une action immédiate en vue d'une organisation nouvelle de l'inspection" (demander la brochure à : GOUPIL - 13 résidence du Maine - 53100 Mayenne).
Par ailleurs l’I.C.E.M. a une commission "Luttes contre la répression ". S'adresser à Pierre Lespine - 11 rue Paul Bert - 75011 Paris.
 
NOVEMBRE 1969. RAPPORT DE M.A ...SUR M.X ...
Français (2e T)
Grammaire. Il s'agit plutôt d'une leçon de vocabulaire dégager le sens "prégnant" de certains mots par une méthode ascendante ou descendante. On s'intéresse aux mots, entre autres : sinueux, cosmos, formidable. Est distribuée aux élèves une fiche qui contient diverses explications sur les mots considérés. On lit une fiche et le professeur la commente. Autrement dit, avec l'intention d'une méthode "naturelle" on retrouve un vieil usage condamné depuis longtemps et qui consistait en la lecture d'un manuel !
La fiche implique aussi un exercice dont les élèves devront s'acquitter :"compléter par la voie descendante le sens prégnant d'une gamme de mots aussi divers que : cassette, fruit, peau, solennel, hypocrisie, dissipation ou sporadique, enthousiasme, monstrueux".
L'intention de M. X ... (notamment son souci du vocabulaire) est bonne, mais sa méthode quelque peu confuse.
Et la leçon ne dure qu'une demi·heure au bénéfice de l'heure suivante .
lecture expliquée. Henri Michaux "Ecce Homo". Aucune présentation, le professeur lit le texte (en oubliant des liaisons), puis l'on médite ... Le but, me dit ensuite M.X ... , est de montrer ce qu'est la poésie ... Soit ! ...
Cependant, pourquoi avec cette intention choisir un texte en prose ? Je sais qu'il est des proses très poétiques mais quand on veut procéder à une démonstration, il vaut mieux s'entourer des conditions les plus favorables ... D'autant plus que le sens de la page retenue n'est pas d'une clarté limpide !
On médite donc ... On note l'absence de rimes mais l'existence de rythmes, on cherche des images, des visions, on parle de sarcasme ... mais on ne relève que des remarques fragmentaires, on picore en quelque sorte. Les élèves prennent librement des notes, fragmentaires elles aussi.
Toutes ces notations s'équilibreront·elles ? s'organiseront-elles ? car (cf ci·dessus) la séance de lecture durera une heure et demie et je ne peux rester aussi longtemps avec M. X .. .
M. X ... est intelligent, certes recherche la nouveauté, l'expérience. Qu'il garde le sens des réalités, qu'il soit plus simple, qu'il n'oublie pas l'adaptation à sa classe.
 
NOVEMBRE 1976. RAPPORT DE M.B ...SUR M.X ...
M. X ... en classe de 1°F1 , consacre cette heure à une sorte de bilan du travail de la classe au cours des trois semaines passées (le travail est organisé par périodes de trois semaines) ; c'est l'occasion de recueillir les réflexions des élèves, en particulier, sur l'action de leur professeur, et de faire des suggestions pour la période suivante : méthode "coopérative" dont on peut se demander dans quelle mesure elle serait généralisable, mais qui dans le cas particulier me semble engendrer un climat de participation active et sympathique.
Je connais M. X ... de longue date et je le sais en perpétuelle recherche (correspondance scolaire, pratique du texte libre, constitution de dossiers de travail, comparaison des textes, groupement des textes par thèmes etc.)
M. X ... sait allier hardiesse et pondération et mérite bien qu'on lui fasse confiance
 
COMMENTAIRE DE M.X ... SUR LA VISITE DE M.B ... EN NOVEMBRE 1976
L 'I. G. entre dans la classe. Je le présente aux élèves.
Je lui remets avec le cahier de textes, les polycopiés tirés depuis le début de l'année (ce que R. Favry appelle le "livre de vie") (1 ). Pendant qu'il examine ces documents, je rends aux élèves les textes que j'ai corrigés avec des fiches qu'ils m'ont demandées puis je remets à toute la classe une série de fiches concernant le thème du "sonnet" qu'ils ont souhaité aborder ; on y trouve notamment un sonnet de Ronsard "Quand vous serez bien vieille" et un autre de Baudelaire "Remords posthume" que l'on peut comparer entre eux.
Ensuite je demande à l’I. G. ce qu'il préfère et je note au tableau le choix possible :
a) réunion coopérative (ce que nous devons faire d'après notre planning) avec les rubriques
- je juge le professeur, j'approuve, je critique, je suggère,
- les lectures faites,
- établissement du planning de la période suivante.
b) comparaison de deux sonnets sur le chantage amoureux : Ronsard - Baudelaire.
Un dialogue très courtois et dont je ne donne que les lignes directrices, s'instaure :
- Faites comme d'habitude.
- D'habitude je n'ai pas d'inspecteur. Je ne le dis pas insolemment mais la présence d'un inspecteur ou de qui que ce soit change obligatoirement les relations du groupe dans lequel il entre. Je puis sortir si vous jugez que ma présence vous gêne ou gêne les élèves.
- Je ne vois pas ainsi le problème. Visiteur de la classe, vous êtes un peu notre invité. Vous pouvez donc choisir l'un ou l'autre exercice ; pour nous c'est simplement une inversion de planning puisque l'un et l'autre seront faits. Le second exercice est très classique et vous le connaissez bien ; le premier est intéressant mais peut être un peu languissant ...
- Dans ces conditions je préfère la réunion coopérative.
Nous avons donc fait la réunion coopérative menée par les élèves. L'I.G. y a participé, a évoqué avec beaucoup de simplicité, de cordialité et d'esprit coopératif avec la classe le problème des sujets d'examens et de leur compatibilité possible avec l'expression libre.
 
 

COMMENTAIRE DE M.X ... SUR LE RAPPORT DE M.A ... DE NOVEMBRE 1969
- J'avais décidé ce jour-là de faire "comme d'habitude", de m'interdire même de penser à l'inspecteur présent.
- Je rodais des fiches de linguistique ; la méthode "naturelle" consistait à laisser parler librement des élèves sur des notions vraiment nouvelles pour tous,les exercices étaient simplement proposés mais on en discutait les solutions possibles.
La différence entre une fiche et un manuel, c'est que la fiche peut être modifiée, différée, annulée, etc ...
- Il aurait été plus simple de renoncer à l'expression "sens prégnant". À la confession (45 minutes de discussion pied à pied) j'ai précisé que ces notions seraient ultérieurement simplifiées, que je tâtonnais, manière de réclamer le droit à la formation permanente.
- J'avais choisi ce texte d'Henri Michaux parce que l'expression libre dans cette classe sombrait dans la banalité quotidienne, d’où le recours à un texte choquant pour montrer ce que pouvait être la poésie. J'expliquai ceci au cours de la confession.
- Les liaisons "oubliées" s'expliquaient par le souci d'expressivité mais j'admets le reproche.
- J'utilisais pour expliquer les textes une technique que je jugeais intéressante : laisser méditer les élèves ; très progressivement les réflexions naissent (silence difficile à supporter), l'explication s'accélère et s'ordonne.
J'utilisais empiriquement cette méthode sans avoir réfléchi à ses tenants, à ses aboutissants et sans avoir mené une réflexion théorique à son sujet.
- J'aurais dû en classe expliquer très clairement ce que j'entendais faire, pourquoi je le faisais et où cela nous mènerait ou pouvait nous mener.
- Ma note passa de 16 à 15 et je crus l'avoir sauvée par mes explications données lors de la confession. En réalité M.A ... était venu me voir sur la recommandation de M.B ... qui m'avait vu en 1966 et trouvait que je faisais des choses intéressantes. M.A... sortit furieux de l'entretien et c'est M.B ... qui plaida près de lui mon dossier, lui représentant qu'il ne fallait pas décourager une bonne volonté. J'appris ainsi que les dossiers étaient suivis d'I. G. à I.G. J'ajoute qu'un autre de ses collègues jugeait que M.A... était "sévère".
 
 
 
 
 
 
 
COMMENTAIRE DE M. X ... SUR LE RAPPORT DE M. B ... DE NOVEMBRE 1976
- La bonne impression produite vient du fait que rien n'avait été laissé au hasard en ce qui concerne la conduite elle-même de la classe, la programmation des activités.
Les temps morts ont été réduits au minimum ou justifiés par avance ("exercice intéressant mais peut-être un peu languissant") ; les pistes de travail trop incertaines avaient été écartées ; j'ai pratiqué de nombreuses fois la réunion coopérative sur ce schéma.
- On remarque les nuances et les réserves de M. B ... La nature de l'exercice n'est pas précisée. C'est une réunion "coopérative" : les guillemets sont là pour indiquer un système pédagogique duquel se réclame le praticien (tout au moins pour quelques techniques) mais qui en tant que tel n'a pas droit de cité dans le vocabulaire administratif.
- "Cas particulier", "hardiesse et pondération" renvoient à une pratique personnelle. L'inspecteur ne tranche pas pour savoir si la réussite apparente (''me semble engendrer") appartient au système pédagogique lui-même ou plutôt au professeur, à sa personnalité.
C'est la seconde interprétation que le rapport suggère.
- Il s'agit d'une méthode "dont on peut se demander dans quelle mesure elle serait généralisable". C'est ici qu'apparaît: l'allusion au système pédagogique lui-même.
Au moment de la confession I'I.G. ne fera pas mystère pour dire qu'il est là pour voir ce qui se passe d'intéressant dans les classes. Il réunira les professeurs et dira qu'il ne fait plus que quatre-vingts visites par an au fieu des trois cent cinquante d'autrefois (parce que les tâches se sont alourdies et que l'Inspection Générale est en recherche). Il dira aussi qu'il voit d'excellents professeurs traditionnels et attachés farouchement à une pratique individualiste. Il se déclare séduit par le "climat de participation active et sympathique" mais l'ex tension de la méthode lui paraît problématique.
Il ne fera pas mystère pour dire que le sondage à bulletins secrets sur deux variables (compréhension/compétence) que j'ai emprunté à R. Favry (2) lui a paru susceptible d'effrayer bon nombre de collègues et que le travail de documentation lui paraît énorme. Je lui réponds : "Esprit coopératif". Il ne me répond pas. Et il a raison. L'esprit coopératif est encore un mythe dans l'enseignement.
 
 
(1) cf. dans ce numéro 42 p. 14, la fiche RETORICA
Manuel - Vive le manuel
(2) Cf. La Brèche numéro 2 1 p. 25
 
Vous venez de lire les fiches
1. Nov. 69 Rapport de M.A. sur M.X.
2. Commentaire de M.X. sur le rapport de M.A. de Nov. 69
3. Nov. 76 Rapport de M.B. sur M.X.
4. Comment ai re de M.X. sur la visite de M.l3. en Nov. 76
5. Commentaire de M.X. su r le rapport de M.l3. de Nov. 76
 
Les prochains numéros de La Brèche publieront les fiches :
6. Inspection. Politesse et prudence
7. Inspection. Maîtrise et stylisation des techniques
8. Inspection. Des méthodes actives à l'expression libre
9. Inspection. Le droit à l'erreur
10. Inspection. Émulation par les notes ou la coopération ?
11 . Inspection. La récupération
12. Anne Leclerc "Épousailles" (la récupération)