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Quelle pédagogie ou bien quelle école ?

Un billet de Bernard Collot dans "Questions de classe"

Plus personne ne devrait pouvoir le contredire : le système éducatif français et sa conception sont nuls, au mieux obsolètes.

Il n’y a jamais eu autant d’articles, de livres, d’émissions, de colloques, de conférences pour le dénoncer. Il n’y a jamais eu autant d’enquêtes, d’études, de statistiques pour le prouver. Comme si l’observation des faits et le bon sens ne suffisait pas. Sans tableaux bien remplis, sans chiffres à l’appui,… et des experts qui disent ce qu’ils signifient, rien n’est valide et crédible.

Cela ne date pas d’aujourd’hui. Mais ce qui est nouveau, c’est que la dénonciation ne concerne plus seulement les conséquences sociales d’un système reproducteur des inégalités. Elle concerne aussi aujourd’hui son inefficience dans les apprentissages qu’on voudrait qu’ils y soient effectués.

C’est qui le « on » ? Là, c’est déjà un peu plus trouble et ce que le « on » veut que l’école fasse varie suivant si c’est l’État, les experts, tel ou tel enseignant, tel ou tel parent, tel ou tel philosophe ayant pignon sur écrans. La grosse machinerie qu’est le système éducatif continue de fonctionner sans vraiment savoir à quoi elle est utile, où il faut qu’elle aille, en dehors de produire quelques marqueurs appelés évaluation, examens, diplômes, que l’on peut comptabiliser mais auxquels on ne peut donner aucun sens et de moins en moins d’utilité.

Ce qui est nouveau, c’est que le constat, qu’on a beau faire et refaire sans qu’il change, touche cette fois pratiquement toutes les classes sociales. C’est comme pour la drogue, la violence… et même aujourd’hui le chômage, on (toujours ce « on » !) s’en inquiète quand le statut social ne protège plus ou protège moins.

Bon ! Le constat est quand même fait et enfin admis. La salve des accusations à sens unique ou réciproques n’arrive pas à changer grand-chose, les accusés (enseignants, parents, télé…) n’ayant d’autre possibilité que de se défendre, de renvoyer la balle et de continuer à peu près les mêmes choses, les mêmes comportements.

Quand, malgré toutes les modifications une machine ne fonctionne pas, n’importe quel ingénieur et même n’importe quel mécanicien vous dira que les concepts qui ont conduit à sa fabrication sont erronés. Encore faut-il savoir à quoi la machine doit servir pour la concevoir.

Alors, ce qui est curieux c’est que dans cette prolifération de textes, de déclarations, de dénonciations, d’alertes… rares sont ceux qui posent le problème d’une conception erronée de la transmission des savoirs, de la construction des apprentissages et surtout des personnes, et apportent des éléments pour changer de paradigme… et concevoir un autre système qui ne sera pas une machinerie. Même sur questionsdeclasses.com ! Cherchez bien !

Cela ne manque pas pourtant, et beaucoup sont très anciens, et ils sont tous à peu près convergents. Mais ils n’atteignent pas l’affichage public ou ils sont cantonnés dans des micro-cercles invisibles, quelques-uns sont connus… et superbement ignorés. Aucun d’ailleurs n’a atteint les méandres de la refondation.

Et si, en amont des conséquences sociales et sociétales bien réelles et de plus en plus dramatiques, en plaçant le problème hors des idéologies ou momentanément hors des luttes de classe, il y avait tout simplement à envisager qu’on n’apprend pas comme l’école veut que les enfants apprennent et son corollaire alors : à quoi peut-elle servir, en quoi est-elle nécessaire ?

Parce que, de toute façon, l’école devra bien apporter quelque chose à celles et ceux qui y passent toutes les années où ils sont en construction. Il est curieux de constater que personne ne voit que des enfants et des adolescents y passent l’essentiel de leur vie, la tendance étant qu’ils y passent encore plus de temps… s’il leur en reste. Vous avez une indigestion ? Mangez un peu plus de la même chose et de la même façon !

Cela fait peur, même aux révolutionnaires, j’ai envie de dire surtout aux révolutionnaires pour l’avoir constaté souvent. On veut bien faire quelques petites concessions que j’appellerais pédagogies, mais pourvu qu’elles ne changent pas grand-chose au cadre dans lequel on les enferme, aux positions que chacun occupe dans ce cadre (voir par exemple le billet « M’sieur l’inspecteur… »). La conception et les fondements de l’école des régimes communistes étaient exactement les mêmes que celle des régimes capitalistes.

On préfère se demander « quelle pédagogie ? » plutôt que « quelle école ? »

J’aime bien poser des questions puisque ce site s’appelle « questions de classes ».

Alors les questions les plus simples à poser : A quoi sert l’école ? (à cette question la réponse a été déjà donnée, ou plutôt dénoncée, par un grand nombre et depuis des dizaines d’années !) A quoi devrait servir une école ? (à celle-ci c’est beaucoup moins évident et beaucoup plus flou).

Pour lutter, s’il faut bien savoir contre quoi on lutte, il faut aussi savoir pourquoi et surtout pour quoi on lutte ! Un bon sujet pour Q2C et vos commentaires.

Bernard COLLOT

[(« l’école de la simplexité »)->http://www.thebookedition.com/l-eco...]