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Juin 1962

Actualités de l'Ecole Moderne


L’idée progresse ...

L'idée de l'Ecole Moderne progresse régulièrement. Nous ne prétendons pas nous en attribuer le seul mérite. Un fait est du moins certain, c'est que nous avons été et que nous restons à l’avant-garde — ce qui est parfois périlleux — que nous avons ouvert des voies, suscité des formules éducatives, et des formules de vie qui passent peu à peu dans le domaine public. Et nous ne pouvons que nous en féliciter.

Nous n'avons jamais rien voulu breveter, qu'importe qu'on cite ou non notre mouvement quand on cite à peu près textuellement nos mots d’ordre d'action. Nous n'avons jamais demandé ni même souhaité d’autre dédommagement que de voir l’éducation du peuple bénéficier peu à peu de nos efforts et de nos sacrifices.

 

Le Syndicat National, qui faillit nous faire un procès quand, il y a six ans, nous lancions notre slogan de 25 enfants par classe, réclame maintenant l'aboutissement de cette revendication ; le texte libre devient d’une pratique officielle ; la correspondance, les exposés et les conférences sont en train de prendre pied aux C.E.G. et au 2e degré. M. le Ministre disait tout récemment encore, ce que nous avons écrit bien des fois :

« Les méthodes traditionnelles d'éducation sont remises en cause et tous les maîtres doivent prendre conscience de leurs responsabilités. Il faut non seulement qu’ils apprennent à leurs élèves le contenu des programmes, mais qu'ils leur donnent l'éducation, la formation qui leur permettront de trouver sans difficulté leur place dans la société, et d'échapper ainsi au vertige du désespoir et de la violence ».

La revue L'Education Nationale publie dans chaque numéro des articles qui corroborent notre souci d'Ecole Moderne. Rares sont les éducateurs qui s’aventurent aujourd'hui à défendre la pédagogie traditionnelle.

Le livre de Louis CROS : L'Explosion Scolaire, connaît un succès qui tend à orienter les expériences et les essais. Dans le numéro du 24 mai, Aurelien Fabre formule un certain nombre d'observations qui sont la justification de nos propres audaces.

« Le fonctionnement du cycle d'observation est conditionné par le renouvellement des méthodes d'enseignement. Avec le problème des méthodes, nous sommes au centre et au cœur de la réforme : le jour où les maîtres auront pleinement conscience de cette réalité, la réforme commencera, pas avant...

Il ne saurait y avoir de réforme partielle des méthodes selon les disciplines particulières, et seule une méthode générale, parfaitement définie, est capable, en respectant l'unité de la personnalité de l'enfant, d’assurer la continuité du processus éducatif...

Le finalisme de l'éducation est obtenu par un enseignement dogmatique et une discipline d'autorité, lesquels, en provoquant conjointement le conformisme, réalisent un conditionnement qui s'apparente au dressage.

Mais dès qu'il est décidé que l'éducation consiste, pour l’enfant, dans une activité déterminée par le processus de formation de son esprit et pour le maître dans une attitude scientifique, seule capable de respecter et de diriger ce processus, les relations entre les programmes et les méthodes se trouvent aussitôt définies... »

Je vois nos camarades sourire à là lecture de ces attestations qui ne sont souvent hélas ! que de vaines promesses puisque, dans le même temps, des inspecteurs déconseillent l'emploi de nos techniques, et on sait ce que cela signifie ; des inspectrices maternelles interdisent — c’est plus net — l'édition d'un journal scolaire et vont jusqu'à refuser l’usage des classes pour des réunions de travail d'un jeudi ; notre Ecole Freinet devrait peut-être fermer ses portes si nos camarades unanimes n'avaient décidé de consentir l'effort financier nécessaire pour donner à leur Ecole Expérimentale l’instituteur supplémentaire dont elle a besoin.

Tout cela est vrai hélas ! Cela prouve, et nous le savons, que le progrès n’avance pas en un front uni et régulier : il y a ceux qui ne craignent pas de prendre leur part des combats qui restent à mener et qui s'engagent avec nous, théoriquement d'abord, pratiquement un jour prochain. Et il y a la masse dès immobiles, qui sont tout simplement contre le mouvement et qui n'avanceront que lorsque la vague qui déferle les emportera,

Lorsqu'une pratique pédagogique ne se maintient plus que par inertie et tradition et qu’elle n'a plus de ce fait aucun défenseur avoué, son sort est réglé à plus ou moins longue échéance.

L'Ecole Moderne a déjà triomphé,

Comment hâter la généralisation de la pédagogie moderne ? Nous donnons à nouveau la parole à Aurelien Fabre :

« La forme théorique et collective de l’information est représentée par les stages, sur le plan national, régional ou départemental. Mais les raisons de faire perdent de leur efficacité sans «les manières de faire », c'est-à-dire sans des stages pratiques dans des classes dites d'éducation nouvelle, où les méthodes actives, généralisées, inspirent et dirigent le processus éducatif... Pour que les maîtres de classes d'observation arrivent à réaliser la difficile mutation d'enseignants en éducateurs, rien ne peut remplacer le spectacle d'une classe dans laquelle tous les enfants sont entièrement engagés dans leur travail dont ils assurent la responsabilité avec la conscience d'être les artisans de leur propre formation ».

En espérant que l’administration française mette un jour ses actes en accord avec la théorie, nous avons du moins la grande satisfaction de nous voir compris et appuyés par les éducateurs intelligents, cultivés et sans parti-pris et par tous les chercheurs non enseignants et aux parents qui savent juger avec bon sens et générosité le grand mouvement pédagogique qui doit mettre à la mesure du monde d’aujourd’hui et de demain les enfants dont nous voulons faire des hommes.