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Faut-il brûler Freinet ?

Février 1961

Actualités de l’école moderne

 
Faut-il brûler Freinet ?
 
« Un mal qui répand la terreur »... a fini par envahir les lycées et collèges, Cours Complémentaires etc... et peut-être par s’étendre dans les facultés.
 
Leurs élèves - c’est pourtant l’élite - sont de plus en plus ignares : ils ne savent ni bien lire, ni bien écrire, ni bien compter... leur savoir grammatical et mathématique élémentaire est tel que les autorités s’en inquiètent à bon droit...
 
Aussi il est grand temps de revenir à un minimum de remplissage des têtes qu’on avait voulu un moment plutôt « bien faites que bien pleines ».
 
Ni les lions ministériels, ni les renards des programmes aux directives diplomatiquement rédigées, ni les grands loups d’éditeurs... ou les mâtins faiseurs de manuels bourratifs ne peuvent être responsables...
 
« L’âne vint à son tour », qui s’est permis de tondre quelques bouchées d’herbe tendre aux plates-bandes de la pédagogie. Freinet, « puisqu’il faut l’appeler par son nom », suivi d’un quarteron de maîtres (aliborons) d’école - mais de quel droit ces lampistes s’occuperaient-ils de la pédagogie ? - en réussissant à envahir l’enseignement officiel a amené cet état de fait fâcheux : on n’apprend plus rien sérieusement. Voilà d’où vient « tout le mal ! ».
 
Chacun sait que son mouvement a réussi à noyauter l’enseignement primaire au point que la C.E.L., maison d’édition milliardaire a le monopole des pages pédagogiques de L’Ecole Libératrice !!!qu’elle règne en maîtresse chez S.U.D.E.L. !!! que L’Ecole Emancipée- son flirt avec Freinet est bien connu ! - emporte la presque unanimité des suffrages dans le Syndicat des Instituteurs !!! et qu’il ne reste pas même 2% de directeurs d’école pour faire apprendre des leçons par cœur !!! que toutes les classes decroliennes, montessoriennes, frénétistes... sont des pépinières de bacheliers !!! qu’elles inondent de leurs cohortes innombrables les « sixièmes » et « cinquièmes » !!!
 
Faut-il continuer sur ce ton ? Il paraît que nous ne sommes pas sérieux... que nos méthodes « farfelues » - « du bluff » - empêchent nos élèves d’accéder au second degré. Comment se fait-il que le pourcentage de faibles en calcul et orthographe soit si grand ?
 
Pour ma part - ma modeste part de lampiste à longues oreilles, pratiquant dans la mesure de mes faibles moyens une partie des méthodes dites modernes - ce machin ! (1) - qui peut se vanter d’être moderne à 100% ou même 60... je ne me sens pas tellement responsable de la baisse de niveau signalée par nos honorables collègues du second degré.
 
En effet, si j’ai réussi à faire échouer 30 % des élèves présentés au C.E.P.E. et autant aux examens de sixième (en une dizaine d’années) je n’ai pas le souvenir d’avoir fourni de si incomplets sujets à la sixième sur un total de six ou sept (on les compte dans les écoles rurales !).
 
L’un d’eux - que je connais bien - maintenant licencié de Lettres Classiques fait d’ailleurs dix fois plus de fautes dans ses dissertations qu’au temps de ses culottes courtes.
 
Sur ce coup de pied de l’âne, j’en arrive à ma conclusion : « On le lui fit bien voir ».
 
Vous voyez bien qu’il faut brûler Freinet...
 
 
(1) c.f. René Lefèvre « Canard Enchaîné ».