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EXPRESSION LIBRE EN CLASSE DE CINQUIÈME

Dans :  Techniques pédagogiques › 
Juin 1978

 

EXPRESSION LIBRE EN CLASSE DE CINQUIÈME
 
 

Les rêves d'adolescents empruntent souvent des langages idéalisés qui les emportent loin du quotidien, un peu trop loin peut-être ...
 

 

Ils sont trente, garçons et filles. Ils disent leurs rêves, les rêves de leur âge : "Rencontre, coup de foudre, flirt, ... Le rêve quoi ! Le rêve fou, le rêve insensé, mais le rêve désiré ...Je l'aime déjà ce lui qui sera mon aimé ».
 

Ils disent des moments d'amitié, le silence qui se charge de sens : "Ce soir, quand mes doigts agripperont les draps et que mes larmes iront s'écraser sur l'oreiller, toi, tu viendras : sans jamais rien me demander, sans même hurler, tu me consoleras : et je te dirai ce que j'avais si longtemps gardé secret. Se confier soulage".

 

Et sur le ton de la confidence :
"Pourquoi mon coeur pleure-t-il quand celui que je n'aime pas me dit qu'il m'aime ? Et pourquoi faut-il que je reste avec lui et que je mente â son amour ? Parfois, je prends en pitié cet amoureux qui ne m'embrasse que sur la joue, chaque jour ; je l'évite et le blesse ...Je le vois et me blesse. Pourquoi ? Pourquoi ? ".
 
Déjeunes filles, mais, en décembre, elles ont encore parlé du "bon vieux Père Noël" !
 

 

 

"Ce soir, un bonhomme de rêve va venir illuminer ma maison

Ce soir, ce bonhomme de rêve va tenir compagnie aux santons".

 

 

Leurs rêves d'enfants reprennent leurs couleurs, le temps d'un poème.
La ·fin du pme, la fin du rêve
 

 

 

"C'est au matin que mes rêves ont cessé

Quand le tendre visage de maman a déposé un baiser sur la joue de son enfant".

 

 

La nuit de Noël, Jean-François a pris un rayon de lune dans le rire d'un enfant. ..
Sylvie se fait oiseau sur la croupe d'un cheval indien :
 

 

 

"Je découvrirai le Far-West

Je ferai de l'aile au cow-bow
Je jetterai un oeil dans le saloon ! ".

 

 

Loin, bien loin de cette chevauchée ... l'école.
Dans l'angle d'une feuille blanche, Myriam, une infinie tristesse dans son regard voilé comme le ciel de septembre, calligraphie ces quelques mots :
 

 

 

"Les courses dans les prés

Les rires dans les champs
Les pleurs à la rentrée".

 

 

A té d'elle, expansif, malicieux, Laurent brûle de nous lire ses impressions sur l'école ! Je ne retiens que sa conclusion : "Avec certains profs, on peut discuter et s'intéresser ; avec d'autres il faut travailler et la boucler".
Ils peignent l'automne et le printemps ; l'automne,
 

 

 

"ce mot tout habillé de roux chante dans nos oreilles coule y siffle le vent".

 

 

Isabelle a "écouté" la forêt sur une route de novembre froide et nue. Printemps, féerie, retour inopiné de l'hiver : poème de Valérie
 

 

 

"Un arc-en-ciel, une pluie courte ...

Un nouvel ami, une poésie,
une naissance, celle du printemps.
Et peut-être, un enterrement ...
Mais, c'est trop triste, et l'hiver est là, encore là.
Dans quelques mois, dans quelques jours, dans quelques heures,
Tout de suite ... le Printemps !
Un bourgeon qui s'ouvre, une neige qui fond
Une mère plus douce ... l'arrivée du printemps".

 

 

Confidences discrètes qu'un rien suffit à effaroucher : "Cela me fait du bien de me confier et je me sens déjà moins triste" dit Isabelle mais elle craint d'être "objet de risée". Confidences,témoignages d'une confiance en celui ou celle qui les lira, qui les écoutera... elles sont encore rares.
On est, par contre très à l'aise et très fécond dans l'imaginaire : devenir Arsène Lupin, dompter un fougueux étalon et se perdre avec lui dans une course éperdue, apprivoiser un ange, reprendre l'arc-en-ciel décoloré .. . Quelles aventures ! On invente des extra-terrestres, des destins tragiques, tel celui du vieux pêcheur de Saint-Malo :
 

 

 

"Repoussant notre société désordonnée

Le vieux pêcheur de Saint-Malo
Se laisse emporter dans les flots ".

 

 

Mais l'observation attentive, patiente, ne tente guère : Elisabeth décrit une feuille d'automne " tapie dans le gazon", mais elle lui prête bien vite "de beaux rêves, des joies et une amitié".
Est-ce par hasard ? A l'aube de l'adolescence, nos élèves ne seraient-ils pas cette feuille-là ? Cette feuille-là parce qu'ils ont besoin de rêves, de joie et d'amitié .. .
Françoise CAMPECH
C.E.S.
81160 Saint-Juéry