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QUELS ENSEIGNANTS ET QUELS PARENTS ? ou QUI COMMUNIQUE AVEC QUI ?

Juin 1978

 

QUELS ENSEIGNANTS ET QUELS PARENTS ? ou

 

QUI COMMUNIQUE AVEC QUI ?
 
 

Le dossier réalisé sur les "Relations avec les parents (1)" avait surtout pour objectif de relancer la réflexion à propos de divers outils pour favoriser cette communication

 

 

 Première réaction : celle de Roger Favry qui dégage de ce dossier des éléments invariants, des outils toujours actuels. Mais en 1978 les blocages, institutionnels ou humains, restent patents. Aussi faut-il être inventif, créer de nouveaux moyens qui, dans le cadre du Foyer socio-éducatif, associeront les parents à la vie de l'établissement et leur donneront les éléments et l'information, bases d'une véritable participation Pour cela, il faudrait, par une nouvelle politique de vie scolaire, donner aux élus du personnel et aux conseillers d'éducation les moyens de gérer ces foyers.

 

 

 
Dans ce dossier "Relations avec les parents" est relatée l'expérience que j'ai menée de 1970 à 1974. Ensuite, notamment en 1976 où je menais une recherche pédagogique sur la Vie scolaire,mon information a pu s'élargir. Les remarques qui suivent tiennent compte de cette information.
 
 

L'EXPÉRIENCE DE 1970-74

 

Il faut bien voir ce que recouvre le terme "d'expérience". Une expérience n'est pas généralisable parce qu'elle est le produit d'un certain nombre de facteurs favorables auxquels s'ajoute un investissement personnel important sans lequel l'expérience échouerait. Elle réussit parce qu'on veut qu'elle réussisse et qu'on prend les moyens pour qu'elle réussisse.
Elle n'est pas généralisable, mais à partir d'elle on va retirer des éléments, des techniques, voire des recettes pédagogiques utilisables ailleurs. C'est ainsi que dans l'automobile il existe des prototypes qui ne seront jamais commercialisés, mais dont progressivement on tirera des leçons en matière de sécurité, de consommation, etc.
Les éléments qui m'ont paru positifs sont les suivants
- il est possible de travailler avec les parents à condition d'admettre qu'ils ont leurs soucis, qu'ils cherchent d'abord à être rassurés sur la conduite et le travail de leur fils ou de leur fille. Une fois acquis ces deux points, les parents sont mis en confiance et sont de bon conseil.
- il est très facile de tirer au limographe un mot gentil ; on peut combiner lettre et réunion ; on peut surtout, pour s'alléger le travail, écrire à certains parents ou réunir certains parents qu'on souhaite plus spécialement rencontrer.
- avec un peu d'imagination on peut trouver diverses techniques de sondages qui permettent de contrôler l'impact de ce type de contacts.
- ceci peut être fait par un professeur isolé ou par le professeur principal. Un professeur isolé n'a qu'un impact restreint et les renseignements qu'il fournit sur la classe sont forcément limités à sa discipline. Le professeur principal a évidemment plus de latitude pour agir : il peut s'adresser à tous les parents et avec un peu d'astuce il est possible d'envoyer trente ou trente cinq lettres à la mi-trimestre, le port étant réglé par l'établissement. Il est évidemment indispensable que le chef d'établissement soit favorable à l'initiative.
 
Les blocages. Or c'est bien à ce niveau de l'accord administratif que peut se présenter le blocage. Non pas que l'administration soit bloquante par nature, mais dans la pratique les parents sont toujours considérés comme les gêneurs.
L'enseignement (administrateurs et enseignants) leur reproche leur ignorance : "Dans quelle classe est votre fils ? · Je ne sais pas ... " Les spécialistes habitués à jongler avec les T qui vont devenir des E ou des F l'année d'après tandis que les AB deviendront des G ou des B n'admettent pas ou admettent mal que les parents s'y perdent. Et puis il y a la timidité des parents quelquefois masquée en agressivité. Le bon parent d'élève finalement, c'est celui qui n'apparaît pas : ça permet de dire qu' "ils s'en foutent" ; le bon parent d'élève c'est aussi l'ancien bon élève : celui qui est respectueux et se garde de poser des questions gênantes.
Heureusement que 1968 est passé par là ! que le souffle autogestionnaire a balayé ces miasmes ...
"L'école aux travailleurs", "Contrôler aujourd'hui pour décider demain" ... La difficulté que nous avons eue pour faire aboutir ce dossier montre déjà qu'à l'intérieur de l'École Moderne même, ce n'est pas évident. Bien souvent l'appel aux "travailleurs" est resté un mot vide de sens. Parce qu'on refusait de voir les travailleurs les plus proches et les plus intéressés, les parents eux-mêmes. Bien souvent les thèses autogestionnaires ont servi de paravent à l'immobilisme : on luttait contre l'inspection,l'administration, la réforme Haby, c'est-à-dire sur des objectifs négatifs au lieu d'avoir des objectifs positifs et concrets, lutter pour et avec les parents d'élèves, trouver les moyens pratiques d'entrer en liaison non seulement avec les associations mais aussi et surtout avec les parents d'élèves, les parents de ses propres élèves.
Or ceci est un travail difficile parce qu'il suppose du temps, de l'imagination pratique et surtout la conviction de son utilité. Cette conviction fait défaut chez beaucoup d'administrateurs et d'enseignants.Ce n'est que très progressivement, à la faveur d'expériences échangées que les préventions tomberont. On peut imaginer ainsi que la presse syndicale jouerait un rôle moteur avec des rubriques"Communiquer avec les parents ... " rubrique alimentée par les syndiqués eux-mêmes. On peut rêver n'est-ce pas ? ...
 
RELATIONS AU NIVEAU DE LA CLASSE
Déjà les enseignants forment rarement une équipe, le moment pour la faire se rencontrer (la prérentrée) étant généralement sous-utilisé, non par malveillance, mais par ignorance de ce qui peut être fait. Ici aussi nous manquons de témoignages. Mais à la décharge de ceux qui font quelque chose, il faut avouer qu'il est difficile d'agir et puis d'écrire ensuite pour dire qu'on a agi ... Admettons tout de même qu'à la suite d'une ou deux rencontres les enseignants d'une même classe, ou tout au moins les enseignants principaux, se connaissent. Et qu'ils souhaitent rencontrer les parents. Ils vont avoir évidemment dans l'idée de les rencontrer comme parents isolés. Et ici je m'appuie sur mon expérience de parent d'élèves : il est souhaitable que les délégués de parents puissent réunir les autres parents de la classe et qu'il y ait donc un groupe cohérent qui puisse dialoguer à égaliavec l'équipe de professeurs. Théoriquement c'est possible : le tirage des circulaires au limographe,l'envoi de trente-trente cinq lettres n'est pas un obstacle insurmontable ...
Mais insurmontable pour qui ? Actuellement tout le monde travaille à l'extérieur et ce sont des parents déjà fatigués par leurs huit-neuf heures quotidiennes qui s'occupent des associations de parents, qui sont délégués de classe etc. Et ce n'est pas possible dans ces conditions. Il faut donc développer l'idée d'un "conjoint au foyer", l'idée d'un salaire décent pour une famille pour que celui ou celle qui reste au foyer ait une activité sociale orientée vers l'association de parents. Bien loin d'être rétrograde, cette idée du "conjoint au foyer" est celle qui peut permettre l'intervention
efficace des familles sur l'école.
On dira : "mais c'est tout simplement la femme au foyer que tu préconises ; ça existait déjà, et on a vu ce que cela donnait, des femmes à l'univers rétréci, sans indépendance économique etc." A cela je répondrai deux choses : la première, c'est que la dimension sociale de la famille (intervention vers l'école, les associations de H.L.M., de consommateurs etc.) était régulièrement escamotée pour le plus grand profit d'autres groupes sociaux ; la seconde c'est que, pour des raisons historiques,l'homme ayant toujours eu une activité sociale plus ouverte, pourrait en devenant "l'homme au foyer" ouvrir réellement le champ de cette activité. Et dans cette idée, si on l'examine attentivement,il n'y a nulle phallocratie, car ce type de fonction sociale peut parfaitement être assumé par l'un ou l'autre conjoint.
 
RELATIONS AU NIVEAU DE L'ÉTABLISSEMENT ET DU F.S.E. (2)
Là aussi seul "le conjoint au foyer" peut jouer - parce qu'il dispose 'de plus de temps et qu'il lui faut une dimension sociale - un rôle important.
Lorsque j'ai bénéficié d'une décharge de service pour étudier la vie scolaire, je me suis trouvé en contact étroit avec l'administration, j'ai donc vu vivre l'établissement de l'intérieur, cette vie qui est très différente de celle des classes, notamment pour un internat. Et mon activide recherche était fatalement ambiguë. En effet pratiquement certaines de mes interventions au raient pu être celles d'un conseiller d'éducation et certaines autres celles d'un élu du personne l. Alors pourquoi les C.E.et les élus ne le faisaient-ils pas ? La réponse est simple et dépasse de loin les blocages   sociologiques évoqués plus haut :
- actuellement, compte tenu de la paperasse administrative, les conseillers d'éducation n'ont plus le temps ni d'éduquer ni de conseiller. Et pour lever cet obstacle la seule ressource serait, en augmentant le nombre des C.E., d'entamer une recherche organisationnelle pour simplifier la paperasserie.
C'est un travail énorme qui demande des chercheurs spécialisés. Le premier obstacle est là.
- du côté des élus, il faudrait que ceux-ci bénéficient d'une décharge de service de deux heures ou de quatre heures, soit donc quatre ou huit heures de travail effectif par semaine. Techniquement ce n'est pas difficile à mettre au point, mais naturellement il faudrait meubler ces heures. Les tâches sont nombreuses et peuvent être réparties entre les élus : visites de réfectoires, de dortoirs et d'études (en collaboration avec les C.E.), discussion avec les surveillants (en collaboration toujours avec les C.E.), visites à l'intendance et aux divers services (cuisines, entretien etc.), relations publiques (avec l'extérieur de l'établissement et les parents, ceci en liaison avec le chef d'établissement et son adjoint). Bref le travail que je faisais quand j'étais déchargé de recherche.
Halte-là ! diront les syndicats. Nos élus ne sont pas pour gérer la crise et faciliter la marche de ltablissement, mais pour défendre le personnel et fa ire avancer nos revendications. A cela je répondrai qu'il est anormal qu'un syndicalisme de contestation propose des candidats à des postes qui sont des postes de gestion. Il me semble qu'au moment des élections les listes ne devraient pas être syndicales, mais soutenues ou non par les syndicats ; ceci permettrait d'avoir sur les listes des gens intéressés par les problèmes de gestion de l'établissement, éviterait aux syndicats d'être associés à des décisions qu'ils réprouvent (même s'ils ont voté contre en conseil d'établissement) et leur donnerait une véritable indépendance pour leurs interventions. Tout le monde sortirait gagnant de cette attitude et d'abord la démocratie. Car tous les enseignants sont électeurs et doivent pouvoir être éligibles même s'ils ne sont pas syndiqués.
Une autre catégorie d'enseignants doit pouvoir bénéficier de décharges de services, ce sont ceux qui s'occupent du F.S.E. avec le conseiller d'éducation qui en est spécialement chargé. Le F.S.E. trouve son origine administrative dans une constatation de bon sens : il y a des tâches éducatives, plus ou moins coûteuses qu'il vaut mieux (pour diverses raisons, pas forcément malveillantes !) ne pas faire prendre en compte par l'Intendance. D'où la personnalimorale du F.S.E., d'où aussi son aptitude à gérer une caisse, recevoir des cotisations, ordonner les dépenses qui relèvent de sa comptabilité propre. Mais dans l'optique de mieux faire fonctionner l'établissement. Ici deux tâches sont importantes :
- celle de la formation des délégués de classe et donc une activité de formation démocratique et présyndicale. J'ai là-dessus des documents intéressants.
- celle des relations avec les parents par le biais d'une activité liée à l'École des parents et ceci en liaison avec les adolescents. En effet beaucoup de familles connaissent des tensions quand les enfants grandissent ; l'apprentissage de l'autonomie puis de l'indépendance pose pas mal de problèmes.
Il y a là un besoin réel qu'il faut satisfaire. Le succès de Françoise Dolto "Lorsque l'enfant paraît..." en est un témoignage assez net. Et c'est normalement la tâche d'un établissement d'aider à le satisfaire en liaison avec les associations de parents d'élèves et les parents eux-mêmes.
Il y aurait évidemment encore beaucoup à dire. Ceci sera dit par les lecteurs du dossier qui sont invités à faire part de leurs expériences, de leurs réflexions ...
Roger FAVRY
22 janvier 1978
 
(1) Dossier "Relations avec les parents", (La Brèche numéro 37 · mars 78), pour le recevoir, s'adresser à :
Mauricette RAYMOND · Les Cardelines · Le Rocher du vent · 84800 Saumane (ce dossier ne sera envoyé qu'aux
actionnaires C.E. L.) joindre 8 F à la demande.
 

(2) F.S.E. le Foyer Socio-éducatif de l'établissement

 

 

 

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