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En Chantier n°12, janvier 2010, Ecrire à partir d'apports documentaires

Dans :  Histoire-Géo › Français › Arts › Principes pédagogiques › Techniques pédagogiques › 
A partir de l'histoire de leur village, des enfants du CM1 et du CM2 de Mormoiron (Vaucluse) ont écrit et joué une pièce de théâtre en cinq tableaux, intitulée Un blason, une histoire. Marjolaine Billebault, qui a participé a l'animation de ce projet, en évoque quelques temps forts.

- Définition du projet.
- Organisation et conditions de travail
- Apports documentaires
- Le texte dialogué (extraits)
- Présentation publique
- Nouvelles perspectives
   

Le cadre général

En juin 2007, l'équipe de la bibliothèque de Mormoiron a commencé à réfléchir aux activités possibles pour l'action nationale « Lire en Fête » du mois d'octobre.
Intervenant, à la demande, pour des lectures de contes suivies de création, j'ai proposé de faire écrire, autour du blason, des enfants volontaires. Ils liraient leur texte à cette occasion.

 

Les enfants volontaires pour ce projet

Je pensais avoir à travailler avec un petit groupe d'enfants pour élaborer un conte... mais, après info passée à l'école, se sont déclarés 39 volontaires !!! (CM1 au complet et 10 CM2)
Il est donc convenu avec l'institutrice des CM1 -complètement investie dans le projet- que je viendrais travailler dans sa classe (où seront intégrés les CM2) tous les mardis de 14 à 16 heures, et que les enfants écriront sous forme théâtrale.

 

Première séance le 18 septembre

- Rappel des objectifs : un texte dialogué autour de l'histoire du village, « représentation » le 9 novembre.
- La présentation du blason et des éléments documentaires qui sont donnés aux enfants : ils sont extraits d'un ouvrage sur l'histoire du village beaucoup trop long pour des élèves de cet âge, j'en ai donc tiré ce qui concerne les différentes parties du blason. Au cours des semaines, les enfants ont d'eux-mêmes complété cet apport en interrogeant des anciens du village. Sur d'autres points, nous les avons incités à approfondir leurs connaissances.


Exemples d'apports documentaires :
      1. un texte au sujet de la ruche présente dans le blason
« Sous les rois fainéants, des tribus venues d'Arabie et prétendant vouloir soumettre le monde à la loi de Mahomet, franchissent les Pyrénées. Elles foncent sur la Gaule avec un effectif de sept cent à huit cent mille guerriers.
Battues une première fois par Charles Martel à Poitiers en 732, les voilà qui récidivent et envahissent les régions méridionales de la Gaule et la Provence, par trahison de certains potentats locaux dit-on.
Les ravages de cette nuée de fanatiques du Coran furent sans nombre et Avignon devint leur place forte. Charles Martel les en chassa au cours d'un siège mémorable en 737 et les força à quitter la Provence.
Plus connus sous le nom de Sarrasins, ces envahisseurs maures ont laissé, par les exactions qu'ils ont commises, un souvenir tel qu'il est à l'origine de bon nombre de faits, réels ou imaginaires, déformés et se transmettant de génération en génération.
(...) (La légende) veut qu'au Moyen-Age, lors de l'invasion des Maures, alors que ceux-ci donnaient l'assaut aux murailles et y avaient déjà fait une brèche, les assiégés eurent une idée diabolique. Du haut des remparts, dans un élan désespéré, au plus fort de la bataille, ils basculèrent les ruches qu'ils avaient à portée de leurs mains sur les assaillants. Ceux-ci, surpris, ne purent esquisser la moindre défense contre les cruelles piqûres de ces hyménoptères vengeurs et battirent en retraite. »


Guy Gérard Durand, Un village comtadin MORMOIRON. Editions Barthélémy, 1984


      2. Le blason du village qui a été créé et enregistré à la commission d'héraldique en 1979

Blason de Mormoiron

 

« d'azur au mûrier d'or arraché, accosté à dextre d'une lettre M de même et à semestre d'une ruche d'or aussi, au chef cousu de gueules chargé d'une clef d'or posée en fasce.
L'écu timbré de la couronne murale à trois tours crénelées, maçonnée et ouverte de sable, est posé sur un listel d'or retroussés de sable chargé de la devise en lettres de sable. »

En première activité nous "décryptons" le langage héraldique. Celui-ci est étroitement codifié : quelle que soit l'époque de la création des armoiries, elles sont décrites avec les mêmes termes. En observant et dialoguant entre eux, les enfants sont arrivés assez facilement à comprendre chaque terme. Je n'ai eu à leur donner que le mot "sable" rien ne permet de découvrir qu'il s'agit de la couleur noire. Puis chacun colorie son blason.
Ensuite les élèves constituent 10 groupes. Chacun écrira sur un des 5 thèmes (le nom, la clef, le mûrier, les tours, la ruche).

 

 

Part des maîtresses

Nous passons de groupe en groupe pour :
- relancer par quelques questions les imaginations en panne, recadrer les consignes, éviter les anomalies trop flagrantes (même s'il s'agit d'un écrit de fiction, il faut respecter la cohérence historique et arroser un banquet médiéval au whisky et au pastis... Hum ! Les enfants se sont donc renseignés sur les produits et les recettes de l'époque) ;
- servir parfois de secrétaire pour un groupe où les idées fusent plus vite que les possibilités du secrétaire.
A la fin, je collecte les ébauches pour les taper et les amener le jeudi matin (avec quelques pistes de travail) pour que les enfants puissent y penser.

Exemple : un des textes produits lors de cette première séance, La ruche
(Elisa, Thibault, Léonie, Hugo) :


« Cette histoire se passe à l'époque de Charlemagne, elle va parler d'une bataille entre les Sarrasins, les Chrétiens, avec le concours des abeilles. Les Chrétiens, ayant peur des Sarrasins, se sont protégés avec des abeilles.
Un Chrétien : « On nous attaque ! »
Le Chrétien, ne sachant que faire, bouscula la ruche et le miel tomba sur les assaillants.
Les abeilles: « Bzz ! Bzz ! Notre miel tombe, on est en train de nous le prendre! Piquons-les! Bzz ! Bzz ! »
Et les Sarrasins sont repoussés par les abeilles.
Les chrétiens ont gagné le territoire. »


A la troisième séance

Chaque groupe lit son travail, nous notons réactions et propositions.
Il y a réunification. Désormais 5 équipes de 7-8 devront présenter chacune une partie du spectacle.

 

Part des maîtresses

- rappeler à chaque groupe l'apport oral de l'ensemble,
- aider au choix de ce qui sera gardé des idées des 2 groupes d'origine et à la mise en ordre,
- rappeler que chacun participe au spectacle, donc conseiller de définir et s'approprier un rôle (narrateur ou personnage),
- ... et toujours relancer, recadrer, servir de secrétaire.

Entre temps il y a eu :
- la recherche d'un lieu possible, ce sera la grande salle voûtée du musée.
- une activité débordante des enfants pour trouver ou élaborer costumes et accessoires.
A part deux déguisements « tout faits », greniers et débrouille ont été à l'honneur.
Pour mémoire : un aubergiste dans un énorme pull avec un coussin pour la bedaine, un pape drapé dans une djellaba blanche avec mitre en carton confectionnée par ses soins, un berger avec ses deux moutons en peluche... Et en fond de décor, un grand château-fort en carton.


Veille des congés

Une séance mi-fin d'écriture/mi-répétition dans la cour de l'école.
Nous conseillons à chacun de relire plusieurs fois son texte pendant les congés pour se l'approprier. Mais, vu l'ampleur des textes produits, les enfants liront leur rôle.
 


Quelques extraits de La ruche

(version mise au point pour le spectacle)


Cette histoire se passe à l'époque de Charlemagne, elle va parler d'une bataille avec les Sarrasins, les Chrétiens et les abeilles.
Les habitants de Mormoiron étaient des Chrétiens, ils faisaient leurs vendanges dans les terres autour du village.
Une paysanne : - Quel temps magnifique pour faire les vendanges, n'est-ce pas Marie.
Marie : - Oui, Yvonne d'autant plus que la récolte est importante cette année. Le baron sera content. Raymond, viens avec ta hotte, il faut que je vide mon panier.
Raymond : - J'arrive tout de suite ! Vous n'arrêtez pas de nous appeler, vous travaillez trop vite cette année. Georges et moi, nous allons être épuisés à la fin de la journée.
Comme vous pouvez le constater, tout se passe bien dans la jolie campagne de ce charmant village. Il fait beau, les gens sont heureux de vivre.
Quand, tout à coup, on entend l'olifan sonner depuis la tour de guet.
(...)
Un garde : - Ils paraissent méchants avec leurs grands sabres noirs. Nous avons besoin de renfort. Venez tous nous aider !
L'autre garde : - Les hommes, montez avec nous sur les remparts !
Les paysans, les commerçants accoururent pour prêter mains fortes aux gardes. Des commerçantes leurs prêtèrent des armes de fortune telles que des fourches, des balais, des hachettes. des faucilles.
(...)
Mohamed : - Regardez, les hommes ! ils n'ont rien pour se battre, la bataille va être facile. Je me vois déjà en train de me reposer sur cette agréable colline en buvant du lait de chèvre, en mangeant de délicieux fromages et du raisin, avec toutes les vignes qu'il y a ici.
(...)
Sous les remparts du château, les paysans avaient semé beaucoup de graines de fleurs et planté de nombreuses lavandes. Cela embellissait le château et en plus le baron, la baronne et leur fille adoraient se promener le long des remparts au milieu de ces senteurs délicates.
Cela avait donné l'idée aux paysans de faire l'élevage des abeilles, pour cela ils avaient installé beaucoup de ruches, à l'abri du vent sur les murailles. Comme ça, les abeilles allaient butiner les fleurs qui étaient à proximité, elles arrivaient ainsi à produire beaucoup de miel. Ce qui rapportait un peu d'argent à la communauté.
(...)
Dans l'affolement, le paysan Raymond se prit les pieds dans les outils qui avaient été déposés le long des créneaux, il trébucha et il fit tomber une ruche qui avait été déposée sur les remparts.
Le miel coula sur la tête du chef Mohamed qui était monté le premier pour apprécier sa victoire.
Mohamed : - Au secours ! je ne vois plus rien.
Il commença à s'agiter c'est alors que les abeilles se mirent à l'attaquer et à le piquer de toutes parts.
Mohamed : - Je me fais attaquer, c'est horrible. Vite les hommes, aidez moi !
Voyant ça. les habitants du village versèrent les autres ruches et tous les assaillants furent recouverts de miel et piqués par des milliers d'abeilles.
Les abeilles: - Bzz ! Bzz ! Ils nous prennent notre miel. Piquons-les! Bzz ! Bzz !
Le paysan :
- Nous avons trouvé une solution miracle, grâce à ma maladresse, nous avons vaincu les Sarrasins.

Tout le monde : - Hip hip hip hourra !
Les Sarrasins ont perdu.
Les Chrétiens ont gagné le territoire. Et la suite de l'histoire, vous la connaissez tous, car cette histoire ou cette légende, on ne sait pas, illustre toujours la vie de notre village. Elle est encore dans tous les esprits des Mormoironnais.

 


Novembre

Veille du grand jour : répétition dans la salle afin de calculer les gestes et déplacements possibles dans l'espace très réduit.
Le grand soir ! Heureusement que nous avons eu du renfort car gérer l'habillage, le maquillage et canaliser tout ce petit monde surexcité n'a pas été de tout repos.
La salle était comble et le succès énorme. La presse régionale en a rendu compte.

 La Dépêche du Midi, en date du 16 Novembre 2007


Du coup, l'école a envisagé déjà plusieurs suivis :

- une représentation pour tous les enfants de l'école en décembre. En fait, il y a eu une troisième représentation à la fin de l'année dans la salle de spectacles du village, où les enfants ont réellement joué leur pièce.
- un « atelier reliure », dans le cadre des activités décloisonnées, pour valoriser les écrits. Objectif :
que chaque participant en ait un exemplaire en produisant sa propre couverture.
- mise en vente à l'école et à la bibliothèque au profit de la coop.

Marjolaine Billebault

Ce travail a été réalisé par le groupe Doc2d (Recherche documentaire au second degré)
Pour nous contacter : bt[arobase]icem-freinet.org">btn[arobase]icem-freinet.org
Pour en savoir plus sur notre groupe : cliquez ici!


 

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