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Les soucis d’Education doivent s’intégrer aux travaux de Í’Année Internationale de la Santé Mentale

Janvier 1959

Au dernier Congrès de Paris, nous lancions l’idée d'une Année Internationale de l'Education, qui aurait dû, semble-t-il, rallier d’emblée toutes les initiatives généreuses. D’autant plus que nous ne parlions pas seulement de pédagogie, mais d'une formation en l’enfant, de l’homme de demain, qui inclut tous les problèmes complexes de l'initiative technique de la santé mentale et de la culture.

Malgré nos interventions dans les divers pays auprès des délégués de l'U.N.E.S.C.O., nous ne sommes pas parvenus à faire présenter le projet à la Conférence générale de l'U.N.E.S.C.O. qui s'est tenue en novembre à Paris,

D’autres organisations, sans doute plus influentes, nous avaient devancés. Nous apprenons aujourd'hui par INFORMATIONS U.N.E.S.C.O. qu’une Année de la Santé Mentale se déroulera en 1960, sous les auspices de la Fédération Mondiale de la Santé Mentale.

« Les buts de l’Année sont : l'étude des besoins des enfants dans ce domaine, la réalisation d'enquêtes nationales sur la santé mentale et les troubles mentaux, la formation du personnel spécialisé, la recherche sur les aspects sociologiques des changements industriels et les problèmes psychologiques des migrations ».

L'année 1963 est réservée à la campagne pour sauver le Monde de la faim, ce qui nous paraît excellent.

Aucune année de l'Éducation ne peut donc être prévue avant longtemps. Nous pensons d'ailleurs qu’elle ferait double emploi avec les préoccupations de la campagne 1960 sur la santé mentale, dont nous demandons seulement l’élargissement.

En formulant cette suggestion, nous ne cherchons point à raccrocher notre idée de l’année de l'éducation à un autre thème qui va tenir la vedette. Dans la préparation d’un événement mondial comme peut l'être, à l’exemple de l’année géophysique, l’année 1960 proposée, toutes considérations particularistes doivent nécessairement être exclues. Comme pour l'année géophysique, il nous faut accéder à une large collaboration dans chaque pays comme par-dessus les frontières, afin de mobiliser pour un succès certain l'universalité des bonnes volontés.

Or, si même, ce qui serait regrettable, les organisateurs se refusaient à cet élargissement initial, tous les bons ouvriers de l’Education : psychologues, pédagogues, techniciens, éducateurs de tous ordres, parents, auraient leur mot à dire sur un thème qui, dépassant les soucis des milieux médicaux, nécessite l'étude systématique de tous les problèmes du devenir de l'homme, de son adaptation à un milieu plus mouvant que jamais, de son équilibre et de sa santé mentale, facteurs d’efficience individuelle, sociale, technique et humaine.

Que nous le voulions ou non, la santé mentale est comme au carrefour de toutes nos préoccupations. C'est parce qu’elle est menacée par les insuffisances physiologiques ou psychiques, congénitales ou acquises, par les erreurs monstrueuses de l’éducation familiale, sociale ou scolaire, c'est parce que nos enfants ne sont pas en bonne santé mentale que nous avons tant de mal à remonter la pente.

Nous protestons d'avance contre la tendance qui pourrait pousser les organisateurs à ne s'intéresser qu'aux « cas » dont ils ont eu à se préoccuper dans les consultations, les cliniques et les hôpitaux. C'est un aspect non négligeable, certes, du problème. Mais nous aurions nous, à étudier ces autres « cas » si généraux hélas ! d'enfants qui ne sont pas encore passibles de la médecine, mais qui n’en sont pas moins déficients. Nous aurons à chercher ensemble — médecins compris — comment prévenir si possible, ou guérir cette masse d’enfants que le déséquilibre technique et social contemporain atteint dans leurs forces vives d'attention, de volonté et de travail, ceux qui sont sevrés ou frustés d’affectivité, les timides, les sans audace, les verbeux, les faux intellectuels, les maniaques, les dyslexiques.

Nous aurons à chercher ensemble, l’origine de leur mal pour en découvrir les remèdes, de quelque thérapeutique qu'ils se recommandent.

Les médecins eux-mêmes ne pourront pas au cours des travaux en profondeur qui marqueront inévitablement cette grande année 1960, négliger cet aspect éducatif du problème, Ne nous a-t-on pas vanté déjà les vertus des opérations d’amygdales ou de végétations, qui améliorent l'attention des enfants dans le rendement scolaire ? N'explique-t-on pas couramment que l'enfant malade doit d'abord être soigné et qu’il travaillera beaucoup mieux et plus vite quand il aura recouvré santé mentale et équilibre ? Les psychiatres d'avant-garde ne prônent-ils pas aujourd'hui l’ergothérapie, le traitement par le travail, ce qui revient à dire que le problème de la santé mentale est, de l'avis même des médecins, intimement imbriqué aux questions d'éducation dont nous disons l'importance.

C'est cette interdépendance des problèmes de psychologie, de pédagogie, de formation, d'éducation, d'une part, de santé mentale d’autre part, qui devra obligatoirement être prise en considération dès la préparation de l'Année Internationale.

Pour ces diverse raisons, nous nous permettons d'insister auprès des initiateurs de l'Année Internationale de la Santé Mentale, et auprès de l’U.N.E.S.C.O. pour qu’ils reconsidèrent si possible le titre de la manifestation internationale envisagée, qu'ils en précisent surtout les buts dans le sens que nous venons d'indiquer et qui doit avoir l'accord de tous ceux qui se préoccupent de préparer en l'enfant l'homme de demain.

Nous suggérons comme titre :

LA SANTÉ MENTALE ET L'ÉDUCATION

Avec comme buts :

— L'origine congénitale, familiale, sociale et scolaire des déficiences mentales.

— Etude sociologique des changements économiques et techniques qui mettent en danger l'équilibre et la santé des individus.

— Etude expérimentale des troubles à détecter et à corriger.

— Techniques curatives.

— Formation du personnel spécialisé.

Nous demandons aux organisations et aux personnalités compétentes des milieux psychologiques, pédagogiques, culturels et techniques, de s'entendre pour une intervention directe et la préparation méthodique d'une vaste entreprise internationale susceptible d'améliorer, d'une façon peut- être décisive, le matériel humain, élément n° 1 du Progrès et de la Civilisation.