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Revue en ligne CréAtions n°197 "Carnets de bord"
annoncée dans le Nouvel Educateur n°197 - Publication : avril 2010

Stage de formation du Secteur Arts et Créations de l'ICEM, Saint-Amand-en-Puisaye (Nièvre)

 Les fils rouges de Saint-Amand-en-Puisaye

Au stage de formation du Secteur Arts et Créations de l'ICEM, qui s'est déroulé en juillet 2007 à Saint-Amand-en-Puysaye (Nièvre) chaque stagiaire a présenté son fil rouge et a laissé une trace de ce moment de présention in situ. Voici la transcription de quelques présentations.

 

FIL ROUGE D'AGNES


Je suis arrivée au stage avec une certaine expérience, des envies, des questionnements :
En 2007/2008, j’ai participé à un atelier de pratiques artistiques animé par un Conseiller Pédagogique et parfois un artiste. Nous avons notamment expérimenté l’acrylique et je suis arrivée à St Amand avec l’envie de réinvestir ces savoir-faire récents pour moi, pour les conforter, pour les adapter à une situation nouvelle, etc.
J’avais donc apporté des couleurs acryliques , du liant-colle , des brosses et des tissus.
J’avais aussi un très gros appétit de découvrir la terre à la manière d’Anne- Marie. J’avais assisté au Congrès de Paris à la présentation de sa démarche et j’étais très impatiente de la vivre !
- visite de la carrière
- visite de la mini-usine du centre de formation
- jeux de pression et d’empreintes (j’aimerais bien d’ailleurs en faire une petite fiche récapitulative, aide mémoire pour de futures séances avec des enfants)
- séance avec la barbotine
- création en aveugle
- bol à creuser et à tourner…(le temps fut trop rapide)
Mon fil rouge a démarré au lendemain de la « nuit des résistances ». Cette performance collective avait fondé le groupe et m’avait permis de découvrir la richesse des ocres.

J’ai donc utilisé sur un tissu des ocres avec un liant acrylique pour que ce travail puisse rester. La composition générale reprenait une forme spiralée comme celle de la vieille au soir. J’ai travaillé cette matière colorée avec des outils variés, des superpositions, des grattages, en y intégrant (ce qui est une constante de mes productions) des écritures lisibles ou non.
La fleur collée est un clin d’œil à mai 68 dont nous fêtons les 40 ans et dont l’influence se fait encore sentir tous les jours.
Puis, les différents moments de découverte de la terre avec Anne Marie, peut être aussi la présence-absence de Tatiana m’ont inconsciemment replongée dans mon passé, ce qui est rare car ce que je crée habituellement est trop souvent trop cadré, trop dirigé, trop intellectualisé, trop contrôlé…
La séance au bord de l’eau avec la barbotine a été pour moi un grand moment de plaisir et de sensualité. J’ai pris sur moi pour ne pas utiliser tout mon corps. Yeux fermés, j’ai été attentive à mes ressentis mais aussi à mes gestes que j’ai ralentis au maximum (sans tenir compte de la musique, un concerto pour clarinette joué par mon ancien prof, ce qui me replongeait encore dans l’enfance)…
Plus tard, j’ai pensé réutiliser la barbotine dans ma production « fil rouge » que je commençais déjà à voir comme une émergence : il y aurait eu de la barbotine tout autour mais je ne voyais pas comment mettre cela en œuvre de façon un peu durable (au moins jusqu’au temps de visite par le groupe des stagiaires…) et j’ai renoncé.
Cependant ma découverte sensuelle de la terre se poursuivant, notamment par la sculpture qu’Anne marie nous a encouragés à faire les yeux fermés. J’ai cherché à faire une partie lisse et régulière et une autre déchirée, tourmentée, …
Et c’est de l’idée de déchirure qu’est vraiment né mon « fil rouge »
- déchirure de la naissance (la mienne, celle de ma fille, …)
- déchirure de la maladie (ma fille a été opérée en juin d’un cancer de la thyroïde)

J’ai déchiré le tissu que j’avais peint,
J’ai déchiré le bloc de terre que j’avais préparé, lissé, presque formaté, …
Et tout le reste a suivi :
- la ficelle pour solidariser les éléments en terre avec le tissu et pour dire la cohérence de groupe de la « nuit des résistances »
- la bille, porteuse d’ambivalence : œuf symbole d’espoir ou élément étranger, hostile parasite, très contrasté sur le plan formel avec le reste
- le lieu de l’exposition à la fois sauvage mais aussi avec des vestiges de la présence humaine et encore des éléments naturels (les champignons, à la fois parasites et bienfaisants) en harmonie avec mon installation

 

Le travail inconscient a été cette année important et a influencé fortement ma production. Il m’est resté secret jusqu’à l’idée d’émergence et alors, il n’y avait plus de doute pour moi que ce fil rouge de terre, d’ocres, de tissu humain soignait ma souffrance de mère.
Comment les autres pourront-ils le lire ? Jusqu’où pourra aller l’interprétation d’un public éventuel ? Mon installation pourrait-elle aider quelqu’un qui se trouverait dans une situation similaire ? Jusqu’où les spectateurs-voyeurs partageront-ils mon intimité ?


Agnès Joyeux

 

 FIL ROUGE DE KATINA
"Une passante est passée au n° 1300" - Installation

 

J'avais envie de faire quelque chose avec la terre: d'abord un jeu de domino sur les formes puisées dans l'environnement et façonné en terre puis coloré. J'étais attirée par les formes des murs des fours des environs: rythmes, couleurs, etc., attirée par le bâti, les vieilles briques. J'ai cherché d'autres supports, je suis partie à la recherche de déclencheurs. J'ai laissé mon regard errer et me guider.
J'ai alors découvert dans le foyer d'un four, situé au centre du parc, un amas de briques jetées en vrac. Elles étaient peintes aux deux extrémités en blanc. J'ai eu envie de les repeindre avec des ocres, d'aller plus loin, de les décorer, de les maquiller et de les assembler sur le même lieu. Ainsi posées, elles me font penser à une petite ville, au Yémen, et le four à un petit temple. Je n'ai pas voulu recouvrir totalement les briques mais plutôt laisser apparentes les surfaces aux couleurs intéressants. Ces briques servent pour soutenir les plaques de cuisson et ont des couleurs variées. Je leur ai donné un autre statut.

 

 

Et puis, j'ai aussi découvert qu'il y avait des écritures sur l'un des murs du four, mais aussi des traces de dessins. "Un four qui parle!" . Ce lieu a revêtu aussitôt un caractère poétique. J'ai voulu rebondir sur ces paroles insolites: "Il était une fois un petit four qui s'appelait 1300. Il ne pouvait pas accepter de s'appeler 1300. etc. etc." Un début de narration laissé là par ceux qui utilisent le four et qui patientent durant des jours et même des nuits.
J'ai donc souhaité intervenir sur l'existant en me laissant guider par celui-ci.
Le four est devenu comme un être vivant: qui respire, parle, blague, raconte, pense, incite à la rêverie. Un lieu de vie associé à la patience. Et moi, je ne suis qu'une passante. Un lieu marqué par la présence-absence de ceux qui le font fonctionner et que j'imagine recouverts d'un tablier de cuir pour ne pas être brûlés, assis et silencieux dans la nuit, à côté du foyer. Tout se passe comme si j'entre en dialogue avec eux, avec l'espoir qu'ils découvriront les petites métamorphoses de leur lieu de travail et l'espoir que la rêverie se poursuivra. Je m'adresse aussi aux membres du groupe de stagiaires, à travers des citations que je recopie sur les murs: allusion à la matière qui résiste (Anne-Marie), parallèle entre la forme qui surgit et l'âme qui se construit et évolue, clin d'oeil à Hervé qui cherche Alain Fournier (Musée Alain Fournier qu'il vient de visiter, auteur du Grand Meaulnes et qui a disparu pendant la guerre de 14-18, un an après la parution de son livre)- deux chaussures gisent devant le soupirail et une théière est transformée en urne funéraire, etc.

 

 

J'ai agi dans l'instant, sans idée préconçue sur la forme de mon fil rouge ni sur les actions à mener.
J'ai voulu respecter l'existant, rebondir dessus, apporter une réponse, sans dénaturer le lieu. Ce four est pour moi en même temps un lieu d'humilité et un lieu de noblesse: Il s'agit de le mettre en valeur, comme un petit temple chargé de connotations: pouvoir alchimique, vestales, le feu sacré avec tout le mystère qui est associé à l'action de cuire, source de métamorphoses que l'on ne contrôle jamais totalement.
Mon fil rouge s'est élaboré un peu chaque jour. J'ai habité le lieu un peu chaque jour, comme une passante qui laisse sa marque avec la conscience que le lieu continuera de vivre et d'évoluer sans elle par la suite. J'ai fait le choix de ne pas conserver de trace. Heureusement, les stagiaires ont pris des photographies. Chez moi, pas de volonté d'appropriation ni même de revendication de "l'oeuvre".
J'ai joué sur l'ambivalence du lieu: "sacré et humble". Le bois qui servira pour la prochaine cuisson reste en tas irrégulier à côté du four, les cailloux et les briques aussi. J'ai juste un peu nettoyé le sol et souligné à l'ocre rouge la base du four ainsi qu'une partie du sol.
J'ai employé les ocres déjà présents sur les murs, avec un pinceau. J'ai détourné quelques objets présents (un couvercle de bois en pizza, une théière en urne, etc.).

 

Les entrées d'air du four, organes de respiration du four, sont nommées "soupirail qui soupire" et "soufflet qui souffle", comme si ce grand corps avait des états d'âme... Je m'approprie les graffitis aux allures de chat pour en faire un "grille moustaches". J'ai poursuivi les écritures sur les lignes de briques non pas sur un mode narratif car je voulais permettre une multiplicité d'interprétation et de jeux possibles aux prochains passants.
Je me suis inspiré du livre de Gaston Bachelard "La terre ou les rêveries de la volonté", dans lequel j'ai puisé des citations que j'ai recopiées sur les murs.


Katina Iérémiadis

 

 

 

FIL ROUGE D'ANNE

 

Ce stage à St Amand en Puisaye est le premier que je suis. Je me suis inscrite sans trop savoir ce qu’il allait se passer, ce que je devais faire. J’allais travailler la terre, ça c’était sûr mais comment, dans quel but … ?
Très vite, mes co-stagiaires ont parlé du fil rouge. Tous savaient ou paraissaient savoir de quoi il s’agissait. Un grand moment, l’aboutissement de la semaine, ...Plus on essayait de m’expliquer en quoi consistait le fil rouge, moins je comprenais. Tout était obscur. Alors comme pour mettre en image ce qui se passait dans ma tête, j’ai pensé à un labyrinthe. Il n’y avait là aucune référence artistique ou culturelle, non c’était simplement l’état d’esprit dans lequel je me trouvais.
J’étais arrivée à St Amand et je m’y étais perdue.

 

 

Alors j’ai commencé à travailler la terre et à fabriquer mon labyrinthe, il y avait une entrée, des couloirs mais pas de porte de sortie ni de passage entre les différents chemins. En parallèle, je suivais les conseils d’Anne-Marie, je me laissais porter par la terre, j’essayais de la modeler. Alors petit à petit des ouvertures se sont faites entre les divers chemins et à la fin du stage, une porte s’est ouverte pour permettre la sortie du labyrinthe.
J’ai ensuite placé des mots entendus durant le stage dans mon labyrinthe : main, empreinte, terre, création, trace, dur, sentir, ressentir, art, vie. Et à la sortie, j’ai posé un petit texte qui exprimait ce que j’avais ressenti au contact de la terre.


Anne Hadry

 

FIL ROUGE D'ANNE-MARIE BOURBONNAIS

 

Trop prise par les préparations de mon intervention, j'ai fait mon fil rouge dans le feu de l'action et dans l'urgence du dernier moment.
Pourtant, grâce au groupe que vous faisiez autour de moi, bien des situations, des évènements, des questionnements me sont revenus pèle-mêle à propos de mon engagement-désengagement-réengagement dans l'ICEM. Quelques étapes importantes de mon parcours ont émergé. J'ai eu plaisir à vous les jouer à la « séance de cinéma » présentée ce jour-là.
Situation, environnement, mise en place :
la salle de cinéma possède un toit « parachute » tenu par 12 personnes, bras en l'air.
C'est à moitié confortable mais bon, c'est pour la bonne cause !

 

 

 

A l'affiche ce soir :
HISTOIRE PLAN-PLAN D'UNE PETITE FILLE ET D'UN FIL ROUGE

 

acte I :
(en fait c'est un cinéma-théâtre)
La scène se passe dans la salle de classe d'une école pas très catholique (bien que..)
Sur l'écran du kamishibaï : le tableau noir.
Dans la salle les empreintes de terre en rangs d'oignons symbolisent les élèves.
Dans cette classe on doit chaque matin réciter à tour de rôle les saints du mois. On entend en voix off la litanie des saints. (On ne sait pas très bien si ces voix sont celles des élèves ou bien des spectateurs présents dans la salle de spectacle)
Tout se passe bien, chacun sait la leçon des saints.
Mais dans la salle, une petite jeune fille s'interroge...

acte II :
(en fait, le cinéma-théâtre-coopératif-itinérant-de plein air, est un cinéma-théâtre-coopératif-itinérant-de plein air, « à toit ouvrant », ceci, un, pour rappeler que c'est l'été et un peu les vacances, deux, pour soulager les spectateurs coopératifs)
Donc, bien sur, dehors il fait une belle nuit étoilée. On ouvre donc le toit du cinéma. Ouf !
Des pommes de pins qui cette fois symbolisent les élèves montrent que les temps ont bien changé. La mode aussi.
La petite jeune fille est devenue maîtresse d'école. Les élèves très à l'aise échangent avec respect dans un environnement joliment fleuri.
Dans la salle de classe la position des tables laisse penser que la petite jeune fille qui a bien grandi a aussi bien réfléchi à la pédagogie : les élèves de cette nouvelle école connaissent la loi, écoutent les autres, prennent la parole et la donne, travaillent en groupe, aiment la nature et le silence...ils utilisent les mots et les mathématiques avec art.
C'est normal : dans la salle plane l'ombre de Saint Célestin!

 acte III :
(sur l'écran du théâtre d'image on ne voit plus de salle de classe mais un atelier de poterie) .
Après bien des années la petite jeune fille devenue très grande a préféré la terre aux mots et aux chiffres. Que s'est-il passé ?
On raconte qu'un jour de pleine lune où les choses se mettent dessus-dessous, la petite jeune fille devenue un tout petit peu trop grande est tombée dans une mare d'argile.
Est-elle tombée par accident ? A-t-elle plongé ? A-t-elle trop rêvé ?
L'histoire ne le dit pas mais on raconte qu'on la voit marcher, les nuits de pleine lune, légère comme un saltimbanque, sur un ruban de satin rouge. Il paraît que parfois pour elle la terre est trop lourde à porter. Alors sur son fil rouge elle s'envole un instant pour chanter les empreintes, l'eau, le vent, le feu.
(on entend les louanges de la terre par un chef indien)
les portes du kamishibaï se referment.
conclusion si on en veut une :
inscrire dans les prochains programmes scolaires : « ré-installation d'une poterie dans chaque école et d'un tour de potier dans chaque classe »
FIN

 

 Plusieurs thèmes se sont imposés à moi dans ce jeu-résumé spontané :
· le rôle libérateur de l'école mais pas n'importe laquelle
· la pédagogie Freinet parce que le respect de l'enfant et de la personne
· permanence de l'esprit créateur
· la terre rencontre le corps
· la terre comme ré appropriation du temps et du rythme
· la terre comme expérience sensible, l'empreinte, la main
· la terre comme possibilité de réunification de la personne physique et mentale
· la coopération, le groupe pour accéder à la connaissance
· la matière, la re-connaitre, l'apprivoiser, son rôle dans la création
· la terre comme partage
voilà tout ce qui tourbillonnait...
bon, c'est un petit peu ce que j'aurais souhaité vous faire entrevoir dans ces quelques minutes de fil rouge.
est-ce à dire que la situation me donnait le vertige ?
À vous de voir !


Anne-Marie Bourbonnais

FIL ROUGE DE MARIE

Porte en terre qu’il faut pousser.
Porte craquelée par le temps, les pierres, les feuilles.
Porte colorée d’ocre jaune et rouge.
Porte inspirée par Jean Carriès.
Porte fil rouge.

 


 

FIL ROUGE D'ANNE

De quoi s’est nourri mon fil rouge (non exhaustif !)
Ballade sur le site pour m’imprégner du lieu. Je ramasse plusieurs tessons de poterie. Il y en a partout. Je les dispose par terre dans ma chambre. Les tessons posés sur les carrelages me font penser aux chantiers de fouilles où chaque carré est délimité par des fils tendus au-dessus. Je signale mon « installation » en la délimitant avec une bande de plastique rouge et blanc utilisée sur les chantiers.


Je pense au travail de Anne et Patrick Poirier.
« Anne POIRIER, née le 31 mars 1942 à Marseille - Patrick POIRIER, né le 5 mai 1942 à Nantes Etudes aux Arts décoratifs de PARIS; séjour comme pensionnaires de la villa Médicis à Rome(1969-1973).
À la fois sculpteurs, architectes et archéologues, Anne et Patrick Poirier explorent des sites et des vestiges issus de civilisations anciennes afin de les faire revivre par des reconstitutions miniaturisées. Leurs travaux - composés d'herbiers, de dessins, de photographies et de maquettes - sont une réinvention du passé, où se confondent lieux réels et paysages oniriques, ruines imaginaires et fragments archéologiques. Au début des années 1970, ils développent une œuvre contemporaine qui prend sa source dans une vision de villes calcinées : ruines antiques de la Domus Aurea, en référence à la maison de l'empereur incendiaire, Néron, imitation d'Ostia Antica, ou encore ville imaginaire inspirée tantôt de Borges, tantôt des récits mythologiques. » Extrait du site de l’encyclopédie audiovisuelle de l’Art contemporain.

Hervé m’initie au monde virtuel de « second life ». Je crée mon personnage : Ananas Ragu. J’ai beaucoup de mal à me déplacer autrement qu’en crabe. Je ne suis pas douée pour cet univers.
« Mémoires d’un porc épic » d’Alain Mabankou. Je suis en train de le lire : le narrateur, un porc épic, est le double nuisible de Kibandi.
Double, avatar … Rêve, réalité … Où se situe la frontière ? Qui la définit ?
Anne-Marie me prête un livre dans lequel je vais trouver des explications sur les poteries bleues. Anne-Marie me fait sentir la terre, me transporte dans un monde souple et sans âge.

 

Nous supposons qu’à cette période les hommes devaient encore réaliser eux-mêmes bon nombre de tâches matérielles. Il est probable qu’ils n’avaient comme nous un plusieurs avatars qui effectuaient ces tâches dont nous sommes libérés depuis des siècles.

Hypothèse n° 1
A cette période, les hommes étaient dotés d’extrémités leur permettant de saisir les objets eux-mêmes, un peu comme les pinces de nos avatars.
De quels éléments scientifiques disposons-nous ?
- l’empreinte sur cet objet n°1 (= empreinte de main sur une brique) Objet par ailleurs dont nous ignorons l’utilité (probablement pour se chauffer le corps pendant la saison froide qui n’avait pas encore totalement disparu). Les 5 parties que vous voyez étaient vraisemblablement mobiles et pouvaient ainsi saisir un objet muni de
- cette partie (« anse ») objet n°2

Hypothèse n° 2
Ces hommes mettaient leur nourriture dans des objets et ignoraient l’usage de la sonde gastrique si pratique.
De quels éléments scientifiques disposons-nous ?
Les deux fragments n° 3 et n°4 (goulots) indiquent que c’est probablement par cet orifice que la nourriture passait. Vous constatez qu’il existe deux tailles d’orifice ce qui laisse supposer que la nourriture devait être plus ou moins grosse.
Hypothèse n° 3
Ces hommes connaissaient l’écriture.
De quels éléments scientifiques disposons-nous ?
Ces signes ont été retrouvés. (boîte à lettres)
En utilisant notre dictionnaire intersémantique j’ai pu déchiffrer les lettres C-N-I-F-O-P mais aucun mot de notre langue ne correspond à celui-ci. Est-ce le nom de la tribu qui occupait ce lieu ? Le nom du lieu ? Le nom d’un Dieu ?

Hypothèse n°4
La couleur bleue possédait des vertus particulières.
De quels éléments scientifiques disposons-nous ? Les fragments trouvés dans la sépulture sont tous bleus. Une explication possible : lecture d’un extrait du livre prêté par Anne-Marie.

Par contre nous n’avons pas encore découvert de quels objets viennent ces fragments : vêtement, chaussures, bijoux ????
Hypothèse n°5
Les morts étaient enterrés avec un animal. Ici un oiseau. Etait-ce leur avatar ? Leur double, comme c’est la coutume au Congo, nous l’ignorons.
Hypothèse n°6
En dehors des hommes et de leurs supposés avatars, il existait d’autres éléments vivants. De quels éléments scientifiques disposons-nous ?
Ces fossiles révèlent des empreintes dont nous ne savons pas encore de qui ni de quoi elles proviennent. (planche n°3)

 


Anne Roy

FIL ROUGE DE VINCENT

J’ai découvert un lieu qui m’a intrigué. Je vous y emmène et vous raconte ma démarche.
« Dans un coin isolé du centre, je découvre cet endroit par approches successives car j’ai toujours l’impression qu’il est bouché par des obstacles.
Ce lieu a l’air abandonné ou jamais terminé. Un peu plus loin, une sorte de bassin en ciment assez profond (environ 2,50 m). Il a une vague forme d’œil dont la pupille serait l’île proche d’un des bords du bassin. Je fais un croquis du bassin et j’essaye de comprendre à quoi cela peut faire référence : est-ce la forme du département et l’île représente Saint-Amand ? Est-ce la forme du village de Saint Amand et l’île le CNIFOP ? Mais cela ne correspond à rien de connu et personne ne peut m’éclairer. Ce qui fait que je m’attache d’autant plus à ce lieu malgré son aspect peu accueillant alors qu’il aurait pu l’être s’il avait été un minimum entretenu et aménagé.

 

Un arbre planté au milieu de l’île d’environ 2,50 / 3 mètres de diamètre. Au pied de l’arbre, une sculpture en céramique posée à même le sol. Elle représente un corps d’homme coupé à la taille, la tête renversée en arrière. Nouvelle question : est-ce qu’il sort de terre ? Est-ce qu’il s’y enfonce ?
L’île me parait toujours inaccessible.
Je contourne le bassin par le bas et trouve un nouveau passage.
J’ai l’impression de toujours arriver à la limite du terrain. Si je persévère je découvre de nouvelles voies, de nouveaux passages ce que je ressens comme un rite initiatique.
J’arrive au point le plus proche de l’île et il me suffit d’une grande enjambée pour y accéder.
Je me mets au niveau du visage de la sculpture et suit son regard. J’utilise un pinceau que je fixe au bout d’une longue perche. Je le trempe dans la barbotine et je décide de m’en servir pour marquer le premier obstacle que son regard rencontre, en l’occurrence une branche de l’arbre sur laquelle je marque un point d’argile. Ceci suscite à nouveau des questions : qu’est ce qu’il regarde ? Est-ce qu’il regarde la branche ou par delà la branche ?


Le sage montre la lune, l’imbécile regarde le doigt. Ce lieu ne suscite des questions sans réponses : utilité du lieu, forme étrange du bassin, place de la sculpture … »
A ce moment de la visite, je demande à chaque stagiaire d’écrire sur un papier ce qu’il imagine que la statue regarde. Chaque réponse est pliée non lue et déposée dans la sculpture à l’attention du prochain curieux qui viendra à se balader par là. Cela l’amènera à se poser d’autres questions dont il n‘aura pas forcément les réponses. Ma façon de faire perdurer le mystère du lieu.


Vincent Limonet

 

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