Raccourci vers le contenu principal de la page

La Pédagogie Freinet de l 'Ecole Moderne et la santé mentale des enfants et des maîtres (Prévention et Cure)

Dans :  Formation et recherche › connaissance de l'enfant › 
Mai 1959

Nous avons dit, dans un un récent numéro de ¡'Educateur (n° 9, du 1pr février 1959), comment l'organisation pour 1960 d'une Année de la Santé Mentale rendait caduc, pour plusieurs années, notre projet d'une Année Mondiale de l'Education.

Mais nous émettions l'avis que comme Nous avons dit, dans un récent numéro de l'Educateur (n° 9, du 1er février 1959), comment l'organisation pour 1960 d'une Année de la Santé Mentale rendait caduc, pour plusieurs années, notre projet d'une Année Mondiale de l'Education,

Mais nous émettions l'avis que l'immense armée des Educateurs, aux divers titres et pour tous les degrés, pouvaient et devaient se mobiliser, pour œuvrer à l'échelle nationale et mondiale, dans le cadre du point I du projet : Les soins des enfants.

La direction de l'U.N.E.S.C.O., à qui nous avons communiqué notre vœu, nous propose d'imiter le Bureau International d'Education, qui inscrit à l'ordre du jour de sa conférence Internationale de Juillet 1960, le thème : « Organisation de l’Enseignement spécial »,

D’autre part, Information U.N.E.S.C.O. parle d’une de ses publications « La Revue Internationale des Sciences Sociales » dont les articles marquent, en quelque sorte, l'inauguration du projet d'Année Mondiale de la Santé Mentale, avec les titres suivants : Le Milieu et la Santé Mentale — Les effets de l'Urbanisme sur la Santé Mentale — La Santé Mentale dans les établissements d'Enseignement Supérieur aux U.S.A., etc...

Les études que nous devions entreprendre sur la base de nos Techniques, s'inscrivent donc normalement dans le titre I du projet et nous souhaitons qu’une vaste entreprise collective parvienne à promouvoir les recherches constructives des éducateurs.

Nous portons à l’ordre du jour de notre prochain Congrès International de l'Ecole Moderne à Avignon (Pâques 1960), le thème central : La Pédagogie Freinet de l’Ecole Moderne et la Santé Mentale des Enfants (Prévention et Cure) et nous allons immédiatement en préparer les importants éléments.

A vrai dire, ce sujet d’étude n'est pas pour nous une nouveauté, mais nous aurons évidemment à en fouiller la prospection, en vue des publications, des confrontations et des discussions qui s’imposeront.

Premier point, qui n’est pas tout à fait de notre ressort, mais pour lequel nous devrons recueillir les éléments de démonstration :

La santé mentale de nos enfants a été sérieusement atteinte depuis la dernière guerre : ils sont notoirement plus nerveux, plus instables, plus brutaux ; leur affectivité est parfois dangereusement atténuée. Si nous ne parvenons pas à corriger les déficiences constatées, les générations à venir risquent d’être compromises dans leur comportement individuel et social.

Nous demanderons à nos camarades de réunir et de nous transmettre toutes observations précises, toutes enquêtes, tous écrits qui, nationalement et internationalement, nous permettront de faire le point de cette question.

Deuxième point : L'Ecole que nous disons traditionnelle a-t-elle une part de responsabilité dans cette aggravation ?

La chose est pour nous certaine et nous en avons fait souvent le procès. Il nous faudra le reprendre avec des faits précis, médicaux et psychologiques,

— Danger mental qu'il y a de contraindre l’enfant à un travail dont il ne comprend point le but ;

— Milieu scolaire amoral où l’élève s'ingénie à esquiver l'autorité du maitre et se trouve placé en face de ses camarades dans une position de compétition, qui ne répond point aux nécessités sociales de notre époque ;

— Habitude scolaire de passivité, qui contrarie sans cesse le besoin vital de création et de surpassement des individus ;

— Dédoublement des personnalités, psychisme perturbé, affectivité compromise, complexes graves, suscités et aggravés par l'Ecole,

Troisième point : les tares de cette Ecole non intégrée à la vie n'ont pas été catastrophiques pendant la première moitié du siècle, parce qu'elles étaient atténuées et parfois même corrigées par le milieu naturel, artisanal et familial.

C’est l’inverse qui se produit actuellement : le milieu est lui-même perturbé et souvent dangereux pour la santé mentale des enfants. Si l’Ecole aggrave ce milieu au lieu d'en atténuer les effets, les conséquences peuvent en être catastrophiques.

Nous aurons à étudier ces causes, par l’expérience que nous en avons à travers la vie de nos enfants. Nous avons déjà, au cours de notre Congrès de Mulhouse, et avant, soulevé quelques-uns de ces problèmes, dont il suffira de systématiser l'étude,

— L’alimentation des enfants : les toxiques alimentaires, les bonbons, l'alcoolisme ;

— Les soins aux enfants : les vaccinations mal administrées, les pilules (y compris les pilules du bonheur) à la disposition des mamans et parfois des enfants, les hôpitaux d'enfants ;

— La mécanisation et le bruit ;

— Les constructions modernes pour l'Ecole et ta famille ;

— Les espaces libres ;

— L’influence des journaux illustrés, de la radio, du cinéma et de la télévision.

Quatrième point : Comment une Pédagogie Ecole Moderne peut-elle, à l'Ecole et hors de l'Ecole, remédier partiellement au moins à ces déficiences et à ces dangers ?

Là, est vraiment notre domaine et il nous appartient de l'exploiter au maximum.

Comment ?

Nous ne pouvons pas nous contenter, en l’occurrence, de parler dans le général avec des assertions et des démonstrations qui peuvent être contredites par d’autres démonstrations. Nous avons surtout à apporter des éléments sûrs d’étude.

Nous le ferons sous deux formes :

A. — Enquêtes: scolaires, familiales et sociales, avec statistiques précises et démonstratives. Ces enquêtes pourraient être menées par nos groupes ;

— Nombre d'élèves fréquentant le cinéma — ayant à la maison radio ou télévision — Nombre d’absences le lundi, ou à certaines périodes de l’année — Enquêtes sur l'habitation et l’équipement familial, les animaux, etc...

Il faut que, par ces enquêtes, dont nous préciserons le domaine dans des articles et circulaires, nous soyons en mesure de présenter, pour le prochain Congrès, la figure précise du milieu de l’enfant 1960, Nous en tirerons alors les conséquences.

B. — Monographies :

C’est au travers de nos enfants, à même leur vie et leurs réactions, que nous étudierons les éléments indiqués ci-dessus. Pas de généralité gratuite. Nous demanderons à nos camarades de préparer des monographies sur un ou plusieurs de leurs élèves. Ils en étudieront, à travers leurs textes libres, les influences familiales et sociales, avec si possible, photographies et dessins, et même examens médicaux et psychologiques. Ils noteront ensuite les changements que nos techniques suscitent dans leur comportement, par :

— le dessin libre ;

— le texte libre ;

— le travail créateur coopératif ;

— le travail individualisé ;

— la réussite dans les divers domaines ;

— l'habitude d'aller en profondeur dans un travail et de se passionner pour une œuvre ;

— l'influence du milieu scolaire régénéré ;

— le profit vital,

Nous étudierons nous-mêmes, à l’Ecole Freinet, de nombreux cas de ces enfants qu’on nous amène à 10 - 12 ans et qui ne manquent pas d’intelligence, mais qui sont mis en danger mental par les erreurs familiales, sociales et scolaires.

Nous étudierons les étapes de leur redressement et nous les montrerons, dans des délais variables, régénérés par nos techniques.

Ce qu'il nous faut en l’occurrence, c'est d'abord la richesse et la précision de vos observations : conservez dessins, textes libres, photographies si possible. Faites parler au magnétophone, intéressez les psychologues, les médecins et les psychiatres aux cas étudiés.

Nous aurons alors une belle moisson, dont nous saurons utiliser le grain.

Nous enverrons gratuitement à tous les camarades qui désirent commencer ces monographies, avec des instructions particulières, un stock de papier de diverses qualités pour faciliter le travail.

La préparation du thème de notre Congrès sera le travail central cette année, de notre Commission de la Connaissance de l'Enfant.

Cinquième point : La Santé Mentale et l’Educateur. — Et il est tout aussi important, sinon plus. On ne dit pas assez dans notre métier, par pudeur, les répercussions de nos conditions de travail sur notre propre santé mentale, pourtant déterminante dans la conduite d’une classe.

Il n'y a rien de plus déséquilibrant, de plus usant nerveusement, de plus inhumain, que le travail de l'éducateur selon des techniques et dans cette atmosphère, avec des enfants qui compliquent à l’extrême notre fonction enseignante.

Nous sommes la plupart du temps comme l'ouvrier ou le mécanicien énervés par le bruit, par une machine qui ne fonctionne pas, une essence ou une huile de mauvaise qualité. Il arrive que l'ouvrier jette là ses outils et s'en va chercher ailleurs des conditions de travail plus humaines.

Nous devrons, comme pour les enfants, chercher les causes de notre fatigue nerveuse anormale en classe (méthode de travail, discipline, bruit, etc...). Nous étudierons ensuite dans quelle mesure nos techniques corrigent ces erreurs et ces déficiences, en permettant aux éducateurs de travailler dans des conditions d'intérêt et d’humanité apaisants et équilibrants.

Nous demandons aux camarades de préparer de même, sur ces thèmes, des monographies détaillées, pour lesquelles nous conserverons le plus strict anonymat.

Nous n’avons en l'occurrence rien à inventer. Nous n'avons qu'à mettre noir sur blanc nos constatations. Elles constitueront, dans le cadre de l'Année Mondiale pour la Santé Mentale, un apport d'exception en faveur d'une amélioration radicale du travail des enfants et des éducateurs et des conditions mêmes d'une saine éducation, facteur d’équilibre, d'efficience, d’humanité et de paix.

(Inutile de dire que cette enquête est menée par nous à l’échelle internationale et que nous invitons les adhérents des diverses sections de notre Fédération Internationale des Mouvements d'Ecole Moderne, à participer à nos travaux, dont nous publierons les résultats).