Raccourci vers le contenu principal de la page
Novembre 1957

L’aventure du Spoutnik et la compétition URSS-USA dans le domaine des fusées lui donnent une brûlante actualité. Les USA, qui se voient distancer dans ces domaines vitaux pour leur « défense » se rendent compte brusquement que leur infériorité vient en partie du moins d’une déficience à corriger d’urgence dans la préparation scientifique des étudiants. Du coup, l’enseignement scientifique va bénéficier immédiatement outre-Atlantique, de conditions exceptionnelles de temps et de crédits. On ne semble pas encore avoir examiné la pédagogie possible de ce renouveau scientifique.

Quant à l’URSS son avance vient sûrement du fait que, depuis de nombreuses années, elle prépare une véritable armée de chercheurs scientifiques et, qui plus est, de chercheurs audacieux et enthousiastes qui semblent n’avoir aucune limite à leurs initiatives. La pédagogie soviétique a certainement donné à la préparation scientifique une importance qu’elle n’a dans aucun des pays de vieille civilisation accrochés à leurs mythes de culture classique.

Il y a, en 1957, des positions pédagogiques à reconsidérer, et cela sans retard.

* * *

Nous ne voulons pas prendre exagérément figure de prophètes, mais l'idée même de modernisation dont nous nous sommes fait un drapeau dit assez que cc problème nous est familier, qu’on ne doit pas travailler à l’école au temps des autos et des spoutniks comme nous travaillions au début du siècle à l’ère des chars-à-bancs ; et qu’une éducation ne remplit point son rôle humain et social si elle n’éclaire la route hardie des générations qui viennent.

Nous avons dit aussi, et cela depuis trente ans, qu’on ne prépare pas les voyages sur la lune avec l’étude par cœur de résumés de sciences ou l'examen, sur les croquis de manuels, des observations et des expériences. La formation scientifique est — comme toute formation d’ailleurs, mais plus exclusivement peut-être — à base d’expériences personnelles effectives avec leur part d'inconnues et donc leurs risques d’échecs et d’erreurs ; elle est une attitude de l’esprit fondée sur ce sentiment devenu règle de vie de la perméabilité à l'expérience, élément déterminant de l’intelligence, et moteur de la recherche indéfinie au service du progrès.

Nous ne nous sommes pas contentés de dire ces vérités de bon sens ; nous nous sommes appliqués à réaliser les conditions matérielles et techniques qui rendront possibles et permanentes cette expérimentation et cette recherche. Nous avons entrepris la préparation et la fabrication du matériel nouveau, prototype de ce qui devra être demain l’installation scientifique de nos classes : au matériel d’observation et d’expérimentation scientifique pour laboratoire et vitrines scolastiques, destiné à être manœuvré par le maître en illustration de ses exposés, nous avons substitué un matériel pour le travail personnel ou en équipe des enfants ; nous avons rendue familière à nos écoles cette idée essentielle d’atelier qui grignotera peu à peu la formule des classes d’instruction ; nous avons libéré le potentiel de curiosité, de création et de recherche de nos enfants et nous avons montré qu’il est la meilleure des conquêtes pour la formation d'hommes qui soient capables de s’attaquer avec témérité aux problèmes infinis qui ne cessent de se poser à un monde qu’on avait cru un moment rétréci et limité. Notre boîte électrique avec courant bas-voltage, véritable génératrice pour nos ateliers est le modèle de ce que nous devons et pouvons réaliser dans tous les domaines.

Nous voulons montrer que la formation scientifique n’est pas exclusivement le produit de machines plus ou moins modernes et perfectionnées. C’est dès la plus tendre enfance que se préparent les chercheurs de demain. Au lieu de boucher l’horizon des enfants par un enseignement dogmatique où la curiosité naturelle ne trouve plus sa nourriture, il nous faut familiariser nos élèves avec la recherche et l’expérimentation. Il nous faut leur donner le besoin et le sens scientifiques. Les réussites de nos classes nous montrent que la chose est possible. Mais il y faut un changement radical dans la pratique pédagogique, et donc une organisation nouvelle et des outils dont nous avons créé les modèles.

C'est pour l’avenir de nos enfants une nécessité capitale. C’est presque un SOS que nous devrions aujourd’hui lancer.

* * *

Cette atmosphère d’expérimentation et de recherche permanentes, nous pouvons désormais la créer dans nos classes avec les outils et le matériel dont nous disposons.

Nous pouvons dès maintenant mettre à la disposition des écoles :

— Les Brochures d’Education Nouvelle Populaire suivantes :

27 Le vivarium.

28 La météorologie.

29 L’aquarium.

35 Le musée scolaire.

53-54 Les oiseaux.

61-62 Naturalisations.

— Les B.T. de construction, de fabrication et de détermination (sans compter les très nombreuses BT documentaires).

— 146 (Notre Corps), 164 (Les dents), 360 (Le petit Anatomiste).

— 135 (Serpents), 193 (Sauterelles et Criquets), 229 et 230 (Protégeons les Oiseaux), 249 (Les papillons), 253 (Le scorpion), 264 (Guide pour l’étude des insectes), 268 (La pisciculture), 274 (Collectionne les insectes), 316 (Quelques insectes), 331 (Les insectes nuisibles aux plantes cultivées), 343 (La chasse aux insectes).

— 129 (Bel oiseau qui es-tu?), 206-207 (Beau champignon qui es-tu?), 212 (Belle plante qui es-tu ?), 263 (Belle plante qui es-tu ?), 252 (Quelle est cette plante sans fleur?), 280 (Quel est ce fruit sauvage ?), 336 (Jolies fleurs de chez nous).

— 161 (Habitant d’eau douce), 198 (La chasse aux champignons), 199 (Champignons), 202 (Produits de la mer : crustacés), 203 (Produits de la mer : mollusques et coquillages), 221 (Les fossiles), 222 (Les fossiles), 287 (Maladies des plantes cultivées), 290 (Atlas de plantes I), 351 (Atlas de plantes II), 355 (Atlas III), 310 (Plantons la vigne), 314 (Quelques plantes).

— 185 (Le Téléphone), 186 (Le petit mécanicien), 192 (L’eau à la maison), 208 (La matière), 209 (L’énergie), 210 (Les machines atomiques), 217 (Construis un moteur électrique), 248 (Construis un planeur), 300 (Le petit électricien), 301 (Météorites, comètes et astéroïdes), 311 (Observe le ciel), 326 (Expériences d'électricité), 330 (Le courant continu), 339 (Le petit météorologue), 362 (Construis un poste de TSF).

Ajoutons à la richesse de ces guides un outillage que nous allons développer :

Boîte électrique N° 1 : pyrogravure, lumière, chauffage, résistance, soudure.

Boîte électrique N° 2 : (courant continu, bas voltage) télégraphe, téléphone, sonnerie.

Boîte électrique N° 3 : moteur électrique.

Boîte électrique N° 4 : cartes et montages électriques.

* * *

Nous sommes en train de rechercher tous les travaux et expériences valables non seulement pour le CM ou la Fin d’Etudes, mais également pour le CP et le CE. Ces études feront l’objet de prochaines publications.

* * *

Ce n’est pas nous qui sommes à la remorque des programmes ou des instructions ministérielles. Nous gardons notre position d’avant-garde. Nous restons à la tête du peloton et nous nous réjouissons de voir de temps en temps les documents officiels certifier de leur sceau que nous sommes sur une bonne voie.

Nous lisons dans les « Cahiers Pédagogiques » pour l’enseignement du second degré un certain nombre d’études scientifiques suivies des Instructions relatives à l'Enseignement des mathématiques (janvier 1957) :

« Les mathématiques apparaissent plus encore aujourd’hui qu’autrefois, comme un élément indispensable de toute véritable culture...

« L’accès aux notions de base ne peut se concevoir qu’en partant du concret, du milieu que l’enfant peut explorer parce qu'il peut s’y mouvoir et agir. Le rôle du maître est alors de diriger cette exploration, en cherchant à ne pas éteindre la curiosité et la spontanéité ; il proposera ou fera surgir des « situations » d’où se dégageront peu à peu, par l’observation de l’expérimentation, quelques faits qui apparaîtront dominants et qui mériteront d’être retenus, mis à part, distingués par quelques moyens permettant de les retrouver, de les reconnaître, de l(es mettre de nouveau en jeu. Ainsi naîtra l’idée d'une représentation figurée, et prendront corps des conventions, des signes et des symboles qui ne sembleront plus enveloppés de mystère.

« N'est-il pas indispensable de faire bien saisir à l’enfant, puis à l’adolescent, les liens étroits qui unissent les mathématiques au monde sensible. »

D’où la nécessité du calcul et des problèmes vivants.

Et les I.M. citent Bergson :

« On oublie que l’intelligence n’est que la faculté de manipuler la matière, qu’elle commence du moins ainsi... Un savoir tout de suite livresque comprime et supprime des activités qui ne demandent qu’à prendre leur essor,

« Bien des mots du langage mathématique, continuent les I.M., évoquent la vie et l’action : variables, fonction, correspondances, transformation, équations, inéquations. Qu'on prenne garde de les scléroser, de rendre inertes les êtres qu’ils représentent et passifs les actes qu’ils désirent, car leur maniement, leur mise en œuvre se réduisent alors très vite à de fastidieux excès... »

Les I.M. se terminent par cette affirmation :

« La formation mathématique est un bien et un droit pour tout Être humain, quels que soient sa race, son sexe, sa condition et ses activités.»

On nous excusera d'avoir cité un peu longuement ce document officiel. Vous y puiserez cette certitude réconfortante de l’efficacité de nos efforts et vous pourrez le cas échéant répéter ces paroles de sagesse aux contradicteurs — instituteurs ou inspecteurs — qui, faisant passer la forme avant le fond, dégoûteraient à jamais les enfants de l'étude scientifique élémentaire, celle qui sans inutile verbiage, prépare les constructeurs des géniaux spoutniks de demain.

C. F.