Raccourci vers le contenu principal de la page
Octobre 1999

 


CréAtions 88 -  Supports multiples  - publié en septembre-octobre 1999

Edito

 

L’école, « lieu de diversités »

L’école s’ouvrira au monde si elle se donne les moyens de faire émerger les différents types de langages, de mettre en évidence les langues qui permettent de les conjuguer (langage=peinture, langues=aquarelle ou pastel ; langage=verbe, langue=français, etc.) d’en connaître leurs différents registres (peinture – à l’huile è à la manière de la Renaissance italienne ; théâtre à la manière de la commedia dell’arte), et de favoriser dans le même temps leur appropriation par les enfants qui feront le monde de demain.

Nous parlons beaucoup en ce moment de « maitrise de la langue », pourtant la pratique de l’oral et de l’écrit, qui est sous tendue, n’est pas la seule voie d’accès pour participer au monde. Les langages sensibles et culturels (communication, techniques, jeux, etc.) véhiculent des langues qui ne sont pas uniquement du texte et qui sont à maitriser elles aussi.

Mais est-ce que cette maitrise doit avoir pour objectif la perfection instrumentale que l’école validerait, comme savoir jouer au volley » ou « connaitre parfaitement le maniement d’un ordinateur » ? On voit trop souvent des parents déplorer que leur enfant ne jure que par les jeux vidéo, comme si cette attirance était une fatalité.

Nous réclamant de Freinet, nous voulons favoriser la globalité de l’apprentissage. Plus question pour nous de faire du français, des maths, de l’histoire de manière isolée, séparée des autres enseignements. Les problématiques posées par les enfants, par leur questionnement et les outils de tâtonnements expérimentaux (scientifique, artistique, philosophique, historique, etc.) permettent de définir les notions des concepts qui sont mis en évidence. C’est dans cette optique que l’éducation doit être abordée.

Dans la pédagogie Freinet, l’expression libérée est un des vecteurs pour atteindre la pluralité des langages et ce que nous appelons « créations » se situe dans la maîtrise « réactive » qu’implique la libération. Préférable au « contrôle » du langage avec son imprégnation de morale, la prise en compte du « désir de dire » et la possibilité de faire « œuvre » sont, pour l’enfant, les meilleurs palliatifs aux « réactions » non maitrisées qu’il peut être amené à produire : les violences verbales ou physiques, mais aussi les dégradations, les graffiti ou le tag sauvages sur le rideau métallique du magasin, ou encore les désirs d’uniformisation de l’enfant, son goût pour le Mac Do ou pour la marque untel.

Dans ce numéro se côtoient des articles qui mettent en valeurs des approches différentes du monde et les enseignants soulignent souvent ces trajectoires d’apprentissages dans lesquelles ces productions se situent (connaissance du corps, de la nature, du regard, etc.).

Entendre les élèves et leurs questionnements, s’assurer que les enfants s’écoutent et sont attentifs à l’expression de l’autre, partir de ce qui émerge et mettre en valeur ce qui est encore caché, impliquent que les enseignants accueillent dans leurs classes toutes formes d’expressions, ce qui doit être encouragé partout et tout le temps.

L’école doit être un « lieu de diversités » pour permettre l’émergence de la complexité du monde.

Hervé Nuňez
 

                               sommaire n° 88 - Supports multiples