Je me souviens des longues soirées passées en été, sur le pas des portes, à écouter le récit que faisaient aux filles, de leurs aventures de régiment, les soldais permissionnaires.
C'est qu’en ce temps-là, au début du siècle, il y avait de la discipline, il ne manquait alors, comme on sait, pas un bouton de guêtre, Pour une cravate non réglementaire ou des souliers mal cirés, au bloc ! Les jours de revue, les boutons de capote brillaient comme des miroirs, les paquetages étaient sans bavures, et les défilés avaient une majesté automatique qui mettait les larmes aux yeux des spectateurs.
Pas de rouspétance ! On ne vous demande pas votre avis ; vous n’avez qu’à obéir !
Nous avons connu l’envers de cette discipline quand officiers et soldats ont été engagés côte à côte dans leur vraie fonction qui était, non de marcher au pas, mais de se battre et nous en avons mesuré alors la vanité, la malfaisance et les dangers ; elle était valable peut-être pour maintenir une forme extérieure qui fait illusion ; elle est caduque et négative dans les incidences du travail et du combat.
Quand il s’agit de se poster à deux à un créneau mortel ; quand ou doit se traîner dans les tranchées, s'aplatir loin les obus, partir à l’assaut sous les balles, porter secours aux camarades qui souffrent et qui meurent, tout s’anéantit des règles spectaculaires : il n’y a plus alors ni alignement, ni salut, ni ordre formel, ni cravate, ni bouton de guêtre.
Et l’officier qui prétend commander en maître, comme à la caserne, est abattu par quelque balle perdue.
Mais le danger incite les hommes à retrouver la vraie discipline qui est ordre, obéissance stricte aux engagements consentis, cohésion, autour des forces morales — galonnées ou non — qui s’affirment, entraide et fraternité.
Nous laisserons à la caserne ses alignements, ses pelotes et ses "compagnies de discipline”. Nous réaliserons l’ordre, l'équilibre et l’harmonie dans une adhésion fonctionnelle à la discipline coopérative pour une éducation du travail.