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DITS DE MATHIEU - La Réforme en action !

Février 1957

« Il est formellement interdit d’amener en classe un animal quelconque ». Note d'inspecteur Primaire du 11 janvier 1957 faisant sans doute suite à une note ministérielle.

Ah ! semblent dire les bureaucrates administratifs, vous prétendez emboîter le pas aux révolutionnaires qui, pour la Nouvelle Réforme, vous enjoignent « de réagir contre le procédé intellectualiste d’inspirer le goût de la recherche, de réduire ce qui peut encore subsister de verbal dans nombre de nos disciplines, de généraliser l’emploi des méthodes actives. »

Si on vous laisse faire, la vie entrera dans la classe avec tout ce qu’elle peut apporter de désordres et de dangers matériels et moraux.

Halte-là ! Le règlement !

Le règlement d’il y a cinquante ans, d’avant les leçons de choses, qui sont devenues depuis leçons de vie. C’est lui qui vous régente et qui règle les responsabilités.

Veillez donc à ce que vos enfants n’apportent plus dans leurs poches des hannetons qui volent, des cigales qui chantent quand on leur chatouille le ventre, des chenilles et des papillons pour collections ; plus de moineaux ni d’hirondelles. Et si un chasseur du village vous offre un hibou ou un renard, gardez-vous d’en faire une leçon de sciences ou de les empailler.

Il y a plus dangereux que la mante religieuse ou la bête à bon dieu, ce sont tous ces outils et ces machines que la science envahissante introduira demain dans vos classes : plus de couteaux ni d’épingles, ni de lampe électrique ; pas de produits chimiques, ni de marteau qui frappe ou de machine qui tourne ; pas de courant électrique qui chatouille ou secoue, encore moins de pointe à pyrograver ou de filicoupeur...

Des tableaux de science, des images et des leçons... Justement tout ce qu’interdit la réforme en cours.

L’organisateur officiel de la course a levé son drapeau :

— Allez-y !

Mais, dix mètres plus loin, la police nous arrête :

— Excès de vitesse... Ni bêtes, ni mécaniques.

Alors, nous les coureurs, nous voudrions savoir qui commande : le Parlement et les ministres conscients des nécessités de l’heure, ou la machine bureaucratique qui défend son immobilisme. Nous voulons savoir si la réforme n’est qu’un chiffon de papier.