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DITS DE MATHIEU - Eviter la scolastique

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Novembre 1956

LES DITS DE MATHIEU

Bréviaire de l’Ecole Moderne

IV. - Eviter la scolastique

Je ne sais si la définition que je donne de la scolastique est celle que vous trouverez dans le dictionnaire, ou si le mot lui-même n’est pas un néologisme, dans le sens du moins où nous l’employons pour marquer l’opposition de principe entre la forme figée de pratiques traditionnelles et les exigences dynamiques d’un monde qui vit d’idées neuves et iconoclastes.

Qu'est-ce donc que la scolastique ?

Chaque fois que vous vous livrez en classe à un comportement, à des réactions ou à un travail qui sont spécifiques au milieu scolaire, et que vous ne pratiqueriez hors de la classe ni à l'atelier, ni aux champs ou dans la famille, vous sacrifiez à la scolastique.

S’aligner avant d’entrer, c’est de la scolastique, bonne seulement pour l’école et le régiment.

S'asseoir et croiser les bras, c’est de la scolastique. Des masses imposantes se réunissent dans l’ordre et la ferveur, sans qu’on ait besoin de leur imposer une attitude individuelle ou collective.

Faire des devoirs et des exercices dont nous ne comprenons ni le sens ni l’utilité, c’est de la scolastique. Aucun adulte, hors de l’Ecole, ne fait de devoir et n’étudie de leçon parce qu'aucun adulte ne tolérerait une limitation si totale de son initiative et de sa personnalité.

Interroger les enfants d’un air soupçonneux, pour les prendre en faute et leur appliquer des sanctions ; barbouiller d’encre rouge leur cahier de travail, c’est une scolastique que nous considérerons nous-mêmes comme une insupportable atteinte à notre dignité.

Ne croyez pas que les enfants s’en accommodent et en bénéficient. Ils organisent leur vie malgré elle comme ces bêtes qu’on pousse à coups de fouet et d’aboiements de chiens dans un chemin où elles ne veulent point aller. Elles n’ont d’esprit et d’attention que pour l’herbe et le feuillage dont on les a frustrées et, dès qu’elles le peuvent, elles prennent la tangente pour retrouver la liberté et la vie.

La scolastique serait-elle du moins un mal nécessaire ? Et les formes de travail qui, de tous temps, se sont avérées précieuses pour les adultes, ne seraient-elles pas, par hasard, la solution souhaitable pour les problèmes majeurs de notre Ecole ?

Posez-vous aujourd’hui la question. Vous essaierez alors d’y répondre, et votre souci d’éviter la scolastique sera le pas décisif vers une école moderne efficiente et humaine.