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Octobre 1954

En ce début d'année scolaire, notre premier souci a été de faire le maximum pour nos écoles modernes encore débutantes dans la vaste expérience d'art enfantin ou encore mal dégagées de l'emprise d'un classicisme de rabais. Nous avons précisé pour toutes ces écoles ce que nous allions faire, tout de suite, pour les aider. Elles n'ont désormais qu'à se reporter aux instructions données dans les Nos 1 et 2 de notre «Éducateur» 1954 pour prendre contact avec nous et démarrer hardiment vers l'expression artistique.

Un destin plus ample attend nos écoles-artistes, celles qui peuvent désormais continuer dans le succès et le murissement, l'œuvre déjà conséquente de leur expérience. Depuis quelques années ces écoles-artistes ont donné à toutes les manifestations locales ou nationales, un cachet, une valeur, une portée qui affirment la permanence de notre acquis dans le domaine de l'Art. Certes, nous ne nous attendons pas, dans le monde pédagogique, à voir nos titres de pionniers et de laborieux travailleurs être reconnus ou tout au moins cités — comme l'exigerait la simple objectivité d'information. Nous ne songeons même pas à nous faire rendre justice quand les cénacles s'emparent de nos biens pour orchestrer leur propre renommée. Demandez donc aux autorités de l'U.N.E.S.C.O. si par hasard elles ont entendu parler des réalisations de l'Ecole Moderne. Et vous aurez une idée très nette de la part qui nous est faite au sein d'une organisation qui se veut internationale et impartialement documentée.

Mais le temps et l'action travaillent pour nous. Le silence n'a jamais jugulé la vie, et la vie ne fleurit que sur les humus fécondés de fortes semences. Personne autant que nous ne sème aussi généreusement aux quatre vents et sans la moindre arrière-pensée de renommée personnelle. Nous laissons à nos camarades une liberté totale de création et d'utilisation de leurs richesses car nous savons que chacun d'eux fera toujours le maximum pour que l'Ecole Moderne et l'Art tout court y trouvent leurs avantages indissolubles. C'est parce que nous savons bien cela que nous allons organiser à Aix-en-Provence, lors de notre grand Congrès annuel, le premier Festival d'Art enfantin. Une telle initiative n'est pas prétentieuse de notre part. Chaque année nos Congrès font la preuve des possibilités inouïes de nos diverses écoles modernes. Nous sommes plutôt encombrés par trop de richesses. De richesses qu'il nous faut désormais passer impitoyablement au feu de la critique pour rejeter les faux reflets du clinquant et le détail facile encore nourri de banalité. Devant des réalisations aussi impressionnantes d'ampleur et de qualité telles que celles qui magnifient tous nos congrès nous pouvons faire confiance au sûr instinct de nos camarades pour tout ce qui touche à l'œuvre d'art. Certes, un maître ignore peut-être pour quelles raisons informulées, il aime tel ou tel tableau réalisé par l'enfant et pourquoi il sait aider à l'éclosion de talents à, peine soupçonnés jusqu'à la réalisation d'une peinture qui brusquement fut un événement : désormais le jeune auteur sera l'objet d'une sollicitude de tous les instants pour que soient préservées et nourries toutes les promesses d'un bon départ, Au demeurant, qu'avons-nous besoin de docte critique pour nous éclairer sur nos propres émotions ? Il est tellement naturel que notre joie nous éclaire de l'intérieur, comme les vrais bonheurs, qui ne peuvent, qui ne doivent pas être formulés sans risques d'être amoindris et ramenés aux limitations des usuels vocables. Certes, nous ne disons pas qu'une solide culture artistique nous serait inutile. Un savoir plus sûr mettrait nos maîtres à l'abri de bien d'hésitations, de choix difficiles et aussi d'illusions douteuses. Mais notre culture ne va-t-elle pas s'élargissant au fur et à mesure que l'habileté et le tour de main personnels de chacun de nos enfants nous obligent à chercher appui auprès des œuvres de grands, maîtres. Car il est indéniable que dans leur inspiration comme dans leur facture nos grands modernes redécouvrent cette franche ingénuité, cette sincérité sans calcul, cet éclat de la couleur simple et vive qui sont l'apanage de l'enfance. Nous avons clans nos œuvres enfantines la possibilité de donner la réplique à Matisse, à Picasso, à Chagall, à Braque, à Brianchon, etc... Et ces grands maîtres ne s'offusquent en aucune façon de ce rapprochement mais y voient au contraire la manifestation d'une vérité d'époque et aussi la certitude d'être compris et aimés par les générations à venir.

Préparons donc sans fausse timidité et sans appréhension notre premier Festival d'Art Enfantin. Il sera grand et beau, nous en sommes certains, et dès maintenant nous allons vous demander de sélectionner les meilleures de vos œuvres en vue de ce grand événement. Il va sans dire que les peintures de valeur qui ont été reconnues comme très méritoires dans nos compétitions passées gardent leur chance de se voir choisir dans ce grand tournoi définitif. Ouvrez vos cartons, faites un choix assez large et le moment venu vous ferez avec toutes vos richesses un bouquet à la gloire de l'enfant-artiste dont il sera le message.

Cette année nous prendrons nos précautions pour n'être pas embouteillés à la clôture de notre concours de dessins, en mars. Nous demanderons à nos écoles-artistes de nous faire leurs envois après janvier de manière à ce que nous puissions faire en toute tranquillité le choix qui s'impose et aussi faire photographier les œuvres choisies en vue de réaliser le film fixe qui donnera pérennité à une telle manifestation.

Mais le dessin d'enfant ne sera pas l'unique manifestation de notre Festival. L'œuvre enfantine est depuis longtemps incorporée à toute la vie de l'enfant par ces travaux d'art si naturels, si émouvants qui font chaque année le charme de notre Maison de l'Enfant dont nous reparlerons.

Un ennui à tous ces projets : nous ne pourrons compter pour ces manifestations sur les belles salles spectaculaires dont nous avons bénéficié à Rouen et à Chalon. Aix est une ville d'intimité citadine. Nous nous adapterons à cet état de fait. Nous en reparlerons dans une prochaine causerie et en attendant de reprendre contact avec vous tous, commençons à penser à notre 1er Festival d'Art Enfantin dans la capitale provençale d'Aix-en-Provence.

(à suivre).