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DITS DE MATHIEU - L’Ecole du Pioupiou

Janvier 1954

Nous avons connu, au début du siècle, l’ère du Pioupiou, du temps où les guerres n’avaient pas encore terni les capotes et les boutons, où les chansonniers disaient l’ami Bidasse tandis que les jeunes permissionnaires répétaient aux filles ébahies leurs aventures de casernes comme des explorateurs racontant leurs exploits aux pays des pygmées et des cannibales.

Ils répétaient la « théorie » du caporal expliquant à ses soldats immobiles et muets toutes les pièces du fusil Gras ou Lebel. Le caporal en avait appris la liste par cœur. Il se trompait parfois de pièce, montrant le guidon quand il parlait de la hausse, mais la « théorie » était juste, ce qui était l’essentiel. Le but de la « théorie », ce n’était pas d’apprendre à connaître ou à manier le fusil, c'était d’apprendre la « théorie », La manœuvre du fusil, c’est une toute autre affaire !...

C’était l’époque du garde-à-vous et du petit doigt sur la couture du pantalon...

— Vous, là-bas, qu’avez-vous à dire ? D’abord taisez-vous ou vous allez au bloc !...

— Avant de parler à un supérieur, rectifiez la position !...

— Silence dans les rangs !...

Cette discipline pour revues de music-hall a disparu de l’armée et de la caserne. La guerre l’a tuée...

Elle s’est réfugiée à l’école qui, insensible aux queues ou aux bombardements, en est restée à l’ère du pioupiou, de la « théorie » et du sabre au clair.

Pour délier les mains au dos et secouer les rangs, il y faudrait, comme pour l’armée, un raz-de-marée qui disperse l’école en tirailleurs, qui donne à l’initiative et à l'ingéniosité le pas sur la forme des mots, la rigidité des gestes et le prestige de l'autorité, et qui lance maîtres et élèves dans une commune aventure où l’on doit, pour se sauver, se sentir les coudes et se tutoyer...

Il y faut l'aventure de la vie...