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Méthode naturelle de peinture et dessein politique

  

 


Méthode naturelle de peinture et dessein politique - suite

 

  Conclusion

Quel dommage de priver les enfants de maternelle des couleurs de l'arc-en-ciel.

Et si la meilleure manière d'apprendre consistait à « peindre à la manière de » ... soi-même(3) comme semble le révéler cette dernière œuvre de Lorena, 3 ans 8 mois, en petite section. Nous pouvons émettre l'hypothèse que Matisse aura à ses yeux un air familier lorsqu'elle le rencontrera.

Pourquoi imposer de tristes consignes pour contraindre des enfants de 2 ou 3 ans découvrant le monde, à utiliser une seule couleur et à peindre selon un modèle unique ?

C'est bien une forme prise par la « primarisation » de la maternelle. Si la volonté du Pouvoir (ou le rapport de forces ?) était favorable à une véritable refonte de l'école, des signaux forts pourraient être adressés aux enseignants, aux enfants et à leurs parents, les invitant à rompre avec la dérive libérale de l'école. On pourrait même songer à extirper cette dernière du moule de la communale fin XIXème, pour la métamorphoser en espace éducatif moderne d'une République du XXIème siècle...
Alors, on inverserait les principes-mêmes de sa gestion. Les orientations ne seraient plus imposées par une hiérarchie soumise aux diktats de l'OCDE, des évaluations PISA et des conclusions d'experts pour lesquels les profits d'actionnaires priment sur l'épanouissement de la jeunesse et l'élaboration d'un monde meilleur.

  Une réappropriation du service d'éducation par les Pouvoirs Publics agira pour atténuer le stress et la souffrance au travail, elle se préoccupera de l'équilibre et de la santé des enfants en leur ménageant une place à chacun dans la perspective de permettre à tous de déployer leurs potentialités. Il est urgent de faire baisser la fièvre évaluative en accordant crédit aux savoir-faire professionnels par l'abolition du contrôle hiérarchique dû à des inspections infantilisantes où la subjectivité est source de graves erreurs de jugements, récompensant des médiocres et déstabilisant d'honnêtes enseignants. Le retour au caporalisme et le pilotage par le résultat engendrent même une recrudescence des approximations évaluatives, comme guidées par une volonté de faire régner la terreur de l'arbitraire.

Pour entrer dans les faits et les actes, la refonte de l'école devrait se nourrir de l'adhésion de ses acteurs en prenant le contrepied de la course à la réforme bombardée par la hiérarchie à coups d'injonctions, de mise en place dans l'urgence et de soumissions. Professionnels et usagers, élèves et parents, seraient invités à émettre leurs doléances. La diminution des effectifs des classes arriverait probablement parmi les premières. C'est une certitude, sans une modification des effectifs, toute transformation de l'école est illusoire. Déclinée en diminution du nombre d'élèves ou en augmentation du personnel éducatif, elle a un coût et représente un investissement impliquant des choix politiques. La transformation des pratiques pédagogiques aussi résulte de décisions politiques et donc de choix philosophiques et sociétaux. Si les fossoyeurs de l'école publique agitent la censure de la littérature enfantine (4), c'est bien pour occuper le terrain idéologique et médiatique. L'école républicaine reste en ligne de mire des dirigeants d'hier et des intégrismes politiques et religieux. La riposte devrait être à la hauteur des attaques mais la volonté n'y est pas. Si momentanément, elle n'est plus menacée par sa propre hiérarchie, l'Education Nationale s'essouffle dans d'interminables débats sur les rythmes comme pour fuir les enjeux d'une véritable refondation du système éducatif.

 

Cela peut paraître paradoxal mais le changement radical de pratique vaudra s'il est amené en douceur. En priorité, il s'agira de :
- ne pas contraindre les enfants au silence et à l'immobilité par la frayeur ;
- respecter les enfants, sans rejet, stigmatisation ou comparaison ;
- desserrer l'étau de l'exigence de résultats en maternelle au profit de la préservation du désir d'apprendre en privilégiant le sens des actes et des paroles ;
- accueillir la culture d'origine des enfants ;
- favoriser les coopérations et les solidarités avec les pairs pour être plus forts ensemble ;
- jouer pour le plaisir du jeu ;
- peindre librement avec le maximum de couleurs ;
- dessiner librement ;
- modeler librement ;

- parler pour communiquer et non pour une leçon préméditée ;
- ne pas forcer exagérément l'apparition des lettres et des chiffres ;
- ne pas imposer l'écriture cursive à tous, en grande section ;
- cultiver bon sens, bonne formation et recul des maîtres par rapport à leur propre histoire, de façon à favoriser chez les enfants, le désir d'apprendre et le plaisir de faire.


Jean Astier, Mars 2014

3...Peindre à la manière de soi-même en interaction coopérative dans le groupe.
4- http://leplus.nouvelobs.com/contribution/1144548-je-suis-l-auteur-du-livre-tous-a-poil-cope-n-a-rien-compris-a-notre-ouvrage.html

"Peindre à la manière de soi-même"      

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