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Octobre 1951

L’année scolaire s’ouvre sous le signe de la Défense laïque.

Dans le combat qui est engagé, et dans lequel nos adhérents prennent hardiment leur part, il est à peine utile que nous rappelions nos positions de toujours.

Ces positions, nous les avions déjà prises à la veille des dernières élections lorsque, pressentant le danger, nous demandions à nos camarades de faire campagne pour les candidats qui, non seulement en paroles, mais surtout par leurs actes, s’étaient montrés capables de défendre la laïcité menacée.

Nous sommes — et nos fidèles adhérents catholiques le savent — respectueux des croyances qui ne s’expriment point par des mots hypocrites, mais par un comportement généreux, marque des personnalités attachantes et dignes. Mais notre pédagogie n’en est que plus radicalement hostile à tout catéchisme, à toute obligation faite aux enfants de « croire » avant de « connaître » et de « comprendre », afin de les engager d’autorité dans des voies qui peuvent n’être pour eux que de dangereuses impasses. Nous voulons pour notre école une moralité profonde et vraie, née de nos communs efforts pour construire un monde de liberté, d’égalité et de fraternité.

Et à vrai dire, nous serions moins effrayés par la perspective de voir quelques instituteurs croyants rayonner leur foi sur les élèves de leur classe que par cette complicité permanente qui met la religion du Christ au service de la réaction, au service des exploiteurs du peuple, au service de la guerre. Avec notre bon sens populaire, nous voyons le danger là où il est et nous regrettons qu’on fasse parfois de la lutte anti laïque une affaire religieuse, alors qu’elle n’est qu’un aspect éloquent de cette montée du fascisme que nous dénonçons depuis tant de mois. Et qui pourrait s’y tromper lorsqu’on voit l’attaque contre la laïcité menée par tout ce que la réaction compte de nouvelle ou de vieille fausse noblesse, de vieux riches ou d’enrichis de fraîche date, de profiteurs et de chéquards. Lorsque tous ces politiciens déclenchent leur campagne contre l’école laïque, ce n’est point de religion qu’il s’agit, mais de vil profit égoïste.

Alors, nous nous défendons sur le terrain même choisi par nos ennemis, qui n’est point celui de la religion, mais celui de la réaction. Et nous appelons à la lutte pour l’école laïque tous ceux — et ils sont l’immense masse — qui ont tout à gagner à l’ascension des forces populaires, tout à perdre de la réaction qui mène l’attaque.

Nous n’avons même pas à choisir : la montée de la réaction, le déclin de la laïcité, la puissance accrue de l’Eglise alliée au grand capital seraient l’éclipse puis la mort de notre mouvement de l’école moderne, aile marchante pédagogique de la laïcité.

C’est parce qu’il y a naturellement opposition entre l’exploitation capitaliste dont vivent les ennemis du peuple et notre souci majeur de former en l’enfant l’homme de demain, capable de défendre ses droits de citoyen, que nous sommes directement mêlés à la lutte contre l’Ecole laïque qui se mène actuellement au Parlement avant d’étendre ses méfaits jusque dans les plus petits villages de France.

En défendant sans réserve la laïcité si directement menacée, nous restons d’ailleurs dans la pure tradition laïque des éducateurs du début du siècle qui, avec une clairvoyance et un désintéressement que nous ne cesserons de donner en exemple aux jeunes générations, affirmèrent héroïquement le droit des hommes à la pensée libre et consciente.

Nous rendrons compte, dans notre rubrique des livres, d’un ouvrage « Trois plumes au chapeau » (1), qui est le récit simple mais émouvant des luttes menées par un instituteur du peuple de 1860 à 1914. Cet instituteur a connu l’humiliation d’être dominé dans son village par un curé jaloux de son autorité et pour qui le mot éducation n’a point le sens généreux de libérateur que nous lui donnons. Aussi, avec quel soulagement, Lucien Brun, écrit-il :

« La laïcité, c’est, pour les éducateurs, la liberté de conscience, la fin d’une lourde sujétion, et, pour tous les petits Français, le droit de s’asseoir sur les bancs de l’école sans crainte d’être blessés dans leurs croyances...

« Les attaques les plus violentes s’élevèrent contre l’instituteur laïque de l’école sans Dieu. J’ai encore dans ma mémoire, le souvenir des ignobles caricatures d’un almanach, de la série d’articles injurieux d’un hebdomadaire local. Quel maître aurait accepté sans réagir d’être systématiquement dénigré aux yeux des populations ?

« A mon avis, le clergé commet une grosse erreur en traitant en adversaire une corporation si nombreuse. »

(Clément Brun était catholique.)

Pour essayer de ressaisir un pouvoir temporel compromis, le clergé français est en train de commettre la même erreur. Il trouvera à nouveau sur sa route, la corporation unanime et décidée des instituteurs laïques.

Et les éducateurs de l’Ecole moderne sont doublement laïques.

(I) Arthaud, éditeur, Grenoble.