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L’enfant est un travailleur et non un Joueur

Octobre 1951

Selon la thèse habituelle, telle qu’elle résulte de toute la littérature pédagogique sur le sujet, le jeu serait spécifique à l’enfant ; il satisferait un besoin fonctionnel, et serait donc habilité à prendre rang parmi les grands principes éducatifs. En se référant à Claparède qui affirme : « C’est par le jeu que grandissent l’âme et l’intelligence », Jean Chateau peut dire : « L’enfant est un être qui joue, et rien d’autre. »

Cette thèse a marqué toute une pédagogie, en partant de Mme Montessori, en passant par Decroly, pour aboutir à l’engouement du jeu en éducation, au cours du deuxième quart du siècle. L’éducation maternelle française a été tout entière axée sur le jeu ; le scoutisme et les mouvements d’enfants ne s’en sont pas encore dégagés. Durant les dernières vacances, un jour de pluie, des jeunes filles scoutes, de 14 à 17 ans, étaient venues s’échouer dans une grange voisine de notre chalet montagnard. Selon les enseignements qu’on leur avait donnés, les guides organisèrent tout de suite un jeu. Et l’on voyait de grandes jeunes filles vouées à d’autres soucis, jouer prosaïquement à cache-cache ou chanter un « Il court, il court, le furet !... », scandé de coups de sifflet policiers.

Nous avons eu, de même, à critiquer la tendance trop exclusivement ludique des Centres d’Entraînement aux Méthodes Actives, tendance qui, nous le reconnaissons, va se corrigeant, sans que soit cependant admise, comme nous le voudrions, la pédagogie du travail qui est autrement constructive.

Si cette thèse du jeu satisfaisant un besoin fonctionnel de l’enfant était juste, nos critiques tomberaient à faux, et nous devrions emboîter le pas à la pédagogie du jeu.

* *

A cette conception du jeu, base de l’effort éducatif des enfants, nous avons opposé notre éducation du travail (1).

Ce n’est pas le jeu qui est naturel à l’homme, mais le travail. L'enfant ne joue que lorsqu'il ne peut pas travailler.

On reconnaît volontiers que la formule est peut-être juste pour le tout jeune enfant, mais on allègue aussi que le jeu prend de bonne heure la place du travail. La cause en est que le travail, tel qu’il se pratique dans la société, est rarement à la mesure des enfants. Et que, d’autre part, le travail adulte lui- même a été à tel point perverti et asservi, que le jeu a pris, en contrepartie une importance vitale.

Cette dégénérescence de la notion de travail ne change cependant rien aux vraies données du problème c’est le travail qui est naturel à l'homme, et toute notre pédagogie doit être axée sur le travail : travail-jeu ou jeu-travail.

Ce changement de forme de notre pédagogie a une importance considérable. "Encore faut-il que nous en assurions les fondements. C’est pourquoi, nous lançons une grande enquête, dont nous publierons les résultats dans une B.E.N.P.

— Donnez-nous des exemples précis, avec photos si possible, d'enfants au travail :

  • dans la famille
  • dans la rue ou dans les champs ;
  • à l'école

Donnez des exemples d'enfants passionnés au jeu, avec photos, et en essayant d'étudier s'il s’agit d'un vrai besoin de jeu, ou si le jeu n'est ici qu'un ersatz du travail.

Quels sont les travaux possibles affectionnés des enfants aux différents âges? Avec photos.

(1) Voir l'Education du travail