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Octobre 1950

Une nouvelle année commence, qui nous trouve beaucoup mieux que les années précédentes, à pied d’œuvre pour affronter les services et les tâches qu’on attend de nous.

D’autres revues, se sentant dépassées, annoncent un bouleversement de leur formule pour essayer de s’adapter à cette école moderne qui porte désormais notre marque. Nous n’avons, nous, qu’à continuer notre travail, en répondant toujours mieux, et toujours plus totalement aux besoins de nos adhérents et de nos lecteurs.

Car nous sommes, non seulement pas nos déclarations mais en fait, au service de nos lecteurs, de nos adhérents, de nos enfants et de notre Ecole Laïque. La C.E.L., qui peut désormais voler de ses propres ailes, devient vraiment la Coopérative que nous rêvions. Il appartient aux Instituteurs de la conduire et de l’orienter comme ils le désirent. Ils en sont les maîtres. L'Educateur vous appartient. A vous de l’animer, de l’asseoir, de le développer et de le diffuser.

Nous sommes mieux à pied d’œuvre cette année, disions-nous.

Pédagogiquement et, pour ainsi dire, moralement d'abord.

Notre effort de 25 ans porte aujourd’hui ses fruits. Nos techniques deviennent officielles. L’Ecole se modernise à un rythme croissant, malgré les regrettables réductions de crédit contre lesquelles nous ne cesserons de lutter. Et un camarade nous signale l’inquiétude des fabricants et des marchands de manuels qui voient leur marchandise progressivement délaissée pour des outils de travail qui l’ont techniquement dépassée.

Grâce à nos efforts pédagogiques, techniques et commerciaux, nous avons pu tenir la tête du peloton. Quiconque veut moderniser son école est, aujourd’hui, obligé de s’adresser à la C.E.L. qui est la seule maison ayant créé et réalisé le matériel nécessaire et donnant, pour son emploi, des directives pédagogiques et des conseils pratiques.

Nous sommes à pied d’œuvre techniquement aussi.

Les quelques firmes qui ont essayé de nous concurrencer comptaient, par la réclame, exploiter les voies que nous avons ouvertes. Pour nous, nos réalisations sont la plus sûre et la plus définitive des propagandes. Nous n’avons pas besoin de réclame pour faire connaître aux éducateurs que notre petite presse à volet est l’imprimerie idéale pour les écoles, et qu’elle permet le tirage régulier, à des prix imbattables, de journaux scolaires d’une perfection étonnante. Et les collègues plus exigeants savent qu'ils trouveront chez nous toute la gamme de presses perfectionnées, de la presse à rouleau jusqu’à la presse automatique qui Va sortir pour la rentrée et qui, rapide et silencieuse, pourra fonctionner à la main, au pied ou au moteur.

Par notre limographe, que nous venons d’enrichir par notre tampon-limo, nous mettons nos techniques à la portée de toutes les écoles pauvres. L’aluminocopie sera sous peu un nouveau pas vers ce perfectionnement nécessaire de nos outils de travail, gage de la rénovation de notre pédagogie populaire.

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Si même certaines maisons d’édition étaient susceptibles de nous concurrencer pour quelques articles particuliers, il nous reste une supériorité qui sera toujours notre force : Nous ne nous contentons pas de produire et de jeter sur le marché du matériel scolaire nouveau. Nous ne sommes pas des marchands ; nous sommes des éducateurs. Toutes nos recherches, toutes nos créations sont décidées et réalisées en fonction de nos buts pédagogiques et nous ne cessons de donner des conseils efficaces à ceux de nos camarades qui se lancent dans la voie de l’Ecole Moderne.

La réussite de notre collection Bibliothèque de Travail est comme le symbole de ce primordial souci pédagogique.

Pour la première fois, les éducateurs réalisent eux-mêmes leurs outils de travail. L’expérience s’avère à ce jour comme une totale réussite, malgré les inévitables imperfections de détail que nous nous appliquons d’ailleurs à corriger coopérativement.

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Nous sommes, enfin, mieux que jamais à pied d'œuvre, au point de vue commercial.

La croissance verticale de notre Coopérative a correspondu avec les dures années de pénurie, au cours desquelles la production et la distribution étaient extraordinairement compliquées. Après des passes dramatiques, nous avons la satisfaction de dire aujourd'hui que la C.E.L. est une grande et solide maison, avec son matériel réputé, ses éditions et ses collections qui connaissent toujours davantage la faveur des éducateurs, avec ses milliers de propagandistes bénévoles, enthousiastes et dévoués, avec ses centaines d'écoles expérimentales et d'Ecoles-témoins. Oui, la C.E.L. est une maison digne de vos espoirs avec ses stocks importants, avec ses cinquante employés, ses dépôts départementaux, et son organisation de vente par le réseau librairie.

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Pour faire face aux demandes croissantes de ses adhérents, la C.E.L. vient d’acquérir à Cannes — et cela grâce aux versements de ses Coopérateurs dévoués, — un grand terrain à 30 m. de l'actuel dépôt et sur lequel nous allons construire méthodiquement la maison mère qui abritera tous nos services et qui nous permettra d’affronter de nouvelles entreprises, parmi lesquelles l’édition aujourd’hui commencée de nos films techniques.

Nous n’avons pas la prétention de passer ici en revue nos diverses activités. Il y faudrait la presque totalité de ce N° de rentrée. Les camarades qui comprennent l’intérêt de nos réalisations n’ont qu’à s’abonner à nos diverses publications. Ils bénéficieront ainsi de nos communes recherches en attendant de devenir à leur tour des coopérateurs actifs. Ils entreront alors dans nos Commissions de travail et recevront notre Bulletin hebdomadaire : Coopération Pédagogique qui est l’organe de notre Institut Coopératif de l'Ecole Moderne, une des entreprises les plus vivaces et les plus dynamiques de la Pédagogie française.

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Une étape héroïque est aujourd’hui franchie. La C.E.L. prend désormais sa vraie figure coopérative Après les discussions qui vont se poursuivre au cours des mois à venir, notre Congrès de Montpellier réglera définitivement toutes les questions d’organisation. D’ores et déjà, n’importe quel camarade peut se rendre compte qu’il n’y a à la C.E.L. ni profiteur ni exploiteur. La C.E.L. travaille au seul bénéfice de ses adhérents, au seul bénéfice de l’Ecole et de ses maîtres. Quand les Educateurs Français seront bien pénétrés de cette réalité, ils rejoindront plus nombreux encore une association qui a montré ce que peut l’effort fraternel des travailleurs.

Nous disons bien « effort fraternel », car nous sommes plus qu’une simple conjonction d’intérêts plus ou moins accidentels. La C.E.L. n’est pas forte seulement par le nombre déjà impressionnant de ses adhérents. Elle est forte surtout par la cohésion active de ses membres qui ont conscience d’être unis au sein d’un grand corps qu’ils animent de leur idéal, et pour lequel ils ont su, et savent encore, consentir de très lourds sacrifices.

Cet esprit C.E.L. qui, depuis un quart de siècle, permet la collaboration active de vingt mille éducateurs de toutes tendances, nous allons le préciser encore et le définir afin que viennent se briser sur le roc de notre unité constructive, toutes les tentatives de division, d’où qu’elles viennent.

C’est sur la base du travail, certes, que nous avons fondé cette unité. Mais encore faut-il un but à ce travail, une lumière qui l’éclaire, une route commune sur laquelle nous puissions marcher le plus longtemps et le plus loin possible.

Ce but et cette route, cet idéal, tous les éducateurs sincères les souhaitent et les acceptent, parce que tout éducateur veut préparer les enfants qui lui sont confiés à une vie plus saine et plus digne, vers un maximum de justice et d’humanité.

Les éducateurs progressistes aspirent tous à préparer la société socialiste d’où sera exclue l’exploitation de l’homme par l’homme. Et dans notre esprit, la société socialiste ne saurait s’entendre sans la formation en l’enfant, de citoyens capables de dire non eux-mêmes à l’exploitation sous quelque forme qu’elle se présente. Nous cherchons ensemble, loyalement, sans aucun parti-pris, quelles sont les méthodes d’éducation qui nous permettront de remplir toujours mieux notre devoir d’éducateurs.

Tous les camarades qui poursuivent les mêmes buts, ont leur place dans la C.E.L., quelles que soient les voies par lesquelles ils pensent parvenir à ces buts, qu’ils soient anarchistes, communistes, socialistes, syndicalistes, catholiques ou sans parti. Et le secret de notre si longue et si totale entente vient, sans doute, du fait que, par notre organisation de travail coopératif, nous refoulons automatiquement les politiciens et les arrivistes qui nous détourneraient de nos vrais objectifs. Si la formule socialiste disait autrefois : « qui ne travaille pas ne mange pas », nous mettons en pratique à la C.E.L. cette règle essentielle : « Qui ne travaille pas, ne saurait à aucun titre avoir une quelconque responsabilité constructive. »

C’est parce que nous nous conformons strictement, en bons camarades, à ces règles essentielles, que nous pouvons travailler, au sein de notre groupe, non en pratiquant une timide neutralité mais, au contraire, par l’affirmation totale de personnalités qui savent se jeter, telles qu’elles sont, avec leurs travers et leurs grandeurs, dans notre commun combat.

C’est parce que nous savons que les engagements ci-dessus apaiseront les dernières craintes, que nous ouvrons dans notre Educateur une rubrique Esprit C.E.L. dans laquelle tous les éducateurs discuteront librement des graves questions philosophiques et sociales qui influencent directement toute notre pédagogie populaire. Nous sommes persuadés que ces échanges de vues rapprocheront encore davantage, pour l’action, toutes les bonnes volontés unies dans notre C.E.L.

Nous l’avons dit bien des fois : l’enjeu de nos efforts est bien trop grave pour que nous jouions à cache-cache avec la vie. Un combat ne saurait être victorieux que si on est sûr des frères d’armes qui marchent à vos côtés. Pour préparer nos enfants à la vie libre et heureuse que nous leur voulons, nous nous engageons tout entiers. Et la fraternité C.E.L. est notre signe de ralliement.

 

P.S. — Depuis notre dernier n°, la guerre n’a fait que préciser son spectre. Et pourtant les forces de Paix, mobilisées autour de l’appel de Stockholm ont incontestablement gagné une manche. Il nous faut continuer à agir. Dans cette lutte, les éducateurs sont forcément, de par leur fonction même, au premier rang. Nous proposons que le thème de notre prochain Congrès de Montpellier soit : « Nos techniques modernes au service de la Paix » et que la discussion commence dès maintenant pour que se précise encore la part que nos camarades doivent et peuvent prendre dans l’action engagée pour faire reculer la guerre et maintenir la paix.