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DITS DE MATHIEU - Ensemble

Décembre 1950

Notre chantier sera toujours une tour qui monte et sur laquelle nous ne pourrons jamais, sinon arbitrairement, asseoir une paresseuse terrasse pour nous prélasser, en contemplant avec orgueil les étages montés vers le ciel, là tout proche et que nous croirions avoir peut-être atteint.

L’éducation est un éternel chantier, et ceux qui s’y dévouent ne sauraient être que les éternels travailleurs, ceux qui n’auront jamais, dans notre société mercantile, de brevet à exploiter ou de filon à monnayer.

Lorsque, sur un marché, se démènent vendeurs et maquignons, on sait que la loi du commerce est la seule raison de cette animation. Foin ici du sentiment. Ce sont des marchands qui s’affrontent.

Lorsque des éducateurs se rencontrent sur notre grand chantier pédagogique, c’est l’éducation qui est la loi, la recherche en commun des procédés de travail et des comportements qui feront de nos enfants les hommes qui, demain, monteront un peu plus haut ce chantier dont déjà nous sommes fiers.

Les marchands se reconnaissent et se retrouvent, au marché, sur les routes, ou à la bourse. Les éducateurs C.E.L. se retrouvent de même à travers le monde et lorsqu’on a dit : « Je suis à la C.E.L. », cela signifie désormais pour tout participant qu’il est inclus dans la vraie fraternité, celle du travail point de départ d’une nouvelle culture, et d’une société plus humaine et plus juste.

Je suis communiste et je me suis agrégé librement et d’enthousiasme au chantier, parce que je pense, parce que je suis persuadé qu’il monte vers mon idéal.

Je suis catholique, je ne serais pas au chantier avec la même foi et le même dévouement si je n’étais persuadé que ce chantier monte l’homme aussi vers l’avenir que je pressens.

Je suis anarchiste, et ce chantier répond à mes besoins du moment.

Je suis syndicaliste. Le chantier sert et double mon souci de libération ouvrière.

Je ne veux m’embrigader dans aucune formation ni aucun parti, gardant totale ma libre critique ; le chantier monte bien vers l’idéal que je poursuis et je m’y passionne.

Nous n’avons aucun effort à faire, ni aucun sacrifice à consentir pour continuer ensemble notre bon travail. Il est comme ces lignes de chemin de fer qui ne sont pas parfaites, qui passent parfois loin des villages, avec un service peut-être insuffisant, mais que nous sommes bien heureux tous d’emprunter quand nous allons vers les hauteurs qui nous appellent.

Seulement, à la station, nous tolérerons que chacun s’en aille, par les chemins et les sentiers de son choix, en attendant qu’une voie commune soit construite un jour, qui nous mène un peu plus avant vers la conquête de la vie.