Raccourci vers le contenu principal de la page

La Correspondance Interscolaire

Dans :  Principes pédagogiques › communication › 
Octobre 1949

Le succès croissant et l’officialisation de nos techniques nous font une obligation, afin d’éviter les déviations dangereuses, de rappeler obstinément les principes de base de la rénovation pédagogique que nous avons réalisée.

Un heureux concours de circonstances a aujourd’hui mis en vedette le texte libre, qui a désormais conquis droit de cité dans les Ecoles. Mais le texte libre lui-même ne peut s’épanouir et s’affirmer que si sont réalisées les conditions de travail et de vie qui le motivent puissamment. La correspondance interscolaire est aujourd’hui indispensable à l’éclosion des textes libres que nous plaçons au centre de notre pédagogie moderne. .

L’ancienne école avait comme bases de travail, le manuel scolaire, les leçons et les devoirs. Nous en avons dit et on en connaît les inconvénients et les dangers.

Cette technique des manuels a été en son temps une étape et un progrès. Elle correspondait aux modes de vie et de travail, à la production aussi du début du siècle, axées sur les possibilités artisanales et locales, à une époque où les relations par postes, par chemin de fer ou par auto n’étaient pas encore à la portée de la masse du peuple, encore moins donc à la portée de ses écoles.

Mais, depuis vingt ans, sous nos yeux, le monde s’est transformé à 100 % : la pratique courante des lettres et du téléphone, l’emploi généralisé de la bicyclette, des cars, du train, du cinéma et de la radio, changent radicalement, malgré nous, la formation et le comportement de nos enfants. Il suffit de voir, pendant l’été, ce déferlement de population vers les mers ou les montagnes, ces milliers de tentes, ces lignes ininterrompues de vélos, de tandems, de roulottes, d’autos et de camions pour se rendre compte que quelque chose de profond est changé dans la vie de nos sociétés.

L’école ne peut plus être aujourd’hui ce qu’elle était hier ; elle ne peut pas enseigner le petit campeur retour de sa randonnée comme elle formait naguère le petit paysan confiné dans son village.

Cette pédagogie de 1949, pour un monde de 1949, nous l’avons préparée matériellement ; nous la mettrons sans cesse au point au sein de notre groupe pour qu’elle soit toujours mieux adaptée aux nécessités et aux possibilités actuelles de nos élèves.

Nous vous offrons aujourd’hui des outils nouveaux, dont vous apprécierez bien vite le rendement, et qui sont en train de détrôner les manuels dépassés par la vie, et les leçons qui sont toujours indigestes pour qui n’a pas faim de savoir.

Vous devez pratiquer la correspondance interscolaire qui change si totalement l’atmosphère d'une classe. Vous verrez alors vos élèves enthousiastes pour écrire pour améliorer leur journal, pour poursuivre leurs enquêtes, pour faire vivre leur coopérative, pour trouver les fonds qui leur permettront, en fin d’année, d’aller rejoindre leurs correspondants. Alors, votre travail scolaire sera «motivé». Il vous suffira d’aider vos enfants à le réaliser, et vous peinerez parfois à les suivre.

Nous donnerons en cours d’année, dans notre rubrique : Comment je travaille dans ma classe, les rapports des camarades, qui, l’an dernier, au sein de leur équipe homogène, ont tiré des échanges, le maximum de profit. Nous publierons également, dans notre collection B. E. N. P., une brochure préparée par nos camarades Le Guuillou, Thomas, Olivier, Posteller, Guillou (du Finistère) et Barboteu (Aude) qui, en fin d’année, ont réalisé dans le Finistère, une caravane Freinet, qui a été à tous points de vue un succès total. Une autre brochure relatera les avantages des échanges d’élèves qui, à une échelle aujourd’hui importante, ont complété la correspondance.

Vous verrez que nous n’exagérons pas en faisant de la correspondance, à tous les degrés, l’axe de notre Ecole moderne. Vous lirez alors ou relirez notre brochure : La Correspondance Interscolaire ; vous remplirez la fiche de correspondance que vous enverrez à notre ami Alziary. Vous serez intégrés à un groupe de huit échangistes ; vous aurez votre correspondant régulier ; vous ferez votre devoir de bon équipier, et vous exigerez de vos camarades qu’ils respectent eux aussi la loi de l’équipe. Et, vous comprendrez le sens et la portée du retournement pédagogique que suscitent et permettent nos techniques.

Nous ferons cette année, un très gros effort pour développer et exploiter cette idée si féconde de correspondance interscolaire.

Nous montrerons par des exemples l’avantage qu’il y a à exploiter sans cesse l’idée de correspondances. Dans nos classes organisées sur cette base, c’est désormais pour les correspondants qu’on écrit, c’est à eux qu’on pose les questions. On prendra ensuite l’habitude salutaire de consulter, de même, par interview et par lettre, tous les offices, tous les organismes, toutes les personnalités qui sont susceptibles de nous donner une réponse aux problèmes que nous nous posons, à l’occasion de nos travaux complexes. Cette intégration de l’Ecole dans le circuit de vie du peuple doit être une de nos essentielles conquêtes.

L’échange se complétera, naturellement, par l’échange de photos, qui est immédiatement possible, et de films qui suppose la réalisation à un prix abordable de notre Caméra et de notre Cinéma.

Nous voudrions enfin, réaliser cette année, sur une base départementale, cet Annuaire qui est depuis si longtemps en projet, et qui permettrait à nos adhérents de multiplier encore leurs possibilités de correspondance. Cet annuaire sera plus particulièrement précieux pour la préparation des échanges d’élèves, qui doivent devenir la norme dans nos écoles. Nous examinerons également, d’après l’expérience faite par nos amis Faure et Ville dans l’Isère, s’il n’y aurait pas possibilité d’organiser à une grande échelle, départementalement, de tels échanges.

Examinez une dernière fois votre programme : Français, Sciences, Calcul, Histoire, Géographie, Education morale et artistique... Il n’y a pas de rubrique qui ne soit vivifiée, donc facilitée 100 % par la pratique des échanges dans tous les domaines et à tous les échelons. Et nous ne parlons pas de l’intérêt permanent que les éducateurs eux-mêmes trouvent enfin à leur classe modernisée, ni du soulagement qu’ils éprouvent à dépasser leur mortel isolement, pour s’intégrer à des groupes de travail d’une incalculable fécondité.

Bien sûr, encore une fois, il faut des outils et une organisation de travail. Méfiez-vous de ceux qui vous affirment que vous pouvez vous, en passer, et qu’il vous est possible, par la seule magie de la salive, de vaincre la scolastique, et d’accéder définitivement à la vie.

Pratiquement — notre réussite en est la preuve — une bonne correspondance interscolaire ne peut se créer et se maintenir que si elle est soutenue par le journal scolaire vivant, réalisé sur la base du texte libre, par l’imprimerie ou la polygraphie. Ce sont les journaux scolaires qui constituent aujourd’hui l’indispensable chaîne qui nous unit. C’est pourquoi nous disons à nos anciens adhérents : développez et approfondissez la correspondance, et entraînez les jeunes, Aux nouveaux adhérents, nous conseillons -Réalisez votre journal scolaire par l'imprimerie à l'Ecole, ou, à défaut, par le limographe C. E. L. Vous échangerez ensuite, automatiquement, vos journaux au sein des équipes constituées par nos services.

Des milliers de journaux scolaires sillonnent déjà la France. C’est 20.000, 50.000 périodiques que nous aurons sous peu, dans notre mouvement en pleine croissance. Et la floraison de ces journaux d’une originalité et d’une valeur uniques au monde sera une des gloires de la pédagogie française.

Nous ne ferons pas d’autres appels, en ce début d’année scolaire. Nous ne sommes ni des camelots, ni des marchands. Nous vous disons seulement d’expérience décisive et enthousiaste de milliers d’écoles ne peut vous laisser indifférents, car il s’agit, avant tout de votre travail et de votre vie. Les officiels reconnaissent, aujourd’hui, les avantages incontestables de nos techniques ; les élèves-maîtres s’initient, dans nos écoles témoins, à ces pratiques qui ont pour elles, l’avenir. Informez-vous, allez visiter un jour de classe, avec vos élèves, les écoles de votre département qui travaillent selon nos techniques. Votre inspecteur vous y autorisera. Et, c’est à pied d’œuvre, dans une classe comme la vôtre, que vous jugerez des avantages et des inconvénients de notre pédagogie moderne.

La Coopérative de l’Enseignement Laïc, l’Institut Coopératif de l’Ecole moderne, qui ont des filiales dans votre département, et qui sont gérés par les instituteurs eux-mêmes, sont à votre service.

Nous n’avons derrière nous, aucun soutien financier autre que celui de nos adhérents. C’est parfois notre faiblesse commerciale, mais c’est aussi notre force au service total et sans réserves, de l’Ecole et de ses maîtres.

Rejoignez la grande organisation Coopérative, qui, en accord complet avec toutes les organisations corporatives laïques, dans un esprit de totale unité, qui est la marque de la C. E. L., œuvre pour l'amélioration permanente et pratique de l’Ecole du Peuple.

Nous faisons toujours nôtre la formule de Sanderson : « Chapeau bas devant le passé, bas les vestes pour l’avenir ».