Dans nos classes de Toute petite section et petite section, chaque matin, après l'accueil, les enfants s'installent pour dessiner : certains prennent leur petit cahier dans lequel ils dessinent au stylo noir, de façon libre et autonome. La seule contrainte est que l'on n'en change qu'à la fin de la période et que l'on reste tranquille.
Quatre à huit enfants, qui en ont envie, s'installent à la grande table avec la maîtresse. Chacun a une feuille blanche et un feutre noir pour faire un dessin « en prenant son temps ». La consigne de départ est « Faites un dessin que vous me raconterez après », consigne qui devient rapidement implicite. Ensuite l'enfant raconte l'histoire du dessin à la maîtresse qui l'écrit sur la feuille. Le dessin peut ensuite être directement rangé si l'enfant préfère ou accroché au tableau pour être présenté à la classe. Il faudra pour cela se souvenir de l'histoire à raconter : la trace laissée par l'écrit sera une aide...pour la maîtresse qui sait lire et peut ainsi remettre en mémoire ce qui a été dit. Lors de la présentation, les camarades peuvent poser des questions sur l'histoire pour mieux la comprendre ou faire des propositions pour l'enrichir. Ils font également des remarques sur le dessin et l'adéquation entre le dessin et la narration.
Le dessin au trait comme moyen d'expression
Les enfants de 3 ou 4 ans n'ayant pas accès au texte libre « traditionnel » peuvent s'exprimer quotidiennement par le dessin, accompagné de la dictée à l'adulte. Au delà du temps de dessin, c'est un moment d'expression orale en situation duelle avec l'adulte. Puis, devant le groupe, c'est une expérience partagée, un moment d'échange qui structure le groupe et crée une culture commune. Pour certains enfants, c'est un moment privilégié pour « poser ses valises » et exprimer ce qu'ils ne peuvent ou ne veulent dire ailleurs.
Les évolutions observées au cours de l'année
Au départ,il n'y pas forcément d'intention ni de permanence entre l'écrit et le dessin. Pour certains, l'histoire peut s'élaborer à posteriori et de façon autonome/décrochée du dessin. Au début, la rencontre peut se faire de façon aléatoire entre le dessin et l'histoire, l'enfant peut construire son récit comme une explication de son dessin, à posteriori (ayant dessiné des spirales de façon fortuite, il racontera ensuite une histoire d'escargot ) Plus l'enfant mûrit, s’entraîne et s'approprie l'exercice, plus il y a de lien entre le dessin et le texte et plus il y met de l'intention, de la cohérence ce qui est source de plaisir. Certains enfants dessinent tout en travaillant le texte, d'autres travaillent le geste ( ils cherchent à tracer quelque chose de précis et défini du géométrique, du figuratif réaliste, du figuratif symbolique, de l'écriture...), d'autres encore se laissent aller à une gestuelle spontanée et aléatoire La répétition au quotidien de cet exercice structure l'enfant qui peut s'y adonner, et s'y abandonner pleinement.
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Maman qui fait du ski avec Solène
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Cette activité graphique, qui permet l'expression - inconsciente ou consciente -, est beaucoup plus puissante qu'une activité dans laquelle elle ne s'exprime pas. |
Les escargots mangent la grosse maman des petits escargots.
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Le geste devient un outil d'expression et de transformation et donc de grandissement pour l'enfant qui se trouve toujours en situation de réussite.
Au quotidien, il tâtonne par la répétition de son dessin qui, jour après jour, se transforme et évolue : le cercle va se fermer puis un jour apparaîtra des bâtons, bras et jambes puis les traits du visage puis d'autres détails (mains, puis doigts etc). Certains auront tendance à faire des « collections » (feuille pleines de croix, d'arcs- en-ciel, d'escargots, etc.), affirmant et affinant peu à peu leur tracé. Ils s'en serviront comme d'un répertoire graphique dans leurs dessins à venir. |
La part du maître
Certains enfants enrichiront davantage leur expression écrite et d’autres se saisiront plutôt de l'oral.
La part du maître réside dans le repérage pour chaque enfant de la part de l’un et de l’autre. L'important est d'être attentif à se mettre dans les pas de chaque enfant et de percevoir ce qui le fait avancer à ce moment précis .
Il faut creuser dans leur moyen privilégié d'expression pour l'amplifier : repérer « le stade » où en est l’enfant et l’emmener un peu plus loin par le questionnement.
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Mais le rôle du maître est aussi de l'inciter à explorer ce qu'il délaisse, en proposant des situations du geste et de la parole complémentaire et variées. (piste graphique avec des supports et médium variés, cahier de dessin au trait, plateau de sable, semoule etc, histoires collectives, histoires à partir de cartes, cahier d'écrivains).
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