Raccourci vers le contenu principal de la page

Le carnet de bord de Dominique

 

 

 

Carnet n°4

Rencontre avec une artiste
 

Evoquer la culture à l'école n'est pas sans convoquer des sentiments aigres doux. En effet, notre tâche d'éducateur consiste à léguer aux enfants un héritage culturel important, mais aussi, et c'est plus délicat, à les inciter à prendre les chemins complexes de la création. Coincés entre tradition et modernité, la facilité nous incite le plus souvent aux retours en arrière et malheureusement, la culture scolaire ne pénètre que frileusement l’activité contemporaine… Et pourtant ! Faire entrer un artiste dans la classe, c'est faire du lien, c'est renouer avec l’échange, la pratique individuelle.
 
C'est ainsi qu'un matin d'octobre, Pascale a poussé la porte de notre classe… avec le pied… tant ses bras étaient chargés de cartons. Marchande de couleurs, marchande de culture, marchande d'émotions, elle est entrée dans la classe : dialogues, confrontations avec des vraies œuvres, mises en situation… les liens se sont vite noués… et nous attendons maintenant chacune de ses interventions mensuelles avec beaucoup d'impatience et de bonheur.
 
  
Organiser l'espace      
 
Trois lieux importants se sont imposés dans la classe cette année pour mener à bien ce projet :
 
 
- Des tables où sont à disposition en permanence des livres d'artistes, des carnets de voyages, des revues d'art, des magazines… Toute cette littérature est consultable à tout moment par les enfants pour piocher des idées, comparer, imiter.
 
 
- Un grand panneau d'affichage qui accueille tout ce qui pourrait nous donner des idées, notamment des formes graphiques ou calligraphiques, des affiches…
 
 
 

- Un meuble fabriqué par mes soins que j'ai baptisé « scriptorium » : quatre postes de travail où les enfants ont en permanence des plumes, des pinceaux, des feutres fins, des calames, et des revues sur la calligraphie. C'est le lieu exclusif de l'écriture.

                 
                              
 
Première rencontre
 
La première fois, Pascale est venue avec une de ses œuvres, et chaque enfant a pu en avoir une reproduction en format carte postale. Collectivement et oralement, tous les enfants ont été invités à trouver des noms communs, puis des adjectifs, et enfin des verbes qui pouvaient évoquer ou qualifier l'œuvre. La classe s'est ensuite retrouvée avec un corpus de mots dans lequel chaque enfant a pu puiser pour construire son texte en regard de l'œuvre de l'artiste.

 

Un carnet en construction
 
Au fil des semaines de l’année 2004-2005 va ainsi se construire petit à petit un carnet de re-création.
 

Ce carnet est un espace personnel à chaque enfant où s’articulent les domaines littéraire et visuel. Il s’agit d’une expression bigarrée, composite où sur une même page l’écrit avoisine la photo, le collage, le dessin, la peinture.

Les formes et les mots s’y tissent d’une page à l’autre, se font écho où lancent des dissonances en se libérant de l’ordre du figuratif, de la juste représentation, des canons convenus de la beauté.


« Il est nécessaire - et c’est dans cette direction que se fera peu à peu notre développement - que rien d’étranger ne nous advienne, rien d’autre que ce qui nous appartient depuis longtemps » nous dit Rainer Maria Rilke dans Lettres à un jeune poète.
 
 
Une rencontre avec Giacometti
 
 

Au quotidien, il s'agit pour les enfants de mettre leurs textes en page, en espace.
 
 
Tiphaine avait livré un magnifique poème lors d'une lecture des textes, et elle souhaitait l'intégrer dans son carnet d'écolier.
 
Au cours d'une de ses interventions, Pascale nous avait ramené de Paris des prospectus, des programmes d'expositions, et toutes sortes de supports destinés à donner des idées, ou encore à découper et coller. Parmi ces trésors, Pascale avait déroulé une grande affiche de Giacometti.
 
C'est sur cette sculpture que Tiphaine va s'arrêter, et comparer le personnage de son poème au personnage de l'affiche.
 
Décalquer, photocopier, essayer de le traduire à la gouache ou de manière graphique, à l'encre de Chine. C'est finalement l'encre qui l'emportera. Un petit coup de pouce du maître pour ajouter un peu de papier kraft dans la composition, et voilà une page de plus au carnet de Tiphaine.
 

Nous avions déjà un carnet « numérique »
 

A chaque début d'année, nous nous photographions tous pour construire notre trombinoscope. Ce trombinoscope sert de base à notre site de classe. En effet, en cliquant sur la photo de chaque enfant, nous accédons à tous ses travaux : textes libres, dessins scannés, exposés, reportages photo… L'autre consigne de début d'année consiste à rédiger son autoportrait afin que les visiteurs puissent être renseignés sur chaque enfant. Et puis il avait aussi fallu penser à la couverture des carnets de chaque enfant. Et pourquoi pas y mettre son portrait ?
 
Lors d'une venue de Pascale, nous avons imprimé le trombinoscope afin que chaque enfant ait sa propre photo d'identité et, par petits groupes, nous avons été agrandir les photos sur le photocopieur. Discussions sur l'homothétie, remarques pertinentes sur la perte de définition et la granulation. Pascale proposera ensuite de passer à l'encre ces différents agrandissements. Encres aux tons pastels ou acidulées, les enfants essaient, ratent, recommencent, demandent des agrandissements plus importants… Au bout de quelques jours, ils sont en possession de cinq ou six portraits en couleur. Lequel choisir ? Et pourquoi pas un peu de chaque ! Ce sont alors les ciseaux qui parlent et qui invitent à une réflexion sur la composition. On parle alors de couleurs complémentaires, de toniques.
Il s’agit aussi d’apprendre à ne rien négliger et notamment la gestion des espaces laissés blanc : on décide d'apporter une autre matière que l'encre : craies grasses, gouache, collages viennent se superposer. Au final, une magnifique galerie de portraits. Andy Warhol est passé par là !
 

 

   Début de l'article                    Sommaire 116                               Suite de l'article

 

carnet de bord, enluminure, écriture, photographie, collage, peinture