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 Hégémonie de la consigne dans le Système Educatif
de la Petite Section au Doctorat

 

Le positivisme, sous prétexte d'encyclopédisme cartésien, a énuméré des savoirs figés
devant être acquis à un âge donné. La nomenclature contemporaine en a fixé les limites dans le
socle commun de connaissances et de compétences. Les savoirs sont classifiés, sectorisés,
simplifiés. Les notions sont isolées, décortiquées, expliquées. On en tire des exemples, des
exercices d'entrainement une leçon à mémoriser et des évaluations. La réussite scolaire dépend de
l'aptitude de l'élève à assimiler la règle majeure de l'école : écouter, comprendre et répondre à une
succession de consignes égrainant les savoirs. La pédagogie de la consigne, méthode traditionnelle
de transmission des connaissances, est hégémonique dans le système éducatif français. Son Idéal
est de déposer les savoirs par strates dans l'esprit des enfants réunis dans une classe. Elle est
omniprésente de la maternelle à la troisième pour ne pas dire jusqu'au doctorat. Echecs et
décrochages sont les dommages collatéraux de ce système miné par les sur-effectifs, l'inadaptation
des programmes et ce mode d'enseignement monolithique, la pédagogie de la consigne.
Dès la Petite Section, administration scolaire et enseignants font preuve de bien peu
d'imagination et de courage pour sortir de l'ornière de la consigne comme unique mode de
transmission des savoirs. L 'écrasante majorité des séquences d'enseignement repose sur ce
principe. Une question est formulée par le maître. Une seule réponse est attendue des élèves. Il peut
s'agir d'oral, de graphisme, de mathématiques, de dessin, de peinture ou de sport. En voici quelques
exemples s'adressant à des élèves de Petite Section. A l'écrit, généralement, le maître a recours à des
photocopies d'exercices pris sur des fichiers didactiques ou sur des sites Internet.

Exemples :

Oral
Objectif : augmenter les exigences langagières lors des séances de questions.

Activité : apprendre à poser des questions variées. Apprendre à répondre aux questions en sortant
du oui et du non.

Source : http://www.ecolepetitesection.com/categorie-12444974.html

 

Graphisme
Objectif : faire un tracé horizontal continu dans le sens de l'écriture

Consigne : « trace le chemin des souris qui vont dans le pot de peinture »

Source : http://materalbum.free.fr/al1ecritureps.pdf

 

Education Physique et Sportive
Objectifs : lancer dans des espaces libres ; renvoyer vite la balle ; S'organiser pour occuper
l'espace.

Déroulement, consigne :
faire asseoir les enfants sur des bancs, leur expliquer : nous allons fgaire un nouveau jeu. Le bur de
ce jeu est d'avoir dans son camp moins de ballon que l'autre équipe. A chaque fois qu'un ballon se
trouve dans votre camp, vous devez les renvoyer dans l'autre camp.
Pour jouer à ce jeu, il faut rester dans son camp et lorsque je donne le signal de fin, il ne faut plus
lancer, toucher les ballons, il faut retourner s'asseoir sur les bancs.

Source : http://www.instit.free.fr/pe2/sport/fiche/PS_MS_sportco_brulant.pdf

 

Ces exemples ont été piochés au hasard dans l'urgence de la rédaction de ce texte. Ils sont
d'une grande banalité. Le lecteur en aura confirmation en déambulant dans des rayonnages de
manuels scolaires ou dans l'abondance des propositions didactiques de la toile. Les alternatives à la
consigne font figure d'exception. Le phénomène n'est pas nouveau. Voilà plus d'un siècle, les
tenants de la pédagogie active et ceux de l'école moderne s'érigeaient contre cette composante de la
scolastique dénoncée par Freinet (La grammaire en quatre pages, Freinet C. Le Nouvel Educateur, juin 2004 ).

 

Hégémonie de la consigne
En soi, la méthode de la consigne n'est pas condamnable et peut, ponctuellement, se montrer
efficace. C'est son caractère hégémonique qui la rend détestable. Elle occupe tout l'emploi du temps
des matières scolaires. La consigne envahit les supports d'enseignement et l 'esprit des élèves. Les
éditeurs scolaires se livrent une concurrence effrénée compte tenu du juteux marché de
l'enseignement. En fin de compte, ils offrent tous le même modèle. Clarté, pertinence, mise en page,
illustrations, le spectre des manuels au service de la pédagogie de la consigne est vaste et révèle le
monopole de cette conception uniforme de l'enseignement.
Par définition, le terme consigne désigne une injonction, un exercice d'autorité formelle et
impérative. C'est un acte de domination. Au delà de la transmission des connaissances, la consigne a
des missions implicites cachées. Elle permet, à moindre coût de faire régner un certain ordre
disciplinaire sur un groupe important d'élèves. La consigne est occupationnelle. Les exercices du
Bled « jusqu'à la sonnerie» rythmaient notre Enfance écolière. Pendant ce temps, on se tenait
tranquille. La consigne a une mission occulte oppressive. Elle met le groupe-classe au pas, occupe
les esprits, évite les divagations et mate les indisciplines. Elle maintient l'ordre et impose une norme
de pensée. La consigne inhibe les personnalités. L'usage de la consigne en Petite Section nous
éclaire sur ses fonctions inavouées. La consigne contraint à l'obéissance. Elle oblige à dire, à
adopter un mode de pensée en induisant une voie unique vers une seule réponse. L'idée est de faire
plier l'élève.
En peinture, on ordonne à l'enfant de 3 ans d'utiliser telle couleur nommée bleue pour tracer
uniquement des traits horizontaux. Il aura droit au rouge et aux traits verticaux seulement lorsque le
maître l'aura décidé. En graphisme, il devra faire des boucles à la commande et tracer des lettres
avant même de savoir représenter un bonhomme ou une maison. Quelle urgence impose cette
normalisation des esprits dès la Petite Section ? Ses partisans estiment impératif de couler au plus
tôt l'enfant dans le moule de l'écolier. Faut-il, pour autant, annihiler sa spontanéité, son élan
créateur en le soumettant ainsi à la consigne? Naturellement, l'enfant de 3 ans est impatient
d'explorer le monde. Les champs de découverte qui s'offrent à lui sont immenses. Le groupe-classe
est déjà riche de la culture dont chacun est détenteur, héritée de sa famille, de son milieu social, de
son histoire particulière. Le jeune élève est intrépide et déterminé à découvrir et développer son
corps, se mouvoir, effectuer des gestes amples, affiner sa motricité. Il prend conscience de son
existence, de son environnement, des objets, des systèmes. Il assimile progressivement le temps qui
passe. Il est mu en permanence par le désir de connaissance de soi et de l'univers. Réduire son
esprit à répondre à une consigne pensée pour lui est mesquin et destructeur de potentialités.
L'étudiant ne réussira pas mieux pour avoir été précocement soumis au réflexe de la consigne. Libre
d'explorer, de s'approprier et de définir sa propre démarche d'apprentissage, il gagne en confiance et
en estime de soi.

 

La consigne, source d'aliénation
Loin de moi l'idée de laisser les enfants livrés à leurs conditionnements, mais le surconditionnement
par la consigne est aliénation. Cette méthode fait rarement appel à l'intelligence
vive, au contraire, elle met souvent en oeuvre des automatismes qui seraient, dans l'absolu,
acceptables s'ils s'intégraient dans une vaste palette de techniques d'enseignement tenant compte de
la subjectivité des individus et cultivant les solidarités. Les enfants n'ont pas le choix, ils se
soumettent à l'enseignement imposé. Majoritairement, leur grande capacité d'adaptation leur permet
de le subir passivement. En tirent le meilleur parti les enfants de milieu favorisé. Ils retrouvent à
l'école un niveau de langage auquel leur famille les a habitués. D'emblée, les consignes leur parlent,
leur vécu familial vient combler son caractère artificiel. Ils abordent à l'école des sujets vécus et
débattus en famille. Les statistiques le montrent, la consigne pose surtout problème aux garçons de
milieu populaire. Ces derniers peinent à conceptualiser la consigne, ils développent prématurément
un réflexe conditionné. Ils se précipitent sur leur stylo pour répondre coûte que coûte. Le dressage
consiste à combler le vide. La consigne appelle une réponse, même fausse. Et régulièrement les
consignes sont ambigües et prêtent à des interprétations divergentes appelant des réponses
contradictoires. La consigne prête à confusion. Mais surtout, elle provoque l'ennui, la somnolence et
le faire-semblant. Par elle, le travail perd son attrait aux yeux des enfants. Les savoirs perdent leur
saveur5. TOUTES les matières en gardent le même goût insipide. Dès la Moyenne Section où l'on
n'a plus l'échappatoire de la sieste, du matin au soir, de la rentrée à la fin de l'année, les jours se
ressemblent, la classe est soumise à la même injonction et sommée de répondre à la question. La
pédagogie de la consigne permet à l'élève de reproduire des connaissances mais elle ne peut certifier
l'appropriation durable de celles-ci. L'enfant garde mal en mémoire ces savoirs imposés, reposant
sur des automatismes. Cette méthode pose la question de la capacité à réinvestir une connaissance
proposée indifféremment à tout individu d'une même classe d'âge. Si la consigne peut représenter
un cadre structurant et être une source d'équilibre pour certains individus, d'autres, en contre-partie,
saturés par son omniprésence, peuvent en rejeter la pression. Des erreurs systématiquement
transformées en mauvaises notes et en échecs personnels ont mis à mal leur amour-propre et
fragilisé leur psychisme.

La consigne crée des situations artificielles tentant d'attirer l'attention de l'enfant mais elle
parvient à mobiliser seulement des consentants. Elle ne résulte pas d'une initiative de l'enfant. Elle
est proposition du maître ou du manuel. Malgré des tentatives de camouflages, la pédagogie de la
consigne ne surgit pas de la motivation de l'enfant. Elle ne s'origine pas dans la culture du sujet. Elle
ne résulte pas d'échanges entre pairs coopérant. La recherche d'informations est guidée par le désir
du maître, elle n'est pas une (re)quête du sujet-élève. La consigne impose le modèle du savoir
détenu par le maître.
D'autres manières d'apprendre existent. Les enfants le savent. On apprend par hasard, en
marchant dans la rue, en écoutant et en regardant les plus grands, les adultes, la télé, en manipulant
des outils, en s'entrainant librement, en visitant des expo, en allant voir des spectacles, en lisant, en
discutant, en écoutant, en imitant. On apprend en attaquant le granit brut de la pierre philosophale.
On apprend en tâtonnant, en s'exprimant, en créant. Si elle variait les entrées dans les savoirs,
l'école s'ouvrirait davantage à ceux qui n'ont qu'elle pour apprendre, selon le raccourci
progressiste actuel.

 

Excellent argumentaire, à

Excellent argumentaire, à utiliser sans réserves à mon avis !
Je le mets de côté avec "l'inspectée" !
Merci !
Stéphane Daubilly