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Octobre 1934
Un miracle de la coopération
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En nous transmettant ce court article, M. Profit nous demande de le passer sans commentaire. Nous nous excusons de ne pas lui donner satisfaction ; mais nous avons besoin de répéter ici ce que nous avons dit et écrit bien des fois : la coopération scolaire, telle que l'a toujours comprise et prônée son initiateur nous parait être la forme française de l'éducation nouvelle prolétarienne. La définition qu'en donne ci-dessous M. Profit nous satisfait pleinement : aussi bien n'avons-nous pas à recommander la coopération à nos adhérents qui la pratiquent tous depuis longtemps. Nous n'en serons que plus à l'aise pour dénoncer les exagérations et les déviations qui risquent de compromettre une initiative aussi salutaire. C. F.
Sous ce titre, je viens de lire l'histoire d'une Coopérative scolaire qui n'y va pas, comme on dit, avec le dos de la cuiller.
L'auteur, au cours d'une excursion, a eu la surprise « assez vive », dit-il et je le crois, de trouver dans une région où les villages n'ont rien de luxueux, un bâtiment neuf, vaste et clair, bien dégagé bien en vue, et qui a l'air de dire aux passants : « Voyez comme les enfants de cette commune ont une belle école ! »
« Le bâtiment est fier ; les habitants sont fiers de lui. Et ils ont bien raison, comme vous allez le voir ». Voyons donc cela !
« M'étant arrêté quelques instants pour me reposer, dit l'auteur, je cherchai à savoir comment la commune avait pu trouver dans son budget de quoi faire une pareille dépense...
« Ce beau bâtiment qui fait notre orgueil, me répondit-on, n'a rien coûté à la commune. C'est la coopérative scolaire qui l'a payé ! »
« Je ne voulais pas y croire et demandai quel trésor la coopérative avait bien pu déterrer... ‑C'est bien dans la terre qu'il a été trouvé, mais pas comme vous le supposez, m'a-t-on répondu.
Pendant dix ans, les enfants du pays ont récolté des racines de gentiane, et c'est le produit de la vente de ces racines qui a fini par payer notre maison d'école ».
Et notre auteur conclut : « Une telle persévérance me remplit d'admiration. Et quelle belle leçon de continuité dans l'effort de ces enfants qui avaient reçu... et donné. Rien n'est impossible à la coopération ».
Il est assez fâcheux, cher confrère, que vous soyez déjà rempli d'admiration. Plus de place chez vous ! Que diriez-vous de ces écoliers américains qui, après avoir trouvé les fonds nécessaires à une construction semblable, les emploient eux-mêmes, s'improvisent tour à tour terrassiers, maçons, plâtriers, couvreurs, etc... Voilà, au moins, des coopérateurs intégraux !
Mais tenons-nous en aux écoliers dont vous parlez. Vous faites bien de répandre partout, cet exemple. Espérons qu'il finira par tomber sous les yeux de nos ministres des finances en quête de ressources nouvelles. Et quelle belle leçon donnée par ces abeilles que sont nos coopérateurs faisant, eux, la besogne des hommes, puisque de cette besogne « les hommes en ont peur ! »
Ah ! oui ! ils ont raison, dites-vous, les habitants d'être fiers de ce bâtiment neuf qui ne leur a rien coûté ? Ce n'est vraiment pas être bien difficile. Ils avaient un devoir primordial à remplir, tout comme l'État, envers leurs enfants : assurer leur instruction dans les meilleures conditions d'hygiène et de confort ; et ce devoir, ils ne l'ont pas rempli. Ce sont les enfants qui ont fait ce qui devait être fait par les hommes !
Et vous pensez que la coopération scolaire pourra indiquer une telle tâche à ses adhérents ? ‑ A chacun son rôle, à chacun ses responsabilités !
Aussi bien son but ‑ et nous l'avons répété bien des fois, n'est pas de se substituer à la commune, en ce que la commune doit ou peut faire pour ses enfants ; son but n’est pas de créer des ressources en exportant de la gentiane ou d'autres produits : son but, c'est d'élever les enfants à la vie civique et sociale : la production des ressources indispensables, leur gestion et leur utilisation ne sont que les moyens de réaliser son but véritable. Ce qui peut remplir d'admiration un véritable éducateur, ce n'est pas le bénéfice matériel de l'association, ce sont les résultats moraux incontestables, quoique impossible à chiffrer. Des enfants associés pour s'entraîner au self‑gouvernment, pour s'entr'aider, pour se dévouer à une oeuvre commune et qui les dépasse : voilà ce que nous cherchons avant tout.
Nous connaissons bien votre sincérité, cher confrère ; mais on vous en a peut-être conté. En tout cas, cessez d'admirer. Aidez-nous à condamner toute exagération. Ne vous lassez pas de répéter autour de vous ce principe posé dès le début devant nos petits coopérateurs : Ne rien dépenser inutilement; ne rien acheter de ce qui, légalement, peut être exigé ou pratiquement obtenu de la commune et de l'État.
PROFIT.
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