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logo blog Le C.E.P.E. et la réforme de l’enseignement au Congrès de Nice, 1er mai 1937

Première journée, compte-rendu, séance de nuit troisième et dernier point.
 
Freinet dégage tout de suite le sens de la discussion qui va s’ouvrir. D’après ce qu’on a déjà pu lire dans les revues pédagogiques. Il reste que, si certaines questions importantes font actuellement l’objet d’un débat, on n’a pas encore étudié une question qui nous intéresse puissamment, à savoir la question des programmes. On ne s’est pas encore rendu assez nettement compte sans doute que, l’enfant n’est pas une outre qu’il faut remplir, mais bien un individu qu’il faut former.
Pour le C.E.P.E., la question est encore bien plus importante. Le bourrage est nécessaire actuellement, parce que le C.E.P.E. sanctionne ce bourrage. Avec la nouvelle formule, il faut agir plus que jamais, et mener campagne pour orienter le nouvel examen vers une conception nouvelle ; la C.E.L., les jeunes se doivent d’agir sans tarder, afin d’aboutir à une reconsidération du problème qui ouvrirait la voie à une amélioration sérieuse du C.E.P.E. de manière à laisser au travail libérateur le plus de place possible.
Le camarade LOB, professeur au Lycée de Nice, apporte alors quelques réflexions personnelles. Il tient à souligner très justement que, si nous n’y prenons pas garde, malgré la réforme envisagée actuellement, il n’y aura pas beaucoup d’améliorations. Le fond des choses restera le même avec des étiquettes différentes.
En somme, la question primordiale réside dans le passage du 1er au 2e degré en limitant cet accès aux gens du peuple. La soudure entre les deux degrés est excessivement difficile à faire : il faut que le 1er degré aille plus loin que le point où le 2e degré prendra les enfants, sinon le 2e degré sera comprimé à l’excès, si non ne change rien dans l’enseignement supérieur ; de là naîtra une hostilité certaine contre la réforme par la suite. On prétendra qu’on a saboté le 2e degré, etc.
Il faudrait que l’école primaire soit ouverte jusqu’à 16 ans, quelque démagogique que puisse paraître cette proposition. Le certificat serait scindé en deux parties. Cela vaudrait beaucoup mieux que la réglementation nouvelle proposant deux séries pour l’obtention du C.E.P.E. Il ne faut pas qu’il y ait deux catégories de ce genre : ceux qui feront et ceux qui ne feront pas le 2e degré.
Il est, pense Lob, encore bien temps d’agir dans ce sens pour obtenir en définitive de nouvelles réglementations et une nouvelle orientation.
BOYAU se défend de vouloir prolonger le débat, vu l’heure très tardive. Il tient cependant à apporter quelques suggestions. Il est tout à fait d’avis que, plus la sélection sera retardée, moins les possibilités d’orientation seront affectées. Il faudra que le C.E.P.E. cesse d’être un examen décelant avant tout la perfection plus ou moins grande dans le bourrage de crâne, mais devienne l’examen décelant des aptitudes. Dans l’état actuel des choses, il semble impossible de songer à une suppression du C.E.P.E.
Il est près de minuit. Freinet propose d’arrêter là la discussion pour ce soir, pour reprendre dans les semaines qui suivront dans L’Éducateur Prolétarien, et fait voter l’ordre du jour suivant :
 
ORDRE DU JOUR
Le Congrès de l’Imprimerie à l’École,
Prend acte des projets de réorganisation de l’enseignement actuellement en discussion ;
Rappelle que si ces projets sont susceptibles d’harmoniser l’édifice scolaire, ils ne sauraient atteindre profondément l’édifice pédagogique lui-même que si sont étudiées dans un sens adapté aux besoins sociaux et humains les grandes questions des programmes scolaires et des examens ;
Demande que soit mise à l’étude immédiatement, dans toutes les organisations pédagogiques et syndicales, la question d’un nouveau Plan d’études Français susceptible de favoriser une éducation efficiente et libératrice ;
Demande également que soit étudiée par ces mêmes organisations et par l’administration une conception nouvelle de la technique du Certificat d’études, contrôlant non pas la seule acquisition, mais aussi le développement intellectuel et les progrès culturels afin que cesse la course au bourrage qui est une des plaies actuelles de notre enseignement ;
S’engage à poursuivre très activement l’étude de ces questions afin de soumettre aux organisations syndicales et à l’administration de l’éducation nationale des projets précis pouvant servir de base de discussion et de réalisation.