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logo blog Pour un nouveau Plan d’Études Français, 15 octobre 1936

 Un numéro spécial de l’Éducateur Prolétarien :  le projet de réalisations immédiates soumis au Ministre de l’Éducation nationale, aux Députés du Front Populaire et aux Organisations pédagogiques.

La victoire du Front Populaire nourrit quelques espoirs de rénovation de l’École. Un événement important : le 9 août 1936 Jean Zay prolonge la scolarité obligatoire jusqu’à l’âge de 14 ans.
Le mouvement de l’Imprimerie à l’École et toute l’Éducation nouvelle doivent se saisir de cette opportunité et proposer leurs recherches, leurs expérimentations et leurs réalisations dans cette rénovation de l’École pressentie.
 
Différentes parties qui se terminent chacune par une proposition de texte de loi :
 
  
 La France avait ses Instructions ministérielles de 1923, que nous avions saluées, à l’époque, comme un solide document d’éducation nouvelle.
Les temps ont marché. Les expériences pédagogiques se sont développées et approfondies. La période difficile de réaction et de déflation ne nous a pas permis de tirer de ces instructions les avancées scolaires pratiques qui auraient dû en être la conséquence.
Au moment où l’avènement du Front Populaire nous permet quelques espoirs, nous ne pouvons pas offrir de préface plus suggestive et plus encourageante à nos travaux constructifs que les pages essentielles du Nouveau Plan d’Études belge dont nos voisins ont le droit de s’enorgueillir.
Nous n’avons pas l’outrecuidance d’affirmer que les rédacteurs belges de ce document se sont directement appuyés sur nos études et sur nos réalisations. Il n’en est pas moins certain que nos expériences et nos travaux commencent à avoir en France et dans le monde un très grand retentissement et que, directement ou non, notre technique tend à prendre, dans les constructions nouvelles, la place imposante que lui assurent et lui assureront les bases inébranlables sur lesquelles elle a été dressée.
Cette réalisation, l’influence indéniable de nos efforts sur la réforme belge nous encouragent à présenter ici, dans une deuxième partie, des propositions que nous demandons à nos amis au Parlement de faire passer dès que possible dans le domaine des réalisés. Avec l’appui du Groupe Français d’Éducation Nouvelle, réorganisé dans le sens génétique que nous avons indiqué dans notre dernier numéro, nous pensons orienter la pédagogie populaire française vers une réforme décisive analogue à la réforme belge.
Il suffit que tous nos camarades comprennent l’urgence de la campagne à mener et nous appuient sans réserve.
 
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Extraits du Plan d’Études belge (pages 30 à 39)
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Nous avons, par les longues citations qui précèdent, donné une idée de l’orientation pédagogique hardie du Nouveau Plan d’Études belge.
Nous nous sommes attardés à faire connaître cette réforme parce que c’est la première fois qu’une administration officielle s’engage aussi totalement dans la voie de l’école nouvelle, et pour montrer aussi à quel point ces diverses recommandations s’accordent avec les principes que nous défendons depuis plus de dix ans et qui, en apparence utopiques et paradoxaux à l’origine, sont sur le point d’être admis et pratiqués par les grandes masses d’éducateurs.
Il ne s’agit point cependant de demander à la France de copier la Belgique : certaines habitudes, certaines traditions, certaines conditions de vie à prépondérance rurale doivent donner au nouveau Plan d’Études français une orientation spécifique qui se fera cependant, nécessairement, comme pour le Plan belge, dans le sens des techniques populaires d’éducation nouvelle.
C’est ce problème spécifique du nouveau Plan d’Études français que nous voudrions étudier ici, moins théoriquement que pratiquement, dynamiquement. Nous ne prétendons pas présenter aux parlementaires et à l’administration ministérielle des textes absolument définitifs.
Notre but aura été atteint si nous avons poussé éducateurs, législateurs et administrateurs à étudier attentivement et d’urgence ce problème primordial – et cela sans ignorer les grands principes d’éducation nouvelle dont nous sommes en France les acharnés défenseurs.
A temps nouveaux, nécessités et solutions nouvelles. Ce sont ces nécessités et ces solutions que nous voudrions signaler seulement à l’attention de tous ceux qui s’intéressent activement au sort et à l’avenir de l’enfance populaire.
Les programmes officiels de 1923 et l’importante circulaire qui y était jointe contenaient effectivement d’excellentes recommandations théoriques. Mais faute d’entrer assez avant dans la pratique il en est résulté une méconnaissance presque totale des belles leçons de pédagogie nouvelle qu’elles contenaient.
Nous connaissons le vice irrémédiable des recommandations que chacun interprète selon ses désirs ou ses habitudes. Nous savons, par contre, à quel point certaines réalisations pratiques peuvent influer directement sur les destinées de l’école, et c’est tout spécialement sur ces réalisations que nous porterons notre effort de clarification et de propagande.
 
 
La France est la patrie de prédilection des manuels scolaires ; c’est chez nous qu’on en consomme le plus ; et l’importance du commerce qui en résulte est certainement déterminant dans la période actuelle pour assurer la permanence de pratiques scolaires visiblement dépassées.
Nous ne pensons pas qu’il soit opportun de réglementer plus ou moins arbitrairement la production et la vente de ces manuels scolaires. On en aura enrayé la malfaisance le jour où on aura fait comprendre que les manuels scolaires ne sont pas un outil idéal pour notre travail. Ils sont l’outil idéal de l’école d’acquisition dont nous avons fait si souvent le procès. Il est certain que si on suppose que le premier rôle de l’école est de remplir la tête des enfants de notions adultes, prévues et classées par les adultes, alors il faut des manuels, il faut tout l’organisation oppressive actuelle avec son appareil de récompense et de punition.
Il est nécessaire que les pouvoirs publics, à l’exemple de l’administration belge, révisent leur position sur ce point précis, énoncent clairement que le rôle de l’école est non pas de remplir les têtes, mais de les former, que l’éducation doit primer l’instruction.
On sera lors amené à conseiller la méfiance de livres qi n’ont qu’un but : remplir les têtes. Et il sera nécessaire, par contre, de recommander les techniques nouvelles qui partent de la vie, et qui exploitent cette vie.
Ce tournant scolaire est le premier à réaliser, celui sans lequel rien de solide ne saurait être fait ultérieurement.
Nous soumettrons aux partenaires et aux administrateurs le texte suivant :
Préambule. – Le rôle de l’école primaire, surtout jusqu’à 10-12 ans, n’est point de remplir la tête de formules scolastiques, définies, rédigées, classées par les adultes et qui ne sont que des mots qui ne s’intègrent jamais à la vie des enfants, qui ne réagissent donc jamais sur cette vie.
Si un minimum d’acquisition peut être prévu comme norme aux différents âges, il faut qu’il soit bien entendu que ce minimum ne devra jamais être le résultat passager et nuisible d’une acquisition formelle, d’un bourrage de crâne extérieur, mais bien la conséquence normale d’une vie riche dans un milieu éducatif.
Des règlements spéciaux fixeront, après étude documentée, méthodique et scientifique, ce minimum d’acquisition résultant de la vie.
Devront donc être exclus de l’école, les procédés, les méthodes, le matériel, les livres qui ont pour but cette acquisition formelle. Des commissions compétentes étudieront et publieront quelles sont les techniques et les matériaux à recommander pour l’adaptation nouvelle aux besoins et aux nécessités éducatives de l’école.
 
 
La réglementation préconisée ci-dessus sera impossible tant qu’un examen d’acquisitions systématiques et encyclopédiques viendra sanctionner les études primaires. Si, avec l’école belge, nous sommes persuadés de l’inutilité et de la malfaisance de cette instruction intensive, il est nécessaire de modifier en conséquence l’examen du certificat d’études primaires.
C’est actuellement le C.E.P. qui, plus puissant que toutes les réglementations officielles, motive en fait toute l’activité néfaste et épuisante de la grande masse des éducateurs. Le C.E.P. est comme le couronnement des études primaires. Quiconque le possède n’a plus à fréquenter l’école, comme s’il était vraiment lesté pour la vie. Mais qui échoue aussi subit un affront qui le rejette parmi les incapables. L’affront passé d’ailleurs, la vie se charge ensuite de corriger les graves erreurs résultant de l’école et de ses mesures.
Mais il est un fait certain, indéniable : l’instituteur est obligé de travailler, non pour ses élèves mais pour l’examen ; il doit solidement endoctriner pour emporter des succès. Et, pendant des mois et des mois, la véritable œuvre constructive est rejetée à l’arrière-plan, parfois même jamais amorcée.
Naguère encore, nous étudiions la possibilité d’améliorer cet examen, d’en transformer les épreuves de façon à juger plus équitablement la formation plus que l’acquisition : besogne excessivement délicate, tant qu’une technique définitive des tests n’aura pas été précisée et divulguée.
Mais des événements nouveaux sont venus modifier notre position vis-à-vis du problème. Le gouvernement de Front Populaire vient de prolonger la scolarité jusqu’à 14 ans. Du coup le C.E.P. cesse d’être la sanction normale de l’école primaire. L’enfant qui le possède n’en devra pas moins fréquenter l’école et si on désire vraiment une sanction aux études, il faudrait envisager un examen nouveau pour les enfants de 14 ans qui vont quitter l’école – ce que nous croyons d’ailleurs superflu.
Quoi qu’il en soit, il est un fait certain, c’est que le C.E.P. à 12-13 ans ne sera désormais qu’un examen intérieur, ne signifiant nullement qu’on a terminé la scolarité, une sorte d’examen de passage pour accéder à l’enseignement semi-professionnel qui devra être donné entre 13-14 ans.
Nous demandons alors la suppression pure et simple du Certificat d’Études primaires, qui pourra être remplacé dans certaines écoles par des examens de passage tel qu’il en existe déjà pour les divers degrés.
Un examen épreuve d’orientation terminera la scolarité à 14 ans, non pas pour délivrer un parchemin aux uns et le refuser aux autres, mais pour indiquer à chacun, selon les observations faites au cours de la scolarité et consignées dans un Carnet permanent de scolarité, quelle est l’activité dans laquelle il est le plus apte à réussir pour le plus grand bien individuel et la meilleure harmonie sociale.
Nous répondrons d’avance à deux objections qu’on formule couramment contre cette suppression :
1) Les instituteurs ne travailleront pas comme il faut, s’ils n’ont pas l’obligation et le stimulant du C.E.P.
Oui, les instituteurs se fatigueront moins parce qu’ils seront déchargés d’une besogne aride, rebutante, sans intérêts, inutile et immorale même. Supposer que, du fait de cette suppression, ils travailleront moins, c’est formuler contre le corps des instituteurs une suspicion gratuite et regrettable. Il est facile d’ailleurs de prévoir un contrôle permanent mieux organisé qui permettra d’exiger des quelques inconscients l’accomplissement de cette tâche.
Il nous suffira de rappeler, pour donner l’assurance que les instituteurs sauront faire leur devoir sans la hantise de l’examen, que les écoles maternelles n’ont aucun examen, qu’on a déjà réalisé pour ces écoles le tournant pédagogique que nous préconisons pour l’enseignement primaire, qu’on exige d’elles l’éducation avant l’acquisition, et que, pourtant, les éducatrices maternelles sont incontestablement en France celles qui travaillent le plus, avec le plus de goût, avec le maximum de souci pédagogique, et que c’est à leur dévouement que nous devons en France un enseignement maternel qui, sans être parfait, nous fait honneur.
2) Les parents y tiennent.
Cela est vrai. On y tient comme à la première communion parce que c’est une sorte d’exaltation de l’orgueil des parents.
Mais comme nous ne croyons pas qu’il y ait la moindre difficulté de ce côté à la suppression du C.E.P., surtout si, d’une part le gouvernement renforce le souci d’organisation et de contrôle, si, d’autre part, de grandes fêtes scolaires locales, régionales, cantonales – comme la pratique s’en institue d’ailleurs – viennent donner aux parents d’élèves ce besoin d’exaltation que satisfaisait dans une certaine mesure le C.E.P.
Nous proposons alors le texte suivant :
L’examen du C.E.P.E. est supprimé.
Des examens de passage pourront être institués dans les écoles.
Un examen détaillé d’orientation professionnelle, basé sur les renseignements du Carnet permanent de scolarité terminera la scolarité primaire à 14 ans.
 
 
Les inspecteurs primaires actuels ne sont que des fonctionnaires administratifs. Accablés par les besognes diverses d’administration, ils sont contraints de négliger ce qui devrait être leur vraie tâche : la collaboration à l’œuvre pédagogique des éducateurs.
Les inspecteurs primaires devraient être secondés par un employé technique qui les libèrerait de toutes les tâches qui ne sont pas de leur ressort. Ils pourraient alors non pas faire des visites en coup de vent dans les écoles, mais apporter aux éducateurs un appui véritable tant pour l’orientation des études que pour les divers examens prévus par la nouvelle législation.
Nous proposons :
Les Inspecteurs primaires seront désormais assistés d’un personnel technique susceptible de régler toutes les besognes extra-pédagogiques.
Les Inspecteurs primaires deviendront alors les collaborateurs pédagogiques des instituteurs : ils les aideront dans leur travail, dans leur recherche ; ils assisteront aux examens de passage ainsi qu’à l’examen d’orientation professionnelle de la fin de scolarité.
Cette collaboration suppose que MM. Les I.P. n’iront pas dans les écoles en chefs redoutés mais en conseillers attendus et désirés. Des instructions précises seront données à cet effet.
 
 
Nous attachons, on le sait, à cette organisation matérielle, une importance primordiale.
1) Tant que l’école est scandaleusement chargée, si l’instituteur doit se faire le gendarme au milieu d’une troupe hétérogène de 50, 60, 70, 80 enfants, il est superflu d’édicter des plans nouveaux et des recommandations pédagogiques à grand effet.
Il faut absolument qu’on en revienne sur ce point aux instructions ministérielles antérieures, qu’on fixe après enquête quel est le chiffre maximum au-delà duquel un instituteur ne peut plus faire de la bonne besogne pédagogique. Ce chiffre est variable selon le degré des enfants et notamment selon le degré d’homogénéité des classes. Il pourra être plus élevé dans les écoles à 8 ou 10 classes que dans les écoles à classe unique ou à deux classes.
L’essentiel est qu’on établisse expérimentalement, en collaboration avec les organisations pédagogiques, le plafond pédagogique de l’effectif et qu’on le respecte.
Proposition
La quantité d’élèves par classe ne devra jamais dépasser le nombre maximum au-delà duquel les nécessités disciplinaires rendent impossible tout travail pédagogique.
Le plafond pédagogique de l’effectif sera établi, pour les diverses classes, par une commission nationale à laquelle collaboreront les associations pédagogiques.
Des classes nouvelles devront être automatiquement créées dès que ce plafond sera dépassé.
 
2) Il est, de même impossible de faire du travail pédagogique sérieux dans des locaux insuffisants comme éclairage, comme surface et comme cube d’air.
La réparation et la construction d’écoles devra être une des préoccupations essentielles du gouvernement.
Proposition
Les locaux scolaires devront répondre aux nécessités d’hygiène, d’aération, d’éclairages prévues par une commission qui travaillera en collaboration avec les éducateurs et qui supprimera ce que la réglementation actuelle a de trop formel pour considérer le problème dans sa complexité vivante.
Des améliorations ou des constructions nouvelles devront être entreprises sans retard où ce sera nécessaire.
 
3) Le matériel pédagogique enfin a une importance de tout premier plan, qu’on a toujours sous-estimée. Une réglementation nouvelle doit nécessairement intervenir pour l’achat, l’enrichissement, la conservation et l’usage de tous les outils nouveaux à usage communautaire de plus en plus nombreux : matériel d’expérimentation physique, chimique, fichiers scolaires, cinémas, radio, disques, imprimerie à l’école.
Proposition
De plus en plus, l’école, milieu communautaire, possède un matériel impersonnel, à usage communautaire : matériel d’expérimentation physique, chimique, fichiers scolaires de documentation, cinémas, radio, disques, imprimerie à l’école.
L’État encouragera l’achat, la conservation, le perfectionnement et l’usage de ce matériel par des subventions importantes dont la modalité sera réglée par décisions spéciales.
 
Collaborations
L’œuvre scolaire nouvelle ne saurait être menée sans une intime collaboration à tous les degrés : collaboration au sein de l’école entre éducateurs d’un canton, collaboration entre éducateurs et inspecteurs, collaboration à l’échelle nationale entre organismes d’État et associations d’éducateurs.
L’État devra recommander cette collaboration, créer les organismes susceptibles de la rendre effective pour le plus grand bien de l’école et de ses maîtres.
Des réunions pédagogiques du personnel seront appelées à discuter toutes questions de techniques ou de méthodes proposées pour les écoles primaires.
 
 
L’évolution économique, industrielle et sociale marche à pas de géants. En dix ans, les moyens de communication se trouvent bouleversés, bouleversant également le mode de vie ; le cinéma parlant naît, et, en quelques années détrône le cinéma muet ; la radio, inexistante au début du siècle, est un des éléments les plus dynamiques de la vie contemporaine ; l’extension impressionnante des automobiles faisant disparaître jusque dans les plus petits villages, les voitures à chevaux, modifient totalement les relations locales, régionales et nationales.
L’école, élément de cette nouvelle vie, cellule incessamment adaptée au milieu social contemporain, ne doit-elle pas suivre le mouvement, utiliser aussi les outils nouveaux que la science met à sa disposition ? Cela ne fait aucun doute.
Cependant l’école est encore régie par la loi organique de 1886 à peine améliorée par les instructions hardies dans une certaine mesure de 1923. La génération de la radio, du cinéma, de l’auto, de l’avion, du sport, génération d’un Front Populaire qui mobilise des masses de 500 000 hommes, subit encore dans les écoles des programmes et des méthodes d’il y a 50 ans.
Une adaptation s’impose de toute urgence.
Cette adaptation, il est vrai, s’opère lentement. Dans leurs classes, dans les classes de villages ou de bourgs notamment, là où les instituteurs sont moins tenus par l’administration et par les réglements, des expériences se poursuivent, dont quelques-unes, hardies, trouvent dans la pédagogie internationale des échos sympathiques.
Mais ces expériences :
1) Sont en général plus ou moins anarchiques. Les mêmes tentatives sont rééditées par des centaines d’éducateurs dévoués qui ignorent ce que d’autres cherchent à côté d’eux. Les mêmes erreurs se rééditent, hélas ! les mêmes enthousiasmes s’usent devant l’indifférence et l’incompréhension.
Elles sont à la merci des chefs : là où inspecteurs et directeurs sont compréhensifs et hardis, les instituteurs sont, sinon encouragés, du moins autorisés tacitement à poursuivre leurs expériences. Mais que de chercheurs ont été rebutés et découragés par des chefs à cheval sur le règlement et qui n’acceptaient pas qu’on essaie de sortir des chemins battus.
Il faut aujourd’hui regarder la situation en face et agir.
L’école doit s’adapter à la société actuelle.
Cette adaptation doit être organisée, méthodique, permanente, de façon qu’il soit tiré le meilleur parti possible des efforts dévoués de tous les chercheurs.
Ces recherches doivent être graduées afin que les générations actuelles ne souffrent pas des tâtonnements indispensables.
C’est en vue de cette organisation que nous proposons que soient créées en France des écoles expérimentales, jouissant de certaines libertés dans l’adaptation des méthodes, autorisées, sous le contrôle d’un bureau d’éducation, à faire des recherches, à essayer des méthodes, à préparer des techniques et à se livrer à tous travaux susceptibles de faire avancer la pédagogie sans nuire à la préparation des enfants eux-mêmes.
Proposition
Article premier. – Il sera créé en France un réseau d’écoles expérimentales destinées à travailler méthodiquement à l’adaptation des techniques nouvelles à l’école publique, sans nuire à l’éducation et à l’instruction des enfants.
Article 2. – Seront reconnues comme écoles expérimentales, toutes les écoles publiques et privées qui s’engagent à poursuivre des recherches méthodiques sous le contrôle du Bureau d’Éducation qui fonctionnera comme il est dit à l’art. 7.
Article 3. – Les écoles expérimentales pourront procéder à telles recherches de leur choix pourvu que soient respectés dans leur ensemble les réglements et les programmes en vigueur. Quelques dérogations pourront être accordées par le Bureau d’Éducation, notamment pour ce qui concerne les horaires et les examens.
Article 4. – Sur demande spéciale, autorisée après enquête du Bureau d’Éducation, des subventions pourront être accordées aux écoles expérimentales pour achat d’appareils et de matériel ou pour toutes autres dépenses nécessitées par les recherches entreprises.
Article 5. – Les stagiaires de l’Enseignement, les élèves-maîtres et les éducateurs eux-mêmes seront appelés à faire des stages dans les écoles expérimentales afin que les recherches de ces écoles puissent servir à tous.
Article 6. – Les écoles expérimentales seront placées directement sous le contrôle pédagogique du Bureau d’Éducation, les services d’inspection n’intervenant que pour ce qui concerne l’administration.
Article 7. – Il est créé un Bureau d’Éducation comprenant des pédagogues éprouvés de l’enseignement maternel, de l’enseignement primaire, de l’enseignement primaire supérieur et technique, de l’enseignement secondaire et supérieur, des délégués des associations d’instituteurs et des associations ouvrières représentant les parents d’élèves.
Ces pédagogues se constituent en commissions pour l’étude des questions de leur ressort.
Ils mettent en relations tous les éducateurs des écoles expérimentales, leur apportent leur appui technique, surveillent et contrôlent les expériences et étudient l’application dans les écoles publiques des techniques élaborées dans les écoles expérimentales.
Ce Bureau d’Éducation sera en même temps un bureau de recherches et de liaison pour tout ce qui concerne l’adaptation de l’école aux modes nouveaux de vie et de travail.
Article 8. – Des règlements spéciaux préciseront les attributions et les moyens d’action de ce bureau et les modalités de contrôle qu’il opèrera sur les écoles expérimentales.
 
 
Les propositions de loi ci-dessus ne sont pas nécessairement définitives. Elles sont des suggestions actives que nous soumettons aux parlementaires du Front Populaire, aux associations d’instituteurs, aux organisations pédagogiques et que nous formulons en propositions de lois pour bien marquer qu’elles doivent au plus tôt devenir des réalités.
Nous n’avons pas tout examiné, certes. La loi ne doit pas nécessairement entrer dans tous les détails : elle doit indiquer les lignes essentielles d’action, en laissant aux circulaires qui les commentent le soin de les compléter dans l’esprit des législateurs – esprit qui admirablement indiqué dans les extraits que nous nous avons donnés du Nouveau Plan d’Études belge.
La Coopérative de l’Enseignement Laïc et le Groupe de l’Imprimerie à l’École, qui groupent un millier d’éducateurs parmi les plus actifs et les plus dévoués à l’œuvre pédagogique ont tenu à établir en commun ces projets de propositions qui peuvent servir de base solide à une large discussion que nous sollicitons et qui devrait aboutir au vote rapide de dispositions législatives susceptibles de diriger l’école primaire française vers la voie d’avant-garde qui est, en ces temps troublés, sa place historique.
 
 
 
L’Éducateur Prolétarien, n° 2, 15 octobre 1936