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logo blog Les « Trente heures », pour la dignité de l’enfant, 15 décembre 1937

Freinet appelle à défendre l’enfant de l’abrutissement quotidien des devoirs et des leçons et à diffuser une motion à mettre au vote de la Chambre des députés qui interdit de donner des devoirs hors des trente heures légales de cours.

Une défense de l’enfant qui augure avec force celles qui suivront quelques décennies plus tard portées par les militants des Droits de l’enfant !  
 
Le gouvernement de Front populaire a libéré l’ouvrier du travail abrutissant et l’institution des 40 heures et des congés payés est considérée comme une des grandes révolutions de notre époque.
Cette même révolution n’a pas encore été réalisée pour les enfants et le père qui fait ses huit heures admet fort bien que ses fils travaillent encore le soir tard, alors qu’il lit paisiblement son journal ou soigne ses choux.
Il y a là une mesure urgente à prendre et il est excellent que ce soit nous qui en ayons l’initiative.
C’est, en effet, nous qui avons le plus réalisé qu’on réapprenne à considérer la dignité de l’enfant. Cet être qu’on croyait à peine apte à être commandé, nous avons montré ce qu’il était capable de réaliser quand il pouvait agir librement dans le sens de ses besoins.
Il faut que nous le défendions aujourd’hui contre l’abrutissement permanent des devoirs et des leçons.
Un principe doit être admis : l’enfant qui a besoin de jouer, de courir, de respirer, de dormir longuement, doit faire une semaine plus courte que les adultes. Trente heures par semaine sont suffisantes.
Nous demandons donc à nos camarades des départements de diffuser, et à nos amis de la Chambre de faire voter la motion suivante :
« La semaine de travail imposé ne doit pas dépasser, dans l’enseignement primaire, trente heures par semaine.
En conséquence, il est interdit aux éducateurs de donner, hors des trente heures régulières de cours, des devoirs supplémentaires qui seraient considérés comme une infraction à la loi. »
Nous allons rédiger à ce sujet une proposition de loi que nous demanderons à nos camarades de défendre à la Chambre.
 
***
Comment faire en trente heures ce qui en demandait 40 ou 50 crieront certains.
Nous avons entendu les mêmes protestations quand les ouvriers ont arraché les quarante heures. Nous ferons la même réponse qu’ils ont faite à leurs patrons : modernisez les installations, utilisez les usines, employez avec méthode l’effort humain, redonnez aux individus une dignité et une personnalité et le problème sera résolu.
Quant à nous, il nous est facile de dire à nos camarades :
– Vous comprenez les raisons d’humanité qui nous poussent à défendre l’enfant. Mais organisez nos classes selon nos techniques, adaptez le matériel nouveau, redonnez la joie et l’enthousiasme. Les trente heures alors seront suffisantes pour les besognes d’acquisition et d’éducation qu’on attend de notre école populaire. Et alors, par nécessité, s’accomplira une des plus grandes révolutions pédagogiques : ce sera l’aube d’une éducation basée sur l’effort libre et voulu des enfants, sur la conception libératrice de notre belle tâche.
Célestin Freinet