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Problèmes de jeunes

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Janvier 1959

 

« Ça y est : j'ai mon Bac !
— Que vas-tu faire maintenant ?
— J'ai envie de demander un poste d'instituteur ; il parait qu'on en manque, et puis j'ai toujours eu envie de faire ce métier-là... »
C'est souvent ainsi que l'histoire commence, et cela me vaut de voir arriver chaque année à mon bureau des jeunes gens et des jeunes filles, plus ou moins gauches et rougissants, qui croient avoir trouvé dans l'enseignement la carrière pour laquelle ils se sentaient appelés. Que sont-ils, ces jeunes qui abordent le métier d'éducateur ?
Beaucoup sont des bacheliers, c'est-à-dire qu'ils savent beaucoup de choses, qu'ils ont beaucoup appris, un peu retenu : ils sont sur le chemin de la vraie culture, pourvu qu'ils conservent assez de curiosité intellectuelle.
Tous sont des jeunes, c'est-à-dire des forces vives, des tempéraments dynamiques et entraînants, facilement transportés par une loi, un idéal, une passion. Quelques-uns ont dû gagner leur vie dès la proclamation des résultats du Bac, et ils ont peut-être passé leurs vacances à « faire » une ou deux « colos » : ceux-là sont les mieux armés pour la tâche qu'ils se sont choisie.
Tous ont cherché à se documenter sur leur futur métier, et il n'est pas rare d'entendre ces «novices» parler des «bouquins» de pédagogie qu'ils ont «potassés». Ceux-là seront sûrement les plus désemparés à la rentrée : n'ont-ils pas appris dans leurs livres qu'on pratiquait en France une pédagogie de joie et d'épanouissement, une pédagogie active, dynamique et sociale, tendant à faire des enfants d'aujourd'hui des hommes adaptés à ¡a société de demain ?
Que trouveront-ils, le plus souvent, à leur premier contact avec l'école ?
« On » leur dira : « N'oubliez pas que vous êtes le Maître, que vous devez vous faire obéir, au doigt et à l'œil. Pas de chahut, pas de sentiment : bras croisés et alignement parfait sont les régles d'or du parfait travail scolaire. N'admettez jamais le désordre : on répond à son tour, quand on est interrogé, sinon punition. N'écoutez pas les interrupteurs, avec leurs petites questions fantaisistes, punissez-les au contrai­re, pour les entraîner à garder l'esprit clair sur le sujet que vous traitez. Du dessin, de la musique ? Ah ça ! Vous êtes fou ! Calcul, dictée, grammaire, d'abord, et ensuite le reste, selon le temps disponible. Comment dites-vous ? des classes-promenades ! Mais vous n'êtes pas ici pour faire le guignol ; croyez-vous que l'Etat vous paie à ne rien faire ?» Et ainsi de suite jusqu'à parfait découragement du jeune aspirant.
Ajoutons à ce sombre tableau de nombreuses difficultés matérielles : c'est le logement abandonné et vétuste, qu'il faut occuper tant bien que mal ; ce sont les sordides discussions financières avec la logeuse ; ce sont les menaces qui pèsent sur le jeune sursitaire et le spectre de la guerre d'Algérie ; ce sont les familles des élèves,qui n'admettent pas les errements des premiers jours ; c'est encore le manque de matériel d'enseignement, le manque de documentation ; et que dire du malheureux qui « débute » en campagne, seul, livré à une classe dont il ne sait rien, loin des siens, abandonné de tous !
C'est pour tous ceux-là, qui veulent réaliser leur vocation, mais qui se trouvent dès l'abord désemparés, désorientés, à la dérive, que «Techniques de Vie » a tenu à réaliser sa page des jeunes. Les techniques de l'Ecole Moderne peuvent leur apporter l'aide morale et matérielle qui les lancera, avec tous les autres « jeunes », sur la voie du Progrès. J'ai pu le vérifier dans ma circonscription — qui compte près de 200 débutants— Quand je leur ai parlé de l'école moderne, au cours des journées pédagogiques, j'ai d'abord rencontré le scepticisme découragé, puis le doute inquisiteur enfin le désir d'essayer et l'amélioration. Les problèmes n'ont pas disparu, mais ils sont ab­sorbés avec la volonté dynamique d'en venir à bout, avec bonne humeur et entrain. La connaissance de l'Ecole Moderne a modifié l'esprit. Et l'Ecole est redevenue, pour ces idéalistes naturels que sont les jeunes, source d'action, de joie, de bonheur enfin.
Faire connaître les techniques Freinet aux jeunes, c'est les aider à saisir la vie, à l'introduire en classe ; c'est les aider à « s'engager » dans le combat pour l'avenir.
« Techniques de Vie » est prête à recevoir leurs suggestions, leurs critiques, à présenter leurs problèmes.

 

 

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