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Deux sciences s'interpellent aujourd'hui...

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Janvier 1978
Deux sciences s'interpellent aujourd'hui...
 
Guy Leroy
Revue CREU Freinet n°8 3ème trimestre 1978, Cannes, CEL
 
Deux sciences s'interpellent aujourd'hui. Deux sciences ayant leur fonction, leur lieu d'expression, leur corps de prémisses et leur mode de justification propres. Elles s'identifient chacune à une institution dont le rôle social est tenu pour différent. L'une est valorisée et s'autovalorise, l'autre est tenue pour indigente et dange­reuse. Leur antagonisme se nourrit des vieilles dichotomies réflexion-action, jugement-intuition, transcendance - contingence. Le prolongement contemporain de cette vision binaire se traduit par les paires d'opposition science pure – science appliquée, recherche-développement.
 
Mais voici que dans le champ pédagogique comme partout ailleurs, la science perd sa pureté et que la recherche s’emballe au point de ne plus fonctionner que dans le circuit clos de son propre domaine. Et ce, au moment où les instances statutairement chargées de l'application et du développement "sur le terrain" refusent  leur sujétion, se posent et posent des questions.
 
Ceux qui font de la recherche et ceux qui sont en recherche sont désormais condamnés au dialogue. Les pre­miers ont les moyens de dynamiser l'action des seconds; les derniers ont le pouvoir d'irriguer la réflexion des premiers. Les uns et les autres veulent désormais être les moteurs du changement. Ils pourraient l'être, non pas complémentairement, mais solidairement. Si les mots ont un sens, c'est sans doute cela que signifie la notion féconde de dépassement dialectique...
 
En dernière analyse, le principal mérite du mouvement Freinet -et cette fois-ci, sans guillemets! -est d'avoir, avec un demi-siècle d'avance, jeté les bases d'un concept proprement révolutionnaire: celui de recher­che-action. Tout portait à croire qu'en matière de sciences de l'éducation, l'Université allait, avec cinquante ans de retard, franchir le pas elle aussi. Le coup de semonce de l'équipe universitaire de Toulouse nous rap­pelle que certains pans de la vieille citadelle tiennent encore bon. Hélas !
 
Cela n'empêche pas que chaque matin, depuis des lustres, les équipes Freinet envahissent les classes animées de l'intention ferme de détruire l'Ecole, et -qui sait ? -la Nation. Et que chaque jour des milliers d'en­fants campent dans les décombres, heureux sans doute de reconstruire inlassablement l'édifice. A frais nouveaux, à la mesure de leur temps, à leur mesure. Et aussi, à la mesure de nos espérances.
 
(extrait d'un article des CAHIERS PEDAGOGIOUES numéro 155 -juin 1977)

 

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