Raccourci vers le contenu principal de la page

La pédagogie Freinet et l’enseignement universitaire

Dans :  un niveau scolaire › Formation et recherche › 
Mai 1976

I

Avant propos
La pédagogie Freinet et l’enseignement universitaire
Michel Barré
Revue CREU Freinet n°0
Mai 1976
 
 
Beaucoup de gens parlant de l'I.C.E.M. disent toujours "les Instituteurs Freinet", et des universitaires peuvent se demander quel rapport il pourrait bien y avoir entre des préoccupations de "primaires" et les leurs. Entendons-nous bien : la pédagogie Freinet n'a pas la prétention de lancer une O.P.A. sur la pédagogie des universitaires, l'I.C.E.M. n'est pas une puissance désireuse de partir à l'as­saut de nouveaux bastions.
Freinet a d'abord cherché à susciter chez les enseignants une prise de conscien­ce des problèmes d'éducation et une volonté d'opérer toutes les transformations possibles sans attendre un changement de structure sociale jugé également indis­pensable. Comme il était lui-même instituteur, c'est parmi ses collègues qu'il a opéré les premiers regroupements et que son mouvement s'est développé. Mais, notamment du fait de l'insertion des cours comp1émentaires dans le1er cycle Secondaire, des professeurs du Second degré se sont joints au mouvement.
 
Tous ces éducateurs réunis sans liens hiérarchiques ont vite compris l' importan­ce de ne pas se regrouper uniquement par niveaux et par spécialités mais égale­ment d'échanger sur la globalité de l'éducation les institutrices maternelles n'étant pas en dehors du coup, bien au contraire, lorsqu'il s'agit de se con­fronter avec instituteurs et professeurs sur l'accession à l'autonomie, sur la conquête des apprentissages, sur le besoin d'expression, sur le sentiment de réussite, etc.
 
Tous ont pris conscience qu'il était beaucoup moins riche de rester enfermé sur ses particularismes que de les mettre en commun avec les autres, de tirer tout le parti possible de ce qui a été expérimenté par d'autres à différents niveaux.
 
 
Quand des professeurs répondent aux instituteurs: "nous ne pouvons pas agir comme vous le faites, nous n’avons les élèves que quelques heures par semaine , ceux-ci leur répliquent: "nous n'avons pas le morcellement horaire qui vous entrave, mais en ville notre morcellement est le passage sans continuité chaque année de nouvelles fournées d'élèves, notre solution commune pour retrouver une action éducative globale et continue est la constitution d'un véritable travail d'équipe, à la maternelle, au primaire comme au secondaire.
Depuis des années par le biais des C.P.R. , du retour à l'université de certains enseignants, des contacts ont été pris entre la pédagogie Freinet et l'ensei­gnement universitaire, mais de façon un peu marginale à ce dernier. Le moment est peut-être venu d'aller plus loin et de proposer aux professeurs et assistants qui remettent en question leur enseignement, les mêmes types de confrontation qui nous ont jusqu'alors mutuellement enrichis et renforcés.
 
La pédagogie Freinet n'a pas de méthode à exporter dans l'enseignement universi­taire, elle se caractérise par une attitude qui réunit un certain nombre d'éducateurs de tous niveaux (de la maternelle à l'université, ou si on préfère de la pouponnière au troisième âge, car il n'y a aucune limite)
1.- La prise en charge par les éducateurs de leurs propres problèmes sans attendre le feu vert des hiérarchies universitaires ou ministérielles.
 
2 L'engagement des éduqués dans leur propre éducation, l'acceptation qu'ils inter­viennent dans la détermination de leurs objectifs, seul moyen de préparer des êtres autonomes.
 
II
3. Le refus des cloisonnements entre éducateurs et éduqués, entre ceux qui savent et ceux qui apprennent, tous à leur niveau étant à la recherche de savoirs nouveaux. Refus également des cloisonnements et des hiérarchies entre disciplines, entre sections nobles ou pas, entre niveaux d’enseignement.
Priorité donnée à la coopération, au travail d’équipe, sur le respect hiérarchique et la compétition.
 
4.- Le respect des jeunes et de leur droit à l'expression, l'acceptation profonde de ce qu'ils sont au niveau qui est le leur non pour les enfermer dans leur spontanéité mais pour les aider à partir de leur apport à la recherche et à l'approfondissement.
 
5.- La multiplication des approches d'un même problème en refusant les frontières artificielles entre disciplines, en favorisant au contraire les recoupements interdisciplinaires.
 
6.-Le refus de séparer recherche et acquisition du savoir, tout apprentissage véri­table étant dès la petite enfance une recherche et toute recherche étant elle-même génératrice de savoir. Au lieu de refuser le droit à 1a recherche, tant qu’un savoir minimum n'est pas acquis, nous organisons à tous les niveaux l’apprentissage autour d'une attitude de recherche.
 
7.- Le refus d'un système fondé sur l'échec et la recherche d'une éducation de la réussite. Le système scolaire fonctionne comme une machine à trier qui rejette par étape la plupart des élèves. Notre objectif doit être de s'appuyer sur toute réussite positive et la renforcer pour faire de l'éducation une marche en avant et non une hécatombe où ne devrait rester en lice que l'élite.
 
8.- La recherche de nouveaux critères de contrôle et de progression. On semble trop souvent se satisfaire des examens alors que chacun critique le niveau des élèves qui ont franchi les contrôles précédents. Il est donc essentiel de repenser la totalité du système et rechercher de vrais contrôles qui contrôle véritablement quelque chose.
 
9.- La conquête de meilleures conditions de travail sans se réfugier dans des alibis d’impossibilité mais en utilisant toutes les brêches pour montrer cequ'il serait impossible de faire avec des effectifs moins chargés, des locaux et des matériels appropriés, des enseignants mieux formés.
 
10.- La recherche dès à présent de cette formation nouvelle par la mise en commun des expériences et des travaux où la gloriole personnelle passe loin derrière l'ambition de changer profondément les bases de l'éducation et de la formation.
 
11.- Le souci de ne pas isoler le combat pédagogique du combat syndical et politique mais en refusant tout préalable de l'un par rapport à l'autre. L'objectif étant dans tous les domaines: aller le plus loin possible dès que possible.
 
Si vous partagez ces préoccupations, nous aurons intérêt les uns et les autres
 
à unir nos efforts. C'est le sens de notre accueil aux propositions de Michal LAUNAY et de ses amis universitaires.
 
Avec nos souhaits de fructueuse et amicale collaboration;
 
M.BARRE Secrétaire de l'ICEM