Un bon appareil de polycopie est utile à tous les instituteurs, et, à mon avis, indispensable à tous ceux qui ont introduit l'imprimerie dans leur classe. Il suffit d'ailleurs de feuilleter la collection des livres de vie pour constater qu'un grand nombre de nos adhérents utilisent ce procédé de reproduction, qui ne fait pas double emploi avec l'imprimerie, mais en est le complément.
Les occasions de faire de la polycopie ne manquent pas dans nos écoles, coopératives. Veut-on préparer une provision de program-mes pour une fête scolaire, une séance de cinéma, une conférence ? Veut-on reproduire un texte d'auteur un article de journal, un dessin une carte géographique, etc., pour que chaque élève puisse en posséder un, exemplaire ? ... Vite, l'appareil à polycopier. Sans compter que l'instituteur, surtout quand il doit assurer en même temps les fonctions fastidieuses de secrétaire de mairie, a souvent besoin d'y avoir recours personnellement.
Reproduction des dessins
par la polycopie
Je veux dire deux mots de l'illustration de nos imprimés, car c'est là surtout que, dans l'état actuel de son perfectionnement, la polycopie est appelée à jouer un grand rôle.
Pour la reproduction des dessins libres d'enfants, sans lesquels nos journaux scolaires ne seraient que l'ombre d'eux-mêmes, les procédés ne manquent pas et ont été tour à tour traités dans cette revue. Mais soyons sincères, nous ont-ils pleinement satisfaits. Je ne parlerai pas de la gravure sur bois et sur métal qui, n'étant pas à la portée de tous les maîtres, est encore moins à la portée des élèves. Oui, je sais bien : il y a la gravure sur linoléum dont l'emploi semble se généraliser. Nous nous en servons parfois, mais parfois seulement. D'abord, tous les dessins ne se prêtent pas à cette sorte de reproduction. Et puis, c’est un travail long, qui retarde souvent le tirage du texte déjà composé et en place sur la presse. Quant à l'impression, elle est ce que l'a faite l'encre d'imprimerie utilisée : un dessin noir dans un texte noir. Je revois la mine déconfite d'un de mes petits imprimeurs après le tirage d'une page illustrée ainsi avec l'un de ses dessins. Outre que ce dessin avait dû être refait à une échelle plus petite (pour économiser la matière première, que des détails avaient été supprimés (pour simplifier la besogne), il ne retrouvait plus les jolies couleurs qu'il avait prodiguées dans l'original. Et il restait tout étonné de lire son nom sous la gravure imprimée...
L'idéal est, en effet, de reproduire un dessin exactement, avec toutes les couleurs qui en font la gaîté et le charme, avec tous ces petits détails naïfs qui valent une signature, et, ceci, rapidement, par un procédé facile !
Nous sommes aujourd'hui très près de cet idéal, grâce à la Géline C.E.L. qui permet un tirage rapide et avec toutes encres de couleurs. Il faut évidemment deux tirages successifs, un pour l'imprimerie, un pour la polycopie, ou inversement. Mais le personnel ne manque pas dans nos classes et les deux équipes peuvent fort bien travailler en même temps : sorties de la presse, les feuilles passent immédiatement à la Géline et, ainsi, dix à douze minutes nous suffisent pour obtenir le tirage complet des cent exemplaires qui nous sont nécessaires. Si l'on a employé les encres de couleurs « Géline » pour peindre le dessin, tout est alors terminé. Si, seules les lignes du dessin ont été encrées, on peut ensuite colorier avec des crayons de couleurs ou de l'aquarelle, chaque élève faisant sa feuille et celle de son correspondant. De toute façon, on obtient ainsi des travaux qui plaisent autrement aux enfants que les ombres chinoises produites avec le linoléum...
Je ne voudrais pas terminer l'énumération des procédés de reproduction sans citer le « Nardigraphe ». J’ai vu cet excellent appareil en service chez un camarade et je dois reconnaître qu'on en peut attendre toutes les qualités dont j'ai parlé ci-dessus. Il permet même la reproduction à un très grand nombre d'exemplaires. Mais jetez un coup d'oeil sur le tarir inséré dans notre revue et vous penserez comme moi que l'achat d'un Nardigraphe n'est pas à la portée de toutes les bourses.
Le seul appareil polycopiste répondant à la fois à nos moyens et à nos besoins c'est la Géline C.E.L., dont le format n°1 (15 X 21) pris à notre Coopé ne vaut pas 30 francs, et qui permet d'obtenir dans tous les cas plus de cent bonnes copies et même bien davantage si l'on suit les conseils exposés plus loin.
La Géline C.E.L.
Avant d'adopter la Géline, Freinet m'avait chargé de faire une expérimentation sérieuse de ce nouveau produit. J'ai déjà rendu compte ici de mes essais (N° 53, page 279). Mais j'avais signalé au fabricant que la Géline s’usait un peu trop rapidement à l'effaçage. Courant juillet, je reçus un échantillon d'une nouvelle Géline qualité « O », que je m'empressai d'expérimenter. Un tirage de 150 programmes de distribution de prix absolu-ment parfaits m'a montré tout de suite que cette nouvelle qualité valait largement l'ancienne quant au rendement. En ce qui concerne l'usure, l'amélioration est certaine : après un tirage de 120 copies sur mon appareil (format 23 X 29), l'effaçage n'a produit qu'une diminution de poids de 9 à 10 grammes.
Je suis donc maintenant convaincu que la Géline est non seulement le meilleur des appareils à polycopier, mais aussi le plus économique.
Description du matériel
Je ne connais pas la composition exacte de la Géline et je ne vois d'ailleurs aucune utilité à la connaître. Je dirai seulement que le Géline se présente sous forme d'un corps gélatineux qui, par sa couleur jaune, sa transparence, sa consistance, rappelle parfaitement l'aspect de la gelée de viande dont le charcutier entoure ses pâtés et ses jambons. Son odeur est très agréable.
La Géline se livre en cuvettes métalliques rectangulaires de divers formats, tout comme la « pierre humide à reproduire ». Mais, si l'on possède déjà une cuvette de ce genre, on peut se procurer la Géline en boîte de 1 kg. 200 à un prix très avantageux (voir tarif). De même pour les recharges. Notons toutefois qu'il faut s'abstenir d'utiliser une cuvette rouillée ou vernie intérieurement (dans ce dernier cas, on peut gratter le vernis). Il suffit de faire fondre la Géline au bain-marie et de la couler dans la cuvette.
Comment utiliser la Géline
a) Préparation de l'original. Toutes les encres à polycopier peuvent être employées. Mais je conseille de commander les encres Géline qui, plus puissantes, permettent d'obtenir un nombre plus élevé de copies.
Le papier le meilleur à tous points de vue est actuellement le papier surglacé « Au Cygne » qui n'absorbe pas l'encre et dont la transparence est suffisante pour calquer directement un dessin.
Employer une plume qui ne gratte pas (Là encore la plume mousse est à recommander). Avoir une plume pour chaque couleur d'encre. Laisser sécher l'encre naturellement : quelques minutes suffisent généralement. Un originaI sera parfait si l'encre sèche apparaît bien brillante partout.
b) Préparation de la Géline. Mouiller toute la surface de la Géline avec une éponge légèrement imbibée d'eau froide. Enlever l'eau en excès à l'aide de l'éponge, puis bien assécher en appliquant successivement plusieurs feuilles de papier. La Géline doit être absolument sèche, sinon le décalque produira des bavures et même des taches.
c) Décalque. - Les précautions ci-dessus étant prises (original et géline bien secs l'un et l'autre), appliquer la feuille sur l'appareil, tout naturellement, sans appuyer, ni frotter. L'adhérence se fait toute seule. Toutefois, veiller à ce qu'il ne se produise pas de poche d'air en appuyant très légèrement du bout des doigts, si besoin est aux endroits où le contact semblerait mauvais. Le temps de contact doit varier avec l'encre employée et la fraîcheur de l'original, mais il devra dans tous les cas être très court. A titre d'indication précise, avec les encres Géline, je retire un original frais au bout de 10 secondes. (J'entends par « frais » ayant eu tout juste le temps de sécher), Un original de plusieurs heures peut rester 15 secondes ; s'il a plusieurs jours, on peut aller jusqu'à une demi-minute, mais jamais plus. J'ai remarqué qu'un contact plus long non seulement ne permet pas d'obtenir davantage de copies mais donne à l'encre le temps de pénétrer plus profondément dans la Géline et produit une usure inutile lors de l'effaçage. D'autre part, lorsque l'application a été très brève, l'original peut servir une seconde fois et donner presque autant de copies que la première.
Tirage. - Imprimer très rapidement. C'est du temps de gagné et le rendement est meilleur en quantité et en qualité. L'opérateur peut avoir deux aides : l'un qui présente les feuilles blanches une à une, l'autre qui les recoit à la sortie de l'appareil et les entasse à plat, car elles ont tendance à l'enroulement. Je tire ordinairement les 50 premières copies sans appuyer du tout (sauf quand il se produit une poche d'air), les 50 suivantes en appuyant un peu plus, mais sans jamais avoir besoin d'utiliser un tampon frotteur.
d) Effaçage. - Effacer sitôt le tirage terminé pour réduire au minimun la pénétration de l'encre dans la Géline et par conséquent l'usure. Ne pas avoir peur de mouiller abondamment toute la surface. Frotter avec une éponge dure et très propre, bien horizontalement. Je trouve très pratique l'éponge plate de caoutchouc que l'on trouve dans tous les magasins. L'effaçage se produisant par dissolulion dans l'eau de lavage de la couche de Géline imprégnée d'encre, on hâtera l'opération en renouvelant cette eau plusieurs fois, jusqu'à disparition complète de toute trace d'encre. On peut fort bien mettre l'appareil sous un robinet. Sécher la surface nettoyée avec éponge et feuilles de papier absorbant comme avant de s'en servir.
Et la Géline est prête pour un nouveau tirage.
e) Refonte. - Quand on constate que l'usure de la Géline ne se produit pas uniformément, qu'un creux s'accentue au milieu, il ne faut pas hésiter à faire une refonte. Cette opération est en effet excessivement facile. Décoller la Géline des bords de la cuvette à l'aide d'un couteau et l'enlever en un ou plusieurs morceaux. Faire fondre dans une casserole propre ou au bain-marie et la couler dans la cuvette placée bien horizontalement. A l'aide d'une épingle, enlever les bulles d'air qui peuvent se produire à la surface et laisser refroidir huit heures. On peut profiter de cette refonte pour ajouter de la Géline neuve. Le mélange se fait sans inconvénient.
Maurice DAVAU,
à Nouans (I.-et-L.)