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Henri Kegler

Entretiens avec Bernard Montaclair
Un instituteur... Des institutions - Contribution à une refondation de l'éducation

Éditions du Chameau, 224 p., 17 €,

Connu dans la région normande et au delà, ancien instituteur alsacien, déporté, venu par hasard en Normandie, Henri Kegler (que de nombreux collègues appelaient avec une respectueuse familiarité « le chef  Henri »),  a fondé dès 1946, en Normandie les principaux établissements et services d’éducation spécialisée pour les enfants, les adolescents et adultes en difficulté, ainsi que l’Institut de Recherche et de Formation des Travailleurs Sociaux. Il était chevalier de la Légion d’honneur. Son action était connue dans toute la France.
Dans ses entretiens avec Bernard Montaclair, il retrace son parcours, précise ses objectifs, échange sur l’actualité, la culture, l’éducation et l’anthropologie humaniste. Son œuvre de pionnier rejoint celle de Korszac, Aichorn, Makarenko, Freinet, Joseph Wrezinski...
Des dessins savoureux, des documents et des témoignages parvenus avant et après sa disparition, s’ajoutent aux propos des deux compères.

L’histoire de l’Éducation spécialisée est mal connue. S’agit-il d’une catégorie spéciale d’enfants ? Ou d'une pédagogie spéciale ?
Á moins que les éducateurs ne soient eux même un peu spéciaux…
L’Éducation Nationale, demeurée pour beaucoup « l’INSTRUCTION PUBLIQUE » était, depuis bien avant Jules Ferry, cantonnée dans une vision  moralisante ou disciplinaire de la pédagogie.
Comme Charlemagne qui rangeait, dit-on, les bons élèves d’un côté et les mauvais  de l’autre, le monde de l’éducation a longtemps rejeté les « mauvais »,  les « paresseux », les « arriérés », on dit maintenant les « décrocheurs».
Ceux-ci étaient confiés naguère au secteur psychiatrique, ou à la justice de mineurs. Des films, des livres ont popularisé parfois les « Maisons de correction », ou les pensions dont des parents débordés menaçaient les mauvais élèves. Désarmés devant l’enfant-problème, qui entachait les bons résultats d’une classe homogène qu’ils se devaient de présenter à l’inspecteur pour avoir une bonne note, beaucoup d’enseignants en mal d’enseigner baissaient les bras, passaient la main : « Il n’est pas fait pour nous !»
Au lendemain de la seconde guerre mondiale, de nombreux « chiens perdus sans colliers » pour reprendre le titre de Gilbert Cesbron, ont été pris en charge par des jeunes venus du scoutisme, influencés par des expériences comme celles de Korczac, de Makarenko, de Freinet. L’Éducation Nationale, les juges pour enfants, étaient trop heureux de leur confier ces brebis galeuses. 
Les travaux des psychologues, Piaget, Wallon, Claparède, sans oublier ceux de Freud, ont ouvert un regard nouveau sur le développement de l’Enfant, et le  sens de « l’inquiétante étrangeté » de certains individus. Ils ont ainsi envisagé le défaut, le retard, la « mauvaise volonté »  comme des symptômes.
Ces moniteurs, éducateurs improvisés, pleins de bonne volonté, ont bâti pierre par pierre, ce n’était pas toujours une métaphore, des centres d’un nouveau genre, contenants mais très ouverts, et des services ouverts qui ont transformé le service social répressif ou paternaliste en une « institution sans murs » cherchant à accueillir sans enfermer, écouter sans juger, accompagner sans obliger.
Henri Kegler était un de ces chefs-scouts, rescapé de la déportation de son Alsace natale, il atterrit par hasard en Normandie. Il entreprend avec le soutien de quelques notables la mise en place d’un Centre d’observation  près de Caen, à Évrecy, dans le vieux château de Champ-Goubert rescapé de la guerre. Á cette aventure, à cette première « fondation », adultes et jeunes participaient ensemble avec joie et persévérance. C’était la première fois qu’on les associait, dans le respect, à un  travail exigeant qui avait du sens. En reconstruisant, ils se reconstruisaient.
D’autres réalisations se succédèrent. La réflexion sur le travail éducatif, la formation des éducateurs, l’affinement des méthodes de prise en charge, éclairée par la psychologie, la sociologie, la psychanalyse firent reculer l’empirisme, la coercition l’enfermement dégradant.  La création, la mise en place, l’administration des institutions se développaient.
Mais la spécificité des établissements et services qui existent actuellement en grand nombre, dans un statut associatif, le travail spécialisé des éducateurs qui détiennent aujourd’hui un diplôme d’État, la formation qu’ils reçoivent, tout ce secteur sorti de terre voici soixante dix ans, reste mal connu. 
L’Éducation Nationale a rattrapé son retard et mis en place des classes spéciales, des réseaux d’aide, des psychologues scolaires. Mais il faut amplifier cette tendance à accueillir des enfants différents, et renoncer au mythe de la classe homogène. Et développer un partenariat entre les travailleurs dits « du social » et ceux de l’enseignement. 
L’aventure d’Henri Kegler est exemplaire. La Normandie ravagée par la guerre et les enfants accidentés se sont reconstruits ensemble sous l’impulsion de militants comme lui.
Son œuvre, rejointe par d’autres, a rayonné dans beaucoup de régions de France. 
L’histoire de cette fondation de l’éducation spécialisée ne peut-elle aider à la re-fondation de l’Éducation Nationale que le nouveau gouvernement s’est donné pour tâche de réaliser ?

 

 

 

 

 












Bernard Montaclair, docteur en psychologie, ancien éducateur et instituteur spécialisé, a fondé l’Action Éducative en Milieu Ouvert à l’Association Calvadosienne de Sauvegarde de l’Enfance dans le Calvados, puis l’École d’Éducateurs spécialisés. Avant de s’orienter vers la psychanalyse, et l’écriture.
Compagnon de route de Célestin Freinet, de Fernand Oury, de Jacques Lévine, il est l’auteur de « Moments thérapeutiques » Éd. Érès 1998 et co-auteur avec Pierre Ricco’ de « Former des éducateurs » Éd Érès 1999. Il a publié des articles dans divers ouvrages ou revues spécialisés .


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