Le second numéro du journal de la classe de 1ère ES (lycée Rosa Parks, 85) est en ligne sur le site de l'ICEM : la correspondance avec des collégiens de Kabylie est présente uniquement dans la rubrique des textes libres qui mêlent les textes des deux origines.
Cette année, la classe de 28 lycéens de 1ère ES échangeait avec une dizaine de collégiens d'un village de Kabylie, réunis dans le cadre d'un club d'écriture : participation libre et donc fluctuante de la part des élèves kabyles, mais menée toutefois par une main de maître, assez ferme apparemment.
Partir d'un projet classe à classe permet aux enfants de s'identifier progressivement et moins artificiellement qu'à l'aide d'appariements, à partir de petits signes qui vont peu à peu représenter les personnes à l'autre bout des lettres.
En pièce jointe, le déroulé prévisionnel (élaboré dès début septembre) pour notre échange : je l'avais produit et soumis à l'approbation du collègue en Kabylie. Le document, qui répertorie des contenus prévus pour l'échange, était assorti de périodes précises, fixées sur la base de nos deux calendriers scolaires.
Des éléments doivent être fermement posés et partagés par les deux enseignants, pour permettre ensuite une souplesse.
-Périodicité des envois : calendrier prévisionnel
-Matérialisation concrète des envois : productions et diffusion des productions (lettres, journal)
Le journal a été très utile :
- sa périodicité semestrielle nous a aidés à respecter le calendrier.
- la collecte des contenus montrait le fil des derniers mois passés, mettait en valeur les productions, même modestes, déjà à demi enfouies dans l'oubli.
L'oubli est la première caractéristique du temps scolaire : un exercice vient sans cesse effacer l'ardoise de l'exercice précédent. Et puis, les productions réalisées dans le cadre d'une correspondance, exercice non conventionnel, auront tendance à être oubliées, parce qu'elles restent dans les coulisses : difficile de les faire entrer en scène au moment des évaluations, du bulletin trimestriel.
- le journal signifie concrètement et symboliquement l'échange en plaçant dans un même objet les productions des deux groupes. C'est presque l'étymologie même du mot "symbole", quand on y pense.
Tous les échanges ne figurent pas dans le journal, notamment les échanges suscités par les travaux menés en TPE : quatre groupes de TPE sur neuf ont profité de cette correspondance pour travailler lors de cette épreuve d'examen sur une confrontation France/Algérie(Kabylie plus spécifiquement) avec des thèmes précis (le tourisme, les médias, la démocratie, le terrorisme). Pour être publiés, leurs dialogues épars avec les collégiens kabyles auraient demandé un travail de réécriture ; il m'était impossible de le demander aux élèves et peu fructueux de le faire moi-même.
Le calendrier prévisionnel a aussi prouvé sa nécessité
Il n'a pas été entièrement respecté : l'année scolaire en Algérie a été beaucoup plus troublée que la nôtre par des grèves de longue durée.
De janvier à avril : silence sur les ondes. Les ateliers d'écriture prévus autour de la poésie n'ont pas donné lieu à des échanges. J'ai conclu du mutisme prolongé que la correspondance s'étiolait. Il est difficile de demander des explications à quelqu'un qu'on ne connait pas, sans avoir l'air de demander des comptes, alors j'ai préféré attendre en me disant : en cas de silence total je me ferai une raison ; la première partie de l'année avait déjà réussi quelque chose qui se suffisait à lui-même.
Et puis début mai, in extremis, surprise, surprise : des textes libres arrivent de Kabylie, à temps pour être mêlés aux nôtres.
Mon collègue avait toujours en tête le calendrier adopté en début d'année.
Trois risques et incertitudes à supporter et à doser dans une correspondance :
- la représentation très floue des conditions matérielles à l'autre bout de la correspondance (ordinateur, imprimante, appareil photo)
exemple : le 1er atelier d'écriture demande la production de photos : les photos reçues de Kabylie confirment la faisabilité de l'atelier, mais pas sûr que ce soit des photos réellement prises par les élèves.
- toutes les questions qu'on aimerait poser soi-même au collègue, par saine curiosité, par humanité, et qui viennent parasiter l'échange entre élèves en mettant l'accent sur l'échange entre profs
exemple : lors d'une précédente correspondance avec une enseignante tchèque de français en République Tchèque, nous avons évoqué nos sensibilités personnelles, nos goûts, notre environnement familial, seulement au bout d'un an, alors que l'échange avec les étudiants était achevé et que nous faisions le bilan de notre petite aventure.
-les risques de malentendus entre les enseignants :
Exprimer les émotions( l'impatience, l'inquiétude, l'humour, etc) par écrit (ponctuation, images, niveau de langue) est plus difficile qu'avec le visage, la voix, tout le corps.
Cela se complique encore lorsque les contextes culturels sont très différents.
Limiter les effets expressifs générés par les émotions peut aussi induire en erreur (froideur, distance, indifférence, mépris), mais par expérience, ce sont des erreurs beaucoup plus faciles à corriger que les premières.
Ce que je regrette jusqu'à présent et que j'aimerais améliorer :
que les élèves s'emparent davantage de cette opportunité, en dépassant les injonctions et les codes dus à l'échange.
La courtoisie épistolaire, avec la prise en compte correcte du destinataire, est déjà une occasion de travail et de progrès, mais ça reste un exercice scolaire dont les élèves s'acquittent. Il n'y a pas eu cette année suffisamment d'échanges par rebond spontané malgré un moment réussi en octobre, quelques initiatives individuelles dans les textes libres, dont ce dernier texte, pépite totalement imprévue tombée le 02 juillet dernier dans ma messagerie (voir pièce jointe : "lettre aux Kabyles"). C'est le gros inconvénient, je pense, d'un échange où les ateliers d'écritures et une épreuve d'examen prennent, au final, beaucoup de place. Je garde cette ambition en tête pour l'année prochaine.
Fichier attaché | Taille |
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kabylie_1ere_es_ateliers_decriture_et_textes_libres.pdf | 64.26 Ko |
lettre_aux_kabyles_03_juillet_2017.pdf | 8.6 Ko |
Texte libre
Un article très convaincant et explicatif de notre expérience avec les textes libres !