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Atelier n°24 : «Fichier coopération citoyenneté pour agir maintenant sur son milieu»

Dans :  Congrès › Principes pédagogiques › 

23/08/2017

Atelier n°24 : Fichier Coopération Citoyenneté
pour agir maintenant sur son milieu

 

Sommaire


Introduction : Qu’est-ce que le Chantier Outils ?

Le fichier Coopération et citoyenneté

Témoignage
Contexte
"Autour du conseil "
Le « Message Clair »
Les situations de mitoyenneté
Le tutorat
Le « recours barrière »

 

 

Qu’est-ce que le Chantier Outils ?

Un exemple : Un GD, un groupe définit un besoin. Une dizaine d’initiateurs au sein du Chantier conceptualisent l’outil puis 3 auteurs l’écrivent en respectant la charte des initiateurs. Ce sont des outils faits par les enseignants, avec des aller-retours dans les classes.
L'équipe de coordination du Chantier Outils accompagne les projets de la création à l'édition. Quand ils ont été pratiqués pendant un certain temps, les retours des collègues permettent de modifier les éditions suivantes.

Actuellement, au Chantier Outils, des projets à sont à divers stades :
• des projets en cours qui ont encore besoin de testeurs
• des projets qui démarrent et ont besoin de s’étoffer
• des propositions, idées qui n’ont pas encore d’équipe
→ pour prendre part à un projet, contacter le Chantier Outils

Vous trouverez une présentation du Chantier Outils et des outils édités ici.

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Le fichier Coopération et citoyenneté

 

Témoignage de Bruno
Moi, je n’ai pas participé au Chantier. je suis vraiment l’« acheteur lambda » !
Il y a des fiches concrètes, des activités coopératives mais aussi des parallèles avec la vie. J’y ai trouvé beaucoup d’activités que je faisais déjà, je ne me suis donc pas servi des fiches comme ça. Ce n’est pas un fichier que je mettais au fond de la classe, mais j’utilise les fiches pour des projets précis. Je m’en sers alors comme une fiche de lecture, photocopiée pour tout le monde, pour préparer le projet.
Des fiches m’ont servi pour la formation des groupes d’enfants. Ça permet de ne pas avoir seulement le discours de l’enseignant, mais aussi de donner une dimension plus universelle. C’est fait pour les élèves, mais ça donne des outils pour les enseignants. On a là un aspect concret de certaines actions. C’est un support pour agir et qui permet d’aller plus loin.

 

Les auteurs de ce fichier sont Sylvain Connac, enseignant-chercheur en sciences de l’éducation à l’université Paul-Valéry de Montpellier, Dominique Tiberi, auteur également du livre Citoyen en classe Freinet - Journal d'une classe coopérative édité chez L’Harmattan, et Eric Joffre, membre de la coordination du Chantier Outils.
L’idée était d’aider les enseignants et les élèves à s’organiser pour vivre une classe coopérative et citoyenne.

Les fiches sont réparties en 6 domaines :
• autour du conseil
• autour des autres lieux de parole
• autour de la vie du groupe dans la classe
• autour des moments de travail
• autour des projets de la classe
• autour de la communication.

Sur chaque fiche, le recto donne des conseils pratiques à l’élève (par exemple, « comment organiser un conseil? »), et le verso est un clin d’œil à ce qui se fait chez les adultes dans la vie quotidienne. Elles ont été conçues pour être mises dans les mains des élèves quand ils en ont besoin, mais aussi des maitres débutants.

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Intervention de Sylvain Connac
Sylvain Connac est PE de formation initiale. Actuellement, il est enseignant chercheur. Il enseigne à des étudiants avant le master MEEF.
 

Contexte

A l’époque où on a réfléchi à cet outil, j’étais PE dans une école de REP à Montpellier. J’ai eu la chance de participer à un projet d’école coopérative dans laquelle il y avait onze « classes uniques ». Cette école avait été créée dans un contexte catastrophique : il y avait énormément de violence à l’extérieur de l’école que les enfants ramenaient dans l’école. En rentrant de récré, il fallait une demi-heure en moyenne pour se remettre au travail. Parmi les 50 à 60 élèves qui allaient au collège chaque année, 20 au moins complètement analphabètes. Il fallait donc tout changer ou partir ! On a joué la carte de l’hétérogénéité maximum. Il fallait donc développer un matériel comme « relais » pour favoriser les apprentissages coopératifs.

Mon sujet de recherche est d’essayer de voir comment l’organisation de la coopération entre enfants peut être considérée comme une réponse à ce qui est demandé aux enseignants : lutter contre les inégalités.
On sait qu’en France le système éducatif exacerbe les inégalités. C’est bien qu’il se passe quelque chose en pédagogie !
Une des pistes est que tout ne repose pas sur l’enseignant.
Cependant, il existe des travers dans lesquels il ne faut pas tomber : « laisser les enfants libres » ou « Je veux que tous les enfants travaillent à  leur rythme » ; ça marche pour certains enfants mais pas pour tous ! En fait, ça marche surtout pour les enfants qui sont déjà « codés scolairement ».
Nos études ont montré que dans un travail de groupe, généralement, plus de la moitié des élèves travaillent à un « rythme de croisière ».

De plus, quand ils travaillent en groupe, tout peut se jouer en moins de 30 sec. Si on n’y prend pas garde, il y a des situations coopératives qui se mettent en place dans lesquelles lesmeilleurs deviendront encore meilleurs et les autres deviendront des « travailleurs non qualifiés ».
Bien souvent, celui qui a les idées en premier empêche les autres de faire le même cheminement cognitif que lui. Les autres font mais il ne suffit pas de faire pour savoir. Il est ensuite bien difficile de reconstruire un sentiment de compétence pour ceux qui se sont installés dans une position d’assistant (aller chercher la colle, les ciseaux...).
On a donc testé des protocoles et mesuré le degré de dévolution des enfants.
On s’est aperçu que les groupes où la dévolution est la plus grande sont ceux où l’enseignant a imposé un petit temps pendant lequel les enfants réfléchissent individuellement, silencieusement, avant de se lancer dans la tâche collective.
Par exemple, petite situation à analyser, avec une réponse demandée à la question :
« Nasredine est-il fou ou est-il sage ? »
« Pendant une minute vous n’échangez pas mais vous écrivez ce que vous avez envie de
partager avec le groupe. »
ça réduit l’acceptation des postures de tâches subalternes.
Nous sommes arrivés à la conclusion suivante :
Pour qu’un travail de groupe profite à chacun, 5 phases sont nécessaires :
1. réflexion individuelle, silencieuse
2. l’animateur distribue la parole, avec interdiction aux autres
d’intervenir (en commençant par les plus faibles)
3. échange
4. rédaction
5. partage avec la classe par un rapporteur désigné par le maitre (donc il faut un temps pour s’expliquer)
 

cf agenda coopératif de l’OCCE ; les enfants doivent réfléchir avant de parler.

cf les débats philo : introspection individuelle d’abord ; puis, une fois que le débat collectif a eu lieu, je fais ma propre synthèse que le maitre ne  corrigera pas.

 

Témoignage d’un lycéen :
« Avant, quand les profs ne faisaient pas ça, ça me faisait comme si j'étais invité chez quelqu’un et que tout le monde avait apporté quelque chose sauf moi. »

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Zoom sur un des domaines du fichier : « Autour du conseil »
Les conseils coopératifs peuvent être source d’inégalités. C’est le cas lorsqu’on autorise à aborder lors du Conseil les problèmes entre enfants. On s’est aperçu que lorsqu’on autorise les enfants à se critiquer, très souvent 2 ou 3 enfants se font critiquer de manière récurrente.
Quel est le profil de ces enfants ? Ce sont systématiquement des enfants fragiles scolairement.

On a fait des entretiens de recherche avec eux. Certains disent « Le jeudi je n’aime pas venir à l’école parce qu’il y a le Conseil. Je me fais critiquer, je ne sais pas toujours pourquoi.
C’est peut-être parce que je suis turc. »Une façon de lutter contre cette forme de discrimination est de dire clairement aux enfants que s’il y a des problèmes entre eux, ça ne se règle pas au Conseil. Il y a d’autres espaces pour ça. Les conseils deviennent alors réellement des conseils d’organisation coopérative.
De plus, certains enfants pour se sentir exister préfèrent être critiqués plutôt qu’on ne parle pas d’eux. Là, ils sont obligés de se faire remarquer par leurs propositions.
Il faut par contre un autre espace pour les critiques, et donc introduire le message clair et les enfants médiateurs. « Si le problème persiste, adresse-toi à un adulte. » Permettre la critique personnelle pendant le Conseil, c’est risqué.
On peut changer la formulation « Je critique » en « J’ai un problème », qui permet de ne pas cibler une personne en particulier.
On peut trouver dans le fichier un balisage des phrases de rituel du Conseil.

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Le « Message Clair »
 intervention d’une congressiste, indiquant que, dans sa classe, elle a essayé de mettre en place le message clair, mais que ça n’a pas fonctionné.
 

Lorsqu’on introduit quelque chose de nouveau dans la classe, au moins pendant deux mois on ne lâche pas. En effet, on retrouve systématiquement le schéma suivant :
1ère phase : c’est super !
2ème phase : les élèves testent la solidité du dispositif, râlent, le critiquent.
3ème phase : le nouveau dispositif participe réellement à la structure de la classe.

Ce qui se joue derrière le message clair (enfants comme adultes) :
Quand on est confronté à une agression, l’être humain est « programmé » pour réagir de 3 façons possibles : fuite ou soumission ou agression.
Or aucune de ces réponses n’est satisfaisante du point de vue éducatif.
La 4ème piste est l’éducation à la non violence, qui permet une sortie gagnant – gagnant du conflit. « Et si ça ne marche pas, je suis là pour t’aider. » Si on ne l’introduit pas, c’est sûr qu’ils ne l’utiliseront pas.
C’est pas avec le message clair qu’on va résoudre tous les problèmes. Mais on dispose d’un outil quand on l’a introduit.
Attention : le message clair est une acculturation, une éducation commune. Il ne marche que si les deux interlocuteurs sont formés à ça.
Rien que le fait que l’agressé soit face à l’agresseur pour lui dire ce qu’il a ressenti et que l’agresseur soit obligé de l’écouter fait qu’il se sent reconnu dans son statut de victime, et qu’il va prendre de l’assurance. Les enfants qui l’utilisent y arrivent bien mieux que les adultes.
Le tâtonnement expérimental est de mise même pour le message clair ! Ils peuvent modifier tout ou partie de l’outil. Ce n’est pas un problème. Ce qui est important, c’est qu’ils choisissent cette 4ème voie.

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Les situations de mitoyenneté
Qu’est-ce qu’une situation de mitoyenneté ?
Je suis en train de faire mon travail, je n’y arrive pas
→ je sais que je ne suis pas tout seul. Je peux aller voir un copain sans crainte de moquerie, et avoir des infos qui me permettront de trouver la réponse par moi-même. L’autre est là plus comme un ami que comme un concurrent.
 

Petit échange entre un élève et son professeur dans une classe coopérative :
- De toute façon, les gitans c’est tous des voleurs.
- Qui ?
- Tous les gitans.
- X, c’est une gitane, donc c’est une voleuse ?
- Non, X c’est pas pareil c’est ma copine.

Il faut bien faire la différence entre solidarité et générosité. La générosité, c’est le fait de donner à quelqu’un sans attendre quelque chose en retour. C’est ce qu’il faut chercher dans une classe coopérative.

Petite réflexion au passage ...
Comment vouloir vivre la coopération dans sa classe si l’équipe d’enseignants ne la montre pas aux élèves ?...

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Le tutorat
On s’est aperçu qu’une des précautions à prendre pour que le tutorat soit efficace est de bien distinguer la notion de tuteur et celle d’expert. Sinon ce sont toujours les mêmes qui apprennent le plus, qui ont le plus confiance... Inversement les autres se sentent nuls pour tout, et ça joue aussi sur l’image que les autres ont d’eux dans la classe.
Être tuteur est un statut qui est possible pour tous. Il faut garder à l’esprit le principe de réciprocité. Si on veut des bénéfices partagés, il faut que tout le monde puisse être tuteur.
Une piste est d’introduire des marchés de connaissances. Tout le monde doit proposer quelque chose et tout le monde doit chercher quelque chose.
 

Lors de nos recherches, nous avons identifié 5 critères pour que le tutorat fonctionne :
• Les élèves doivent avoir eu une information sur ce que veut dire « aider » (ex : j’évite de me moquer) et « être aidé » (ex : avant de demander de l’aide, j’essaie tout seul) ;
• Le tutorat doit être sur la base du volontariat (pour éviter le sur-étayage) ;
• Un tuteur doit avoir réussi un « brevet » sur les attendus de la fonction de tutoré et de tuteur ;
• Le statut de tuteur peut se perdre, par exemple si c’est trop difficile pour l’enfant tuteur de ne pas dévaloriser l’enfant aidé ;
• Il faut un principe de réciprocité : personne n’est uniquement tuteur ou tutoré.

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Le « recours barrière »
Freinet avait un véritable projet politique mais il ne suffit pas de le dire pour que ça marche. Un des leviers pour que ça fonctionne est le suivant : chaque fois qu’on introduit un espace d’autonomie il faut remplacer la place laissée vacante par l’enseignant par un dispositif pour ne pas qu’ils se perdent dans des « activités subalternes » (aller chercher la colle, les ciseaux, ...).
« être présent surtout quand on n’est pas là »
C’est ce que Freinet appelle le « recours barrière ».
La coopération met les élèves en situation de travail autonome ; mais ce n’est pas parce qu’ils sont autonomes qu’ils apprennent. Il faut des structures qui soient comme des mains tendues en fonction de leurs besoins ; les outils pédagogiques sont importants au même titre que l’enseignant.
On donne la priorité au fait d’essayer. Dans l’exercice de ce tâtonnement, on a à disposition un certain nombre d’aides. Ceci, il faut le concrétiser par du matériel, pas par la parole, mais par la manipulation.
Ainsi, il faut voir le fichier comme un « recours barrière », un outil qui potentiellement pourrait être utile dans certaines situations.
Il y a peut-être beaucoup d’implicite. Cela demande beaucoup de préparation, un consensus avec tous les adultes (beaucoup plus dur au collège qu’à l’école primaire) pour utiliser ces outils.
 

Dans le secondaire, les cartes ne sont pas les mêmes. Les collègues sont confrontés au découpage du temps en 55 minutes, mais d’un autre côté les élèves ont une plus grande maturité...

 

 

Conseil de lecture :

Graine de crapule, conseils aux éducateurs qui voudraient la cultiver de Fernand Deligny 1943 


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Compte-rendu de l'atelier Coopération et Citoyenneté.pdf193.21 Ko