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Pratiques sonores et musicales, le compte rendu...

Jour 1

Nous avons fait trois improvisations libres, avec la possibilité de changer d’instrument, de jouer ou pas..., la première très douce, influencés par la contrebasse, la seconde plus forte, la troisième avec plus de changements d’instruments.
Au moment de l’écoute, les enfants se rendent compte de certaines interactions, que certains instruments ont dominé le son d’autres, que certains enfants ont joué plus… dans le domaine de la création, du rapport et de l’échange, il peut y avoir des régulations.

Sur le plan relationnel, il peut y avoir une évolution pendant l’année, de voir qu’on peut s’entendre au quotidien mais n’être plus en accord en musique, ou inversement.
Dans la classe de Léonard, l’atelier musique est ouvert en permanence, pour maximum 4 enfants, en autonomie. C’est parfois quand on a l’impression qu’ils font n’importe quoi qu’il se rend compte qu’ils créent.
Il y a un rapport au corps, à la danse, au rythme, qu’est-ce qu’on en fait avec nos contraintes de sécurité et nos contraintes sociales. C’est important de rappeler les consignes de respect avant de démarrer : rappeler que les instruments peuvent casser, qu’il faut en prendre soin. Les enfants savent qu’ils peuvent les transformer, les adapter. Ils sont tous à disposition.
C’est important de disposer d’un lieu ou d’un moment particuliers car cette pratique peut être incompatible soit dans un même lieu soit au même moment que d’autres en raison de l’occupation de l’espace sonore.
Fanny n’a pas de lieu disponible, les enfants jouent pendant que d’autres pratiquent des arts plastiques, ça peut être compliqué quand un instrument joue très fort longtemps.
Il y a de nombreuses possibilités :
un groupe qui joue et un groupe qui peint, peut-être avec possibilité que les musiciens voient ce qui se peint (avec un vidéoprojecteur ou sur une fresque)
dire un texte et jouer à partir de ce texte
En tant qu’adultes, on a remarqué que le fait de fabriquer des instruments change le rapport qu’on a avec les pratiques de production de sons. C’est aussi un moment de recherche : quand est-ce que ça sonne mieux, ou moins bien, autrement ? Les enfants se dirigent volontiers vers les instruments performants. Il y a des notions de vibrations, l’intervention des gestes et du corps qu’on ne retrouve pas de la même façon avec les instruments électroniques qui apportent des choses différentes.

Quelles traces peut-on garder, quelles archives de classe restent de la pensée réflexive autour des pratiques musique ? Quelle culture musicale développe-t-on ?

L. pense qu’avec les plus grands ces questions doivent se poser mais qu’avec les plus jeunes, ce qui importe d’abord c’est de permettre de développer expression et communication au moyen de ces pratiques sonores lors desquelles les enfants éprouvent, reçoivent et envoient des « messages » sonores, adaptent, font des ruptures, etc. Il s’agit d’un langage en soi.

E. : essayer d’approcher une définition des choses, un retour sur ce qui a été vécu y compris de l’extérieur.

L. : l’intérêt de pratiquer est que les choses se passent d’abord là, au moment où ça se fait, et c’est parce qu’on l’a fait qu’on peut réagir, mais en faisant. En parler, l’échange verbal permet de sortir de l’implicite, de construire une culture. Il propose cet atelier pour permettre aux enfants d’avoir recours à cette culture sociale, comme en Afrique dès le plus jeune âge. Il faut comprendre ce qui se passe quand on pratique ce genre de choses.

Écoute de la deuxième création en vue du choix d’un morceau qui nous a plu pour en faire éventuellement quelque chose le lendemain.
On pourrait aboutir à quelque chose qui nous plaise, malgré l’enregistrement simple qui aplatit tout. On entend bien les dominantes avec les instruments. Le moment de jeu et l’écoute constituent deux mondes différents.

Jour 2

Écoute de la troisième création.
Georges et Éliane nous rejoignent pour la matinée. Membres du groupe 06, Éliane était déléguée départementale dans les années 1980, Georges a longtemps été instit dans une petite classe unique à la Doire de Séranon, sur le plateau du Logis du Pin, avec la possibilité de développer des pratiques sonores dans de très bonnes conditions (locaux, stabilité des effectifs, aide du secteur musique…).
Il continue à travailler au sein du secteur pratiques sonores et musicales.

L. a retrouvé dans l’enregistrement le problème des différences d’intensité de certains instruments : comment intervenir là-dessus pour que les uns ne couvrent pas les autres ?

F. propose de placer le micro ailleurs.

L. : ou réorganiser le placement des instruments.

C. : la perception est différente.

E. n’avait pas perçu ces différentes phases entendues, ces différentes ambiances. L’écoute est très différente à l’enregistrement par rapport au moment où on joue. C’est encore plus puissant que l’écoute d’hier.

F. : peut-être qu’on a progressé.

L. : il y a eu une évolution due à l’expérience des tentatives d’improvisation successives.

S. est marqué par le côté narratif des trois morceaux qui pourraient servir dans des performances croisées (théâtre et musique par exemple).
E. : même au début , dès la mise en place.

S. : on peut avoir un groupe de pratiques musicales et en même temps faire travailler d’autres enfants qui ne sont pas du tout intéressés par la musique.

C. : la variété des instruments favorise ce rendu. Déjà là, malgré l’absence des instruments électroniques, c’est intéressant.

L. : l’électronique permet d’obtenir d’autres sons mais l’éventail des instruments présents peut suffire.

C. : le fait qu’il y ait toutes les familles est bluffant. L’ariel avec l’archet est très intéressant.

C.H. : le rythme du piano est intéressant. Il y a des dominantes d’un instrument à un moment donné.

C. : c’est important qu’il y ait une dominante sur laquelle prendre appui.

S. : c’est intéressant qu’il y ait des moments en improvisation à la limite de la cacophonie qui permettent d’aller vers quelque chose (ou pas). Il y a assez d’instruments, si on avait les instruments électroniques, il aurait fallu en retirer parce que certains auraient immédiatement été délaissés.

C. : faut-il limiter le nombre d’enfants ?

L. limite à quatre enfants pour l’atelier, il n’a pas énormément d’instruments.

C. : c’est plus compliqué en élémentaire parce qu’il y a une contrainte de gestion de classe et de bruit.

L. : n’utilise pas l’ATSEM. On peut se servir de l’espace ou du temps (pendant la récréation, soit à un moment qui « gêne » moins, soit organiser un stage ou semaine à thème. Ça dépend énormément du contexte, comme pour tout le reste, ça dépend des collègues, de son expérience personnelle, des locaux, des enfants.

G. : c’est le problème crucial et essentiel. Les locaux scolaires ne sont pas adaptés à la variété des activités possibles et nécessaires. Il l’a subi de plein fouet lorsqu’il est passé aux conditions normales de tout le monde.

L.: c’est ce qu’il vit actuellement dans sa nouvelle école toute neuve, alors que l’école est conçue pour accueillir plus de monde. Il faut se bagarrer, chercher des voies, s’adapter, comme la petite fleur qui essaie de pousser dans des conditions défavorables.

E.H. : à la maternelle de la Gaude, ils apportaient le matériel de musique dans les toilettes pour un groupe de deux enfants qui tâtonnent.

G. : à une époque il y a eu au sein du mouvement Freinet une commission architecture scolaire avec le couple Massicot, ils ont obtenu pour l’école de Nevers que soient respectées les demandes des enseignants Freinet. A-t-on la place de répartir les instruments pour l’équilibre sonore ? Ou alors il faut transformer la classe un jour par semaine/quinzaine/mois, toute la classe en atelier musique, ce n’est pas facile.

C. : il faut avoir un autre adulte qui prend un atelier en parallèle.

G. c’est plus facile en arts plastiques car le son n’est pas impliqué.

N. : ou avoir en parallèle des ateliers artistiques et sonores.

G. : qui peuvent interagir. Lors du dernier stage bricolason, une stagiaire s’était appliquée à créer des instruments peu sonores. C’est peut-être une solution.

S. se souvient d’un enfant qui jouait du tundrum, instrument rond et doux, pendant que les autres révisaient le brevet.

G . : lors du festival de musique démesurée, il a observé des musiciens qui, sur une table, bricolent avec du matériel électronique, mais pour entendre leur musique, le public doit se munir d’écouteurs qui pendent d’une structure. C’est de l’écoute à la demande.

S. : le corps peut être un instrument, comme une trousse, son contenu… plein d’objets peu sonores et intéressants.

G. : l’électronique peut rendre ces sons intéressants. Quand on joue d’un instrument acoustique, les matières vibrent, il y a une texture, une matière, une sensualité qu’il n’y a pas dans les instruments électroniques.

C. aime travailler sur le tempo corporel, le corps comme vibration, puis un autre enfant s’en empare pour chanter ou jouer d’un instrument. Cela peut être utilisé aussi pour les transitions d’activités.

G. : on est facilement amenés à avoir du son percussif, c’est beaucoup plus difficile d’avoir du son continu, comme avec l’archet et les instruments où on souffle, de manière à avoir un son qui dure au moins deux ou trois secondes, à essayer de diminuer les pics des attaques. C’est un savoir faire de mettre en vibration une corde sans l’attaque. Les écoutes de ces transitoires semblent de nature à améliorer les capacités auditives des enfants.

E.H. : pour l’écoute dans ce festival il y avait une charpente d’igloo, une « cabane à sons » avec des petits hauts parleurs, des « bas parleurs » qui envoyaient le son que l’on n’entendait que dans l’igloo.

G. : ça nécessite beaucoup de connectique.

C.H.: sinon il y a les casques.

S. : mais ils t’isolent forcément. Ça ne te permet pas d’interagir avec les autres.

 

S. : si on jouait en essayant d’entendre des sons très subtils, peut-être en détournant les instruments pour obtenir un morceau d’une faible intensité ?

C.H. l’imagine mal dans une classe au milieu des enfants qui font autre chose. Les enfants vont être au minimum distraits.

E.H. : sauf si c’est un temps d’atelier.

C. : ou alors aller dehors.

E.H. : dans son école avec Jean-Charles, ils décloisonnaient, il y avait plusieurs ateliers en même temps et on ne se gênait pas, ça n’empêchait pas certains enfants d’écrire des textes.

G. : quand il venait dans l’école, il y avait un groupe dans la salle polyvalente pour faire du « bruit ».

C. : réquisitionner les églises désaffectées !

S. : ou les toilettes si elles sont propres quand l’acoustique y est bonne.

L. : on peut se donner comme consigne de jouer de manière à travailler ce que nous venons d’évoquer.

S. et C. : ou accompagner d’autres créations en chantant, parlant, dansant… écrire un texte sur ce que nous inspire la musique.

L. : il peut y avoir aussi à un moment quelqu’un qui désigne un instrument et fait monter et baisser les intensités. C’est ce qui se passe cette année dans sa classe : un enfant à tour de rôle a la responsabilité de ce qui va se faire, choisit les partenaires, les instruments, ce qu’il veut jouer et présente « son travail », sinon il y avait trop de conflits et ils n’arrivaient pas à les résoudre.

G. : dans le groupe, il y avait un musicien chargé de casser le rythme ou la musique mise en place, pour repasser par la cacophonie vers autre chose.

E.H. : lors du stage bricolason, ont été créés une roue de vélo sur un support, avec des rondelles métalliques et une carte tenue par des pinces à linge, ainsi que de toutes petites boites avec des élastiques et un manche, qu’on met près de l’oreille, pour jouer seul ou à deux. Elle a rencontré des gens qui utilisaient des petits sacs en tissu contenant du papier à papillotes, d’autres petits objets discrets.

G. : ou mouiller et caresser un ballon de baudruche.

Nous choisissons de travailler sur le son en contrôlant l’amorce et le volume du son.
Puis nous écoutons l’enregistrement de cette création sonore.
En jouant, nous avons eu des impressions très différentes : de jouer chacun pour soi en raison de la consigne, de mieux arriver à s’écouter, de jouer ensemble, de plus ou moins (ou pas du tout) avoir de plaisir à jouer, d’une cohérence de la création ou d’une absence de cohérence (rythme, mélodie ?).

Débat après l’écoute :

E.H. : c’est un atelier de tâtonnement, de recherche.

S. : ce n’est pas confortable car on sort de ce qu’on entend par « musique ».

E. : justement c’est plus confortable quand on ne s’y connaît pas en musique.

C.H. : on a reproduit ce qu’ont fait les hommes préhistoriques, on reproduit les débuts de l’humanité.

E. : c’est plutôt l’humanité elle-même. On cherche du son. Ça se pratique certainement encore actuellement.

C.H. : c’est naturel d’aller vers ce qui est joli, même si c’est subjectif.

F. : c’est aussi une question d’habitude et de culture.

C. : c’est important, dans le contexte de la classe, de leur proposer des choses expérimentales, pour leur permettre de dé-codifier, avec des réponses, des questions, des mondes sonores.

S. : on n’a jamais autant discuté autour d’une ré-écoute, elle suscite débat. Imaginons la même expérience dans une classe, on crée du débat, de l’argumentation. Il trouve intéressant aussi d’avoir détourné les instruments, cherché du son, comme de grands musiciens l’ont fait avant nous.

G. : pédagogiquement, en classe, on réécoute et on se demande ce qu’on fait, ce qu’on en fait. On peut en prendre des morceaux, refaire en se servant des partie sélectionnées. Petit à petit on passe d’une expérimentation, à une création puis une composition. Techniquement, c’était très difficile de réécouter si fort. Il faut un très bon micro, un très bon enregistreur, un très bon ampli et un très bon haut-parleur, afin de prendre soin des oreilles des enfants, ce soin débouche sur le plaisir de la matière sonore. Le réglage de la position du micro est essentiel. On aurait pu prendre l’enregistreur le mettre au milieu de la pièce à 30 cm de hauteur, s’asseoir tout près avec des chaises, jouer juste au-dessus de lui, ce qui crée une intimité dans le jeu, on va avoir une interférence entre les musiciens et le micro. Dans sa classe unique, ils faisaient un premier essai d’une quinzaine de secondes, écoutaient, disposaient autrement en fonction de cette écoute. Quand on éloigne un instrument, le son n’est pas très diminué, c’est pour cela qu’il faut beaucoup de place quand on n’a qu’un micro. Si on n’a pas de place, régler le micro tout bas. Si on éloigne l’instrument de 10 fois sa distance au micro, on diminue le son de moitié.

Nous réécoutons le début moins fort.

C. : c’est très différent.

G. : mais c’est comme une photo surexposée, même si on la modifie il reste trop de blancs, trop de sensibilité. Peut-être qu’il vaudrait mieux enregistrer moins fort (plus doux). Dans sa classe ils prenaient le micro et l’accrochaient à une ficelle pendue au plafond dans une chaussette. Ils réglaient la hauteur et ça donnait un rendu complètement différent, qui faisait partie de la conception musicale d’ensemble.

Nous décidons de rejouer avec un autre paramètre.
Lequel ?
plus petit groupe
en jouant vraiment ensemble
avec quels instruments
choisir les instruments qui ont été intéressants à l’écoute et les conserver, puis en ajouter d’autres, c’est l’option que nous choisissons, il nous reste peu de temps avant le repas.

Georges et Éliane repartent sous la neige, qui s’est remise à tomber, et va continuer pendant… un jour et demi. C’était bien agréable de les avoir avec nous ce matin !

Jour 3

Avant la poursuite du travail d’improvisation, en début d’atelier, présentation par C.H. de la méthode Carl Orff pour la pratique musicale des enfants (reproduire des rythmes différents mains/pieds, jouer selon un codage simple des temps et des hauteurs dans une gamme pentatonique pour ne pas pouvoir jouer faux).

Question du codage des créations musicales ?

F. : ils peuvent aussi inventer leur propre codage, ce qui fait sens pour eux.

C.C. : si on utilise cette écriture on peut la réutiliser des années après.

E. : ou pas, si on n’arrive pas à relire son écriture !

C.H. : le génie, c’est celui qui arrive à faire beau en transgressant les règles.

F. : il y a aussi des civilisations qui ont d’autres gammes.

S. : c’est une question culturelle à creuser avec les élèves. Il a fait écouter la musique de la Grèce ancienne aux éditions Harmonia Mundi, c’est pour nous inaudible, très étrange. La musique c’est aussi une éducation, une culture.

C.H. : parfois il met en regard d’une écoute la partition d’orchestre, c’est intéressant à analyser. La connaissance n’enlève pas sa spontanéité, sa créativité, ce qu’on est.

C. : c’est intéressant de croiser les éléments culturels.

S. : c’est émouvant de voir qu’il ne reste de cette culture musicale que l’équivalent d’un disque.

E. : a découvert dans un documentaire un homme qui est le gardien d’un chant ancien qui se perpétue uniquement par la voix.

L. : il y a aussi des groupes d’impro qui refusent d’être enregistrés.

E. : l’écriture n’est pas la seule façon de garder des traces. Peut-être avons-nous perdu tout un pan de l’oralité en gardant une trace écrite, on ne s’écoute plus de la même manière.

L. : on ne communique plus par la musique de la même manière.

F. : quand on communique.

Texte libre musical

E. a écrit un texte libre suite au premier moment d’atelier long. Elle propose de nous le lire et peut-être de l’inclure dans l’improvisation musicale.

L. : proposition d’en faire une matière sonore en jouant sur l’émission vocale dans ce cas.

E. nous lit son texte, magnifique.

L. nous décrit une expérience de pratique sonore. Plusieurs personnes ont un morceau de texte ordonné, tout le monde a un instrument. À un moment donné, l’intensité musicale diminue et le déclamateur dit sa partie de texte en faisant de sa voix un instrument, en variant l’intonation, etc.

Nous nous organisons pour la mise en voix de ce texte très émouvant.

Demande de la part de l’atelier long « sortir » de sonoriser un texte sur la légende d’Annot pour leur présentation finale.