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Travail individualisé

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Octobre 1989

 

Le Nouvel Educateur
Documents n°209
Supplément au numéro 12

d'octobre 89

 

Travail individualisé

 

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Sommaire :

- Avant-propos
- En section enfantine - CP
     Travail individualisé : organisation pratique
- A l'école primaire
     Travail individualisé, outil d'autonomie
- Au collège
     Fichier d'apprentissages mathématiques personnalisés
- Travail individualisé et tâtonnement expérimental

   
 

LE TRAVAIL INDIVIDUALISE

Notre pratique de la pédagogie différenciée

 

Le travail individualisé (TI) met en oeuvre un processus analogue à la démarche scientifique du tâtonnement expérimental :

- représentations et expressions: l'enfant est appelé à représenter par la parole ou par le dessin sa vision du thème abordé ;

- analyse des représentations avec le groupe ou l'adulte, commentaires de chacun avec sa propre grille d'analyse ;

- comparaisons et analogies: par confrontation avec des situations similaires déjà analysées ;

- communication dans le groupe: chacun pouvant apporter sa contribution à la construction collective de la connaissance ;

- synthèse: la loi provisoirement adoptée se dégage et est mise en mémoire jusqu'à la prochaine remise en cause.

 

Des techniques et des outils individualisés et programmés sont mis en place pour la consolidation des apprentissages.

Ceci ne peut se faire sans l'élaboration d'un plan de travail et d'un contrat décidés au cours de la semaine dans des moments de gestion et de bilan, où s'ajustent, coopérativement entre adultes et enfants, les désirs, les motivations et les contraintes liées au programme scolaire.

 

Il faut donc :

- un aménagement précis du temps avec des plages libres au cours desquelles l'enfant travaille seul en fonction de son contrat, selon son rythme ;

- un aménagement de l'espace qui favorise l'accès autonome aux divers outils de TI ;

- un système d'évaluation formative qui permette à l'enfant et à l'adulte de situer à tout moment la progression individuelle et collective.

 

Dans cette pratique le TI a une place prépondérante dans la formation de la personne et dans l'acquisition des savoirs qui dépasse de beaucoup le soutien ou la simple gestion des lacunes et des niveaux insuffisants des enfants.

 

Nicole Berthelot - Maguy Portefaix

 

En section enfantine – CP

Travail individualisé : organisation pratique

 

Pourquoi individualiser le travail ?

Les enseignants n'ont pas (ou si peu !) à faire à une classe, mais à des individus...

Le travail individualisé (TI) permet aux enfants de se responsabiliser par rapport à leur production :

- choix par rapport au contrat ;

- pointage de la quantité, de la variété, - travail à faire seul sur une fiche, un exercice.

Il permet à chacun les retours sur un sujet mal acquis ou non encore stabilisé. Il autorise un rythme personnel et favorise un contact seul à seul avec l'adulte.

Exemple :

Ludovic (CP) n'a pas dépassé 10 en numération (début mars).Il trouve une fiche appropriée, me la montre, nous discutons seule à seul.

Mélanie n'a pas acquis les notions dizaine/unité.

Systématiquement, elle y revient, sans même que je le lui dise.

En lecture, Anne et Perrine sont très à l'aise. Elles choisissent d'abord de lire un livret, puis elles font une fiche: c'est moins fatigant! (Elles ont donné toute leur énergie pour le livret...) D'eux-mêmes, les élèves savent choisir et gèrent très bien leurs besoins de retour en arrière, de halte, d'effort...

 

Comment procéder ?

Les moments de travail individualisé et leurs contenus :

Dès septembre puis tout au long de l'année, j'ai proposé des moments de travail individualisé...

 

Au CP:

1. En septembre-octobre : 45 mn de travail individualisé après le sport. Le choix concernait :

- en pré-Iecture :

§          . boîtes Ravensburger et Nathan

§          . fichiers non-lisants 02 et 03 (catalogue PEMF).

§          . Jeux de constructions de phrases, EAO*.

- en mathématiques :

Jeux de société, jeux de dés construits en classe, jeux de cartes, EAO.

2. En novembre-décembre, j’ajoutais :

- un fichier d'exercices sur nos textes (on l'utilisait déjà avant, mais pas en travail individualisé)

- un fichier de mathématiques (le « Eiller » sous plastique).

Jusqu'à cette époque-là, on pouvait choisir de ne faire que des mathématiques, de la lecture ou même seulement des jeux.

3. En janvier :

Pas de travail individualisé, les enfants arrivant difficilement à se discipliner à cette période de l'année (fatigue des fêtes de fin d'année, vacances manquées...).

4. En février :

On ressort le travail individualisé à un autre moment de la journée (de l3 h à 13 h 30) avec une nouvelle organisation dans la semaine :

TI Math: lundi et jeudi.

TI Français: mardi et vendredi.

J'ajoute le fichier de lecture A3 (catalogue PEMF) et je supprime les jeux de pré-Iecture et de prémath.

Maintenant, il faut avoir mis deux gommettes dans les cases « travail » avant de prendre un jeu (voir tableau ci-après). En revanche, nous avons, après discussion en réunion de coopérative, aménagé un temps « jeux de société » ou « jeux libres ».

 

En Section enfantine :

Au début de l’année, j'ai essayé de faire fonctionner SE-CP en même temps, en travail individualisé. Mais, d'une part, je n'avais pas assez de choix de jeux, et, d'autre part, je me suis aperçue que le fait d'être seule en classe ne me permettait pas de faire face à toutes les demandes.

1. Le matin, après l'entretien, les SE font des travaux de pré-Iecture avec trois ou quatre choix possibles. Depuis février, ils ont découvert les fichiers de lecture PEMF pour les « non-lisants** » et ils aiment ça. Ils ne pointent pas leur travail et refont trois ou quatre fois la même fiche s'ils le désirent. J e suis persuadée que ce travail de répétition est une étape indispensable.

2. L'après-midi pendant le TI du CP, ils ont le choix entre quatre ou cinq jeux de mathématiques :

-lundi, jeudi : chat, souris, fromage, géométrix (figures géométriques), jeux structuraux,jeux de dés (conçus par eux en recherche de math) ;

- mardi, vendredi: jeux de cartes, jeux de l'oie, jeu de petits chevaux.

Je m'installe avec eux, je ne participe que rarement à un jeu mais je suis très présente et j'insiste pour qu'il y ait une règle de jeu ou une construction effective.

J’espère avoir bientôt une énorme boîte de Légo qu'ils pourront utiliser librement ou en TI.

 

L'organisation matérielle du contrôle

Au CP, j'utilise deux types de pointage :

I. Une affiche collective pour chaque mois. Cette affiche permet une visualisation rapide du travail effectué et une mise au point à la fin de chaque semaine :

« Attention! Tu n'as pas encore lu de livre... »

ou plus ferme :

« Aujourd'hui, tu dois absolument... »

2. Une fiche individuelle de pointage, transmise aux familles en fin de mois.

 

En guise de conclusion :

Plus l'année avance, plus le moment de travail individualisé est riche et constructif, non seulement pour les apprentissages mais aussi pour l'autonomie et la relation enfant-adulte.

Plus ce moment est régulier et organisé, mieux il tourne, plus les enfants le réclament. Ils acceptent mieux alors qu'on soit exigeant...

 

Christine Saindon

École d'Envronville

76640 Fauville-en-Caux

(mars 1989)

 

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* EAO : enseignement assisté par ordinateur.

** Fichiers 01 - 02 - 03- PEMF.

 

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A l'école primaire

 

Travail individualisé, outil d'autonomie

 

Le projet individuel de la semaine

Le projet individuel de chaque enfant est préparé, le lundi matin, immédiatement après le projet collectif (cf. Nouvel Éducateur n° 12 -livré avec ce dossier).

Chaque enfant remplit une première partie de la grille (voir ci-contre le « Je prévois »). Il fait une prévision, une estimation de ce qu'il se sent capable de faire :

  • . dans les divers outils autocorrectifs (livrets, fichiers, bandes enseignantes (1) ou non autocorrectifs ;
  • . dans la réalisation de projets personnels (correspondance, lecture, exposé, divers ateliers permanents).

Pour mener à bien cette prévision, il a l'aide :

  • . de ses expériences antérieures en ce domaine ;
  • . de ses camarades ;
  • . de moi-même.

 

Dans la semaine, l'enfant inscrit le travail achevé et contrôlé (voir le « J'ai fini cette semaine »).

 

Le vendredi après-midi, en trente minutes environ, l'enfant fait le bilan de sa semaine de travail (voir le « bilan de ma semaine »).

Il résume son travail, selon les codes de la coopérative, en indiquant un feu.

Vert : j'ai réussi globalement mon contrat.

Orange: je n'ai pas réussi à remplir mon contrat.

Rouge : je n'ai pas réussi à remplir mon contrat et j'ai besoin d'une aide plus proche la semaine prochaine.

C'est alors qu'une discussion a lieu, dans le groupe de niveau, pour valider ou contester le feu choisi. En dernier lieu, je suis tenu au courant des décisions prises. Je donne mon avis.

Le travail collectif de la semaine précédente (recherches, exposés, réunions de coopérative, divers ateliers et événements) est indiqué pour les parents.

Chaque quinzaine, deux feuilles (une par semaine) sont présentées à la signature des parents.

 

Chaque enfant possède, en outre, une feuille indiquant les objectifs à atteindre en fin d'année.

Il y a trente-deux « plans de travail » dans l'année. Chacun peut donc mesurer son effort comme il i'entend.

Pour s'y retrouver, chaque enfant dispose d'outils de repérage sur lesquels il va indiquer (en coloriant ou en cochant) le travail achevé.

Voir page suivante quelques outils de repérage utilisés tout au long des trois années de présence en classe des grands.

 

Voici, sommairement décrite, la « technique » du plan de travail dans ma classe. Quelques remarques s'imposent à mon esprit :

- La liberté et la contrainte se trouvent étroitement associées.

- Nous n'avons pas mis en place, d'un coup, cette structure lourde. Je pense aux CE2 en particulier qui ne peuvent adhérer que lentement à un mode de fonctionnement aussi adulte. Un plan de travail simplifié, uniquement récapitulatif au départ, leur est destiné.

- Les outils de travail permettant le travail individualisé doivent être en place.

- La coopérative est très importante pour permettre les ajustements toujours nécessaires et équilibrer les demandes parfois exagérées de l'adulte.

 

Alain Camille

École de Bonnetan

 

 

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A la suite d'une réunion d'enseignants du mouvement Freinet dont le début était consacré au travail individualisé, deux secondaires ont interviewé Alain Camille après avoir passé la journée dans sa classe (un lundi).

8 h 55: tous les enfants de l'école à deux classes de Bonnetan jouent dans la cour. Alain, l'instituteur de la classe des grands (quinze enfants), me présente sa collègue... et tout d'un coup, plus personne dehors. Première surprise: les élèves d'Alain rentrent tout seuls, au signal de la responsable de jour.

 

Élaboration de la grille de la semaine

 

L'enseignant Alain Camille: A

Les intervenantes : Marie-Claire Traverse: MC et Catherine Mazurie: C

 

Le travail individualisé passe d'abord par l'appropriation de l'emploi du temps de la semaine.

Nous voici maintenant en classe. Le « Quoi de neuf » vient de se terminer et nous nous tournons tous vers le tableau de la classe sur lequel Alain a préparé, à la craie, la grille de la semaine: elle est vide et la responsable de jour se prépare à la remplir, sur propositions de tous.

 

MC: Elle a rempli elle-même des points qui ont l'air intangibles: le plan de travail par exemple.

A: C'est devenu intangible, mais ça ne l'a pas toujours été. La période « plan de travail », on l'a mise à plusieurs endroits dans cette grille et petit à petit les enfants ont dit: « C'est à ce moment-là qu'on est le mieux pour faire le plan de travail. » On a d'abord situé la grille par rapport à la semaine précédente: que change-t-on par rapport à la semaine dernière ? Ils reprennent leurs traces si j'ose dire, leurs habitudes en quelque sorte acquises, ce qui leur permet de ne pas rediscuter à chaque fois; ces discussions ont eu lieu dans le passé, elles ne sont pas refaites chaque semaine.

 

Certaines parties se remplissent facilement : français, math, plan de travail; par contre, choisir les contenus des fins d'après-midi et de la matinée du samedi donne lieu à des discussions qui durent un moment.

 

MC: Personne ne prenait de notes, ne marquait les propositions. . .

A: C'est pour ça que j'ai été amené à intervenir, en leur demandant de choisir plutôt au niveau d'un principe que sur des choses précises. Avec cinq cases vides, ce n'était pas un petit jeu. On pouvait faire de multiples combinaisons, Mais ce qui était intéressant, c'était de discuter du principe : pourquoi ceci plutôt que cela.

En fait ce qui a fait le tri, c'est la météo: c'est par rapport aux prévisions météo de la semaine qu'on s'est dit: «Il vaudrait mieux faire EPS en début de semaine parce qu'il est prévu de la pluie à partir de jeudi. »

MC: Ce que j'ai beaucoup apprécié, c'est qu'à chaque proposition tu demandais « Pourquoi tu choisis ça ? », ce qui n'était pas évident. Mais ils sont quand même arrivés à justifier leurs propositions.

A: Oui, ou ceux qui ne les justifiaient pas ou qui en faisaient un peu un jeu de propositions, ça tombait de soi-même.

 

Les enfants et non Alain introduisent les contenus de certaines cases: le marché, la réunion de coopé, la dictée.

 

MC: Le marché, ça a l'air de plaire, mais aussi la dictée... Là ça a l'air d'être ton boulot et tu as répondu que tu ne savais pas encore.

A: Effectivement, il y a quinze jours, on a eu une discussion au sujet de cette dictée, sacrée dictée du samedi matin qui est très traditionnelle et que personnellement je ne demande pas, du moins pas de façon régulière. Ils en ont fait une espèce de rite et au bout d'un certain temps, on s'est aperçu qu'il y avait diverses formes de dictées : autodictées, dictées préparées, dictées non préparées. Alors ils m'ont demandé de les explorer toutes et m'ont dit: « Nous, on connaît pas, c'est votre travail. » C'est pourquoi je suis chargé maintenant de faire découvrir les diverses formes de dictées.

 

Puis, ils placent eux-mêmes les exposés.

 

MC: Pour les exposés, c'était une discussion entre eux: qui avait fini ? qui n'avait pas fini ? et tu n'es pratiquement pas intervenu.

C : Pourquoi y a-t-il un point d'interrogation le vendredi ?

MC :C'est un exposé de Samira, je crois ;c'est là que tu es intervenu en disant: « Tu penses que tu l'auras terminé ? » Alors on a laissé la place au cas où elle n'aurait pas terminé.

A: Et quelqu'un a dit « Si c'est pas terminé, on mettra... » Il y a un autre projet qui suit mais Samira semble avoir la priorité.

 

Dans les zones de français et math, on retrouve les niveaux: Alain travaille avec un niveau, les autres étant en ateliers, soit de français, soit de math.

 

C : Les ateliers, c'est aussi du travail individualisé ?

MC: Non justement. Certains ont préparé des exposés, d'autres ont dessiné...

A: Ils ont dessiné pour leurs exposés.

MC: Certains, je n'ai pas compris ce qu'ils faisaient ?

A: Ils faisaient une activité libre, tout simplement parce qu'ils avaient prévu quelque chose dans leur tête. Ça ne gêne pas.

C : Ça ressemble à ce qu'ils font en travail autonome chez moi, en français. Le seul impératif est qu'ils doivent avoir fait un certain nombre de travaux au bout des quinze jours. Chez toi, c'est plutôt dans le plan de travail ?

AC: Oui, c'est dans la « zone plan de travail » qu'il y a contrat: en ateliers, il n'y a pas contrat.

C'est un travail dont ils déterminent eux-mêmes le rythme. Il y a des activités déterminantes aussi: si on prépare le journal, il y a une priorité aux articles de journaux. S'ils sont pressés d'écrire à leurs correspondants, la priorité vient d'elle-même.

 

Peu de discussion sur les plages de français (« C'est un vieux consensus » dit Alain) sauf en ce qui concerne la correspondance (question posée par un enfant).

 

A: Ils ont modifié le projet de départ. On avait prévu qu'un matin je serais avec les CE2, un matin avec les CM1 et un autre matin avec les CM2. C'est devenu « Tous ensemble, on pourrait faire de la correspondance ce matin-Ià ».

 

En math, c'est Alain qui apporte le calcul mental, à la grande joie de tous (...)

 

A: Ils ont rajouté des choses qui n'étaient pas prévues: par exemple les pliages sur trois jours. Les recherches de math ne sont pas prévues encore pour demain et après-demain. Ce n'était pas marqué au tableau et c'est la responsable en recopiant qui a ajouté « pliages ». Donc demain matin on fera une petite rectification.

 

Derniers changements, la télé et la vidéo, qui sont amenés par Alain, ainsi qu'une remarque au sujet de l'ordinateur.

 

MC: Il y a eu une petite discussion parce que la télé bousculait le plan qui venait d'être établi.

A: Ce qui était intéressant, c'est « Est-ce qu'on est obligé de regarder l'émission de télé ou est-ce qu'on peut sortir en récré ? »

C : C'était une proposition que tu faisais parce que tu savais que l'émission était à telle heure ?

A: Non, c'est eux qui, la semaine dernière m'avaient fait remarquer qu'on ne regardait plus la télé. Je leur avais répondu « C'est promis, je vous tiendrai au courant de ce qui passe à la télé. » Et samedi matin, on avait marqué deux émissions dans nos projets: « Lundi 28, la forêt, mardi 29, Le miel » et on avait dit « Lundi matin, on décidera si on les regarde ou pas ». C'est pour ça que ce matin, je l'ai rappelé.

MC: Et l'ordinateur ?

A: J'ai dit à tout le monde que j'avais préparé des brevets d'ordinateur et que j'avais pensé à ce qu'on pouvait faire à l'ordinateur cette semaine. J'ai ajouté que je discuterai avec les responsables d'ordinateur et que ceux-ci les tiendraient au courant. J'ai transféré le problème.

 

En même temps qu'ensemble on prépare la grille, les responsables de la coopé et les responsables de jour sont désignés pour la semaine. Aujourd'hui, Samira, la responsable nouvellement désignée est assistée d'une camarade.

 

MC: Quel est le rôle de la seconde ?

A: Samira n'est pas encore sûre d'elle dans cet exercice difficile d'aider à mettre au point l'emploi du temps de la semaine, elle n'est qu'au CM1. Dans ces cas-Ià les enfants demandent à un (e) camarade de les aider ou de les soutenir psychologiquement.

 

La responsable du jour fait remarquer que l'heure est dépassée, heureusement la grille est terminée et le groupe se disloque, chacun se préparant pour la première activité prévue dans la grille: ateliers de français.

 

MC: Ce qui m'a frappée c'est qu'après ce travail de trois quarts d'heure à une heure, que j'ai ressenti comme long (ils ne sont que quinze), parce que cette mise en place peut donner l'impression que ce n'est pas du travail, en fait, grâce à ça, ils ont leur semaine dans la tête. Ce qui explique qu'après, dans la journée tu ne rappelles jamais rien: ils savent à peu près l'heure à laquelle ça change, ce qu'ils vont faire...

 

A: Oui, parce qu'on a passé du temps à cela. On a pris notre temps et ça, c'est important.

MC: C'est devenu leur grille finalement.

A; Je pense qu'il s'agit vraiment d'une appropriation du temps et de leurs activités. Évidemment, il y a des niveaux de maturation différents. Si on s'interrogeait pour savoir si les CE2 sont au même niveau d'appropriation que les CM2, on pourrait tout de suite répondre que non. Ils étaient quand même beaucoup plus absents, plus lointains, plus distants. Mais en faisant ce travail tous les ans, quand ces CE2 deviennent des CM1 puis ces CM1 des CM2, au CM2 ils sont parfaitement capables de continuer dans cette démarche.

MC: Ont-ils une grille de la semaine chacun ?

A: Non, une par groupe, une pour les CE2, une pour les CM1, etc. dans un classeur de groupe qui est toujours près d'eux et qui assemble ce type de documents.

 

Préparation du contrat hebdomadaire en travail individualisé

 

Alain distribue à chacun « la feuille n° 1O ». La feuille de plan de travail individuel (voir modèle p. 4). Avant de commencer leur travail d'atelier de français, les enfants la remplissent seuls et la déposent sur son bureau, accompagnée de leurs « cahiers » d'orthographe, math et opérations. Pendant l'atelier, Alain appelle celui ou celle dont il prend plan et « cahiers » sur son bureau et discute, en tête- à- tête avec l'enfant de ses choix (trop de travail - pas assez - déséquilibré).

 

A: Cette fois, c'est la notion de contrat qui domine dans un temps très cadré, celui des heures de plan de travail qu'ils se sont attribuées. Là, le temps est compté et la quantité de travail joue par rapport au temps. Compte tenu du rythme de travail de certains enfants, je me rendais compte ou qu'ils en avaient trop mis ou qu'ils auraient pu en mettre plus. Je donne seulement mon avis.

MC: A un enfant qui avait marqué « deux livrets de math, six fiches opérations et encore beaucoup d'autres choses », tu voulais faire enlever un livret des fiches: il a enlevé des fiches mais il n'a pas enlevé de livret et de math et il est reparti avec ça.

C : Parce qu'il aime bien les maths ?

A : Peut-être se sent-il à l'aise à l'heure actuelle dans les livrets de math.

Mais il faut se rendre compte que les enfants travaillent aussi par rapport à ce qu'ils appellent leurs limites, c'est-à-dire les objectifs très lointains qu'on s'est fixé pour la fin de l'année. Des CM1 et des CM2 sont maintenant capables d'ajuster leur rythme de travail par rapport à ces limites. Disons que pour la fin du CM1, on s'est fixé comme limite en livrets de math, d'aller jusqu'à C3.9 (C3.9 : dernier livret de la série C3 sur neuf livrets - catalogue PEMF). Un gamin va décider pendant un certain temps de faire tant de livrets par semaine; puis quand il sera arrivé à C3.9, il aura atteint la limite: tu le verras automatiquement se mettre à travailler dans d'autres domaines.

C'est important pour eux d'arriver à construire quelque chose au niveau d'une année. Ça paraît ambitieux et on y arrive plus ou moins bien, mais ça me semble intéressant.

C : Ont-ils la nette conscience chacun de travailler en fonction de cet objectif final ?

A; Non, ils ne l'ont pas toujours mais je le leur rappelle. Au niveau des CE2, je leur laisse faire l'expérience, presque sans intervention, sur une année. Mais au niveau des CM1-CM2, je le rappelle. Ils les connaissent d'ailleurs, ces limites. Ce matin, Isabelle est venue me dire : « Monsieur, j'ai atteint la limite en livret, est-ce que je peux la colorier ? » Quand ils ont atteint leurs limites, ils colorient une zone sur une feuille qu'ils ont dans leur classeur. Ces feuilles font partie de leurs documents de travail. Ils ont les limites des trois années: elles sont à côté les unes des autres (voir p. 6).

 

Puis, dans chaque « cahier », il choisit, pas forcément dans l'ordre, des fiches (au nombre voulu par l'enfant) qu'il tamponne (date du jour) ; sur certaines il écrit « viens » ; dans d'autres il entoure ce qui peut être un piège et l'indique à l'enfant.

 

A: Il faut se rendre compte qu'ici on vit sur trois ans. C'est exceptionnel d'avoir le temps sur trois ans. Ça permet une respiration au niveau de la classe qui n'est pas du tout la même que celle que tu peux avoir au second degré.

MC: Ce qui me frappe, c'est que ces fiches, tu les choisis: tu tournes les pages, tu ne prends pas forcément la fiche qui suit celle que l'enfant vient de faire, tu reviens en arrière, tu vas en avant... les fiches qu'il n'a pas faites et qui sont tamponnées de la fois d'avant, tu rajoutes « continue ».

A : Et le codage, là, c'est +. Par exemple, ici, « livrets de math + 1 » veut dire qu'il n'en prend pas cette semaine et qu'il en a une à finir, de la semaine dernière. En fiches de lecture, il en a pris une cette semaine et une de la semaine dernière. C'est notre codage.

MC: Quand tu choisis les fiches, quels sont tes critères ? J'ai eu l'impression que tu choisissais celles qui leur permettront d'être valorisés, sur lesquelles ils n'échoueront pas.

A. : C'est ma connaissance des fichiers qui me permet de dire à un enfant « Je te conseille cette fiche plutôt que celle-là ». Je leur donne quelque chose que je les sens capables de dominer. Je n'aime pas beaucoup que les enfants échouent sur des fiches qui les dépassent.

Nos fichiers n'ont pas une croissance de difficulté linéaire: on peut avoir trois fiches simples, une fiche compliquée, et puis tout dépend également des enfants. En math par exemple, au CE2, des enfants ont développé leur logique alors que d'autres sont en train de balbutier: donc, la même fiche ne convient pas à tel enfant comme à tel autre. C'est à moi à sauter ces fiches-Ià et, à donner à l'enfant qui est faible, pendant un temps, des fiches simples qui lui évitent d’échouer.

C'est lié également au corrigé. Un enfant qui a une fiche qui lui convient au niveau de ses possibilités va être valorisé, va parvenir à la résoudre plus facilement, mais dans ce domaine-là,je fais moi-même l'autocorrection d'une façon très particulière. .. Laisser l'enfant prendre le corrigé si la fiche était une situation mathématique à la logique difficile, ne va rien lui apporter, parce que le corrigé lui-même ne sera pas compréhensible par l'enfant. Donc il me semble qu'il est très important de choisir les situations de travail, de recherche que l'on propose.

MC: J'ai eu l'impression que les gosses étaient très au courant de l'échelle de niveau des fichiers à voir la réaction de Christophe: il était fier comme tout.

A: Bien sûr Christophe voulait faire le livret de math AO.20, un livret bleu parmi les plus faciles qui correspond au CE1 début CE2 et dans son groupe, tous les autres sont déjà passé sa la série suivante des B1 et certains sont arrivés à B1.8 et 9 ; donc Christophe avait l'impression de changer de niveau.

 

La séance de plan de travail

 

Il est 13 h 30, la classe reprend et nous sommes dans la plage « plan de travail » de la grille. C'est une période de travail intense; calme par rapport aux autres moments, mais intense.

 

MC: Il y a tout un va-et-vient vers toi.

Dès qu'ils ont fini un type de fiches, ils viennent te porter le « cahier » et ils repartent commencer un autre type de fiches en attendant que tu les appelles. Quand tu prends leur « cahier » tu vérifies leur travail. S'il n'y a pas de problèmes, tu sors la fiche corrigée qui est à côté de toi, tu la mets dans le « cahier », tu les appelles et tu leur rends le tout. Par contre, s'ils se sont trompés quelque part, tu t'expliques avec eux et ils repartent, corrigent, te rapportent la correction, etc.

A: Comme j'ai placé les enfants en situation de recherche, j'estime qu'une recherche nécessite des va-et-vient. Il arrive qu'on puisse résoudre la situation du premier coup mais le plus souvent on la résout par approches successives, par tâtonnements. Il peut y avoir une infinité de navettes.

 

Les enfants recherchent seuls, mais chacun peut interrompre Alain à tout moment pour demander une explication: Alain alors ne donne jamais de réponse mais demande à son tour des explications, lance une piste ou les incite à chercher ailleurs.

 

MC: Quand l'enfant t'a apporté la fiche sur les sigles, il t'a dit « Qu'est-ce que c'est qu'un sigle ? » ; tu le lui as expliqué mais l'enfant ne comprenait pas très bien ce qu'il fallait faire avec ça, tu lui as dit: « J'ai répondu à ta question, tu te débrouilles ... »

A : Il n'avait pas compris qu'il fallait associer le sigle à la définition du sigle.

MC: Mais tu ne lui as même pas dit que c'était une relation d'association.

A: Non, parce que j’étais persuadé qu'il pouvait le trouver.

MC: À ta place, j'aurais peut-être dit que c'était une relation d'association.

A: Avec certains enfants, je l'aurais peut-être dit mais je connais suffisamment Nicolas pour savoir qu'il a vécu ça plusieurs fois et donc qu'il est venu me voir là un peu vite.

MC: Quand il y a des travaux de groupes dans mon collège, je passe de groupe en groupe et je regarde si les enfants ne font pas d'erreurs, peut-être pour qu'ils n'en fassent pas. Or toi, tu ne passes pas: quand ils font une erreur, ils la font, ils t'apportent le cahier et c'est après que vous avez une discussion sur l'erreur. Il repart et essaie à nouveau de trouver...

A: Je n'évite pas l'erreur et ça me semble très important cette sorte de dédramatisation de l'erreur. Parce que faire l’erreur, ce n'est pas grave. Une fois qu'elle est faite, elle est faite et on travaille à partir d'elle, point final.

Il arrive qu'entre eux, ils s'aident et que celui qu'on appelle le parrain ou la marraine - il y a une histoire de parrainage - soit allé un peu trop loin dans l'explication et ait donné pratiquement la réponse. Quand le gamin vient me voir, je lui demande de m'expliquer ce qu'il a trouvé et comment il l'a trouvé: « Dis-Ie moi, toi ».

Quand un gamin a fait cette démarche d'aller-retour, il sait me dire, avec son langage peut-être, mais il sait me dire jusqu'où il est allé. Il sait expliciter sa démarche. Et quand le parrain ou la marraine est allé trop loin et a donné trop d'explications, il ne peut pas me donner l'explication et il se trouve dans une situation dramatique: il va connaître la réponse sans savoir la démarche, souvent il dit « Mais je le sais, Monsieur, c'est comme ça, c'est le résultat », « Oui, mais toi comment tu es arrivé là ? » Il ne peut pas, parce qu'il a sauté des marches et il est coincé.

Ce qui me gêne souvent dans le fichier autocorrectif, c'est que quand ils prennent la fiche corrigée sans que je sois passé dans le circuit, ils ont la réponse, ils savent comment ça se termine…Ils savent la fin d'une histoire mais ils ne savent pas la raconter.

C : Tu corriges, en fait, tu regardes si c'est juste et s'ils ont compris la démarche.

A: Et puis je leur donne un conseil « Tu pourrais faire un dessin » ou « Tu prends une balance pour t'aider », etc. J'essaie de les sortir de là, non pas en indiquant par où il faut passer mais en suggérant un outil qui va leur permettre d'aller un peu plus vite.

C : Alors tu ne leur donnes la fiche corrigée que quand ils ont tout fini et tout corrigé tout seuls ?

A: l'en ai très peu donné. En fait, quand on a fait cette série de navettes, le corrigé, les trois-quarts du temps, ne se justifie plus .

MC: Il y a les enfants qui t'utilisent un peu trop vite, mais il y a les enfants qui ne t'utilisent pas assez...

A: Durant cette heure et demie, des enfants ne m'ont pas utilisé en tant qu'outil, ils ne sont pas venus me voir et je suis plutôt inquiet pour eux.

MC: Il n 'y a pas que toi comme aide, ils sont allés chercher des fiches d'aide.

A: Il y a des fiches d'aide dans tous les fichiers et ils s'en servent: souvent c'est un échelon avant de venir me trouver. Certains préfèrent m'utiliser quelquefois directement comme fiche d'aide directe, d'autres préfèrent prendre la fiche d'aide avant. C'est au choix, chacun fait comme il veut.

Mais il me paraît important que les enfants - je reste à mon bureau - fassent cette démarche de venir m'utiliser en tant qu'adulte. C'est évidemment plus difficile pour eux que d'avoir l'adulte qui vient s'asseoir à côté d'eux; j'en suis conscient. Mais pour eux, cette démarche d'aller vers un adulte donc de se l'approprier en le tirant par la manche, en disant « Hé, aide-moi là », ça me semble être quelque chose d'important au niveau de l'autonomie.

Ils écrivent leur travail sur des feuillets qu'ils viennent prendre dans une boîte, sur le bureau d'Alain et qu'ils collent sur leur cahier.

Deux ou trois travaillent à l'ordinateur et utilisent l'imprimante en guise de feuillets.

MC: Les enfants ont l'habitude d'aller à l'ordinateur ?

A: Ça fait partie de ce qui naît dans la classe petit à petit. Ils se sont aperçus, l'an passé ou il y a deux ans, qu'on pouvait écrire les fiches à l'ordinateur au lieu de les écrire sur une feuille et qu'il y avait des avantages à cela (il y a l'imprimante). Quand il y a des choses à corriger dedans, on fait une correction à l'écran et l'imprimante ressort, chaque fois, un travail propre.

Alors que lorsqu'on écrit directement sur du papier et que le jeu de la petite navette s'est passé plusieurs fois, enfin de parcours, on a un travail tellement sale qu'il faut encore le recopier. Il y a des enfants, gênés au niveau de l'écriture, qui écrivent lentement, difficilement et c'est bien plus léger pour eux de faire leur correction à l'écran ; par exemple, ils ont six erreurs, ils vont les corriger ponctuellement et c'est tout; ils n'ont pas tout à recopier, l'imprimante va se charger de ce travail. Donc on travaille vraiment au niveau de la difficulté et on a moins l'obstacle de l'écriture.

Tu as vu qu'au niveau de l'ordinateur, je ne m'en occupe pas: les branchements, manipulations de disquettes, tout ça ce sont les responsables qui le font.

 

La part du maître

 

Des élaborations en commun

MC: Je me suis rendu compte que ces petits papiers, qu’ils prennent pour les coller dans leur cahier et que tu as préparés, ne se trouvent pas dans le commerce. Il y a toute une préparation qui serait peut-être à mesurer.

A: Ce qu'il faut dire, c'est que cette façon de vivre, on l'a élaborée petit à petit. Par exemple, poser les cahiers ici à l'envers les uns sur les autres; c'est tout simplement parce que, à un moment donné, on s'est aperçu que, quand on les posait sur le dessus de la pile, c'était toujours celui qui posait le cahier le dernier qui était corrigé le premier.

Ils avaient découvert une injustice là-dedans, donc, c'est une tactique mais on a mis un certain temps avant de découvrir cette chose toute bête.

L’histoire des petits papiers. Au début on copiait directement à côté de notre fiche, on s'est aperçu qu'il fallait recopier quand c'était trop raturé, il fallait prendre un papier et le coller par-dessus, ça faisait des choses épouvantables. On s'est demandé, à un moment, s'il n'était pas plus simple de travailler directement sur des petites feuilles volantes, autant qu'il en fallait, et quand on était satisfait, on collait ce résultat définitif. Ce sont des élaborations qu'on a mis un certains temps à faire.

Il n'y a plus de files d'attente à mon bureau mais pendant deux ans, j'en avais de longues: les gamins venaient jusqu'au jour où on s'est rendu compte, tous ensemble, que c'était stupide.

J'ai dit« Tu le poses là et tu vas faire autre chose ». On a commencé par en faire poser deux ou trois, puis on s'est aperçu qu'il valait mieux les poser tous et que je les reprenne dans l'ordre où ils avaient été posés. Pour moi c'était exactement pareil et à eux ça leur donnait du temps pour faire autre chose.

 

Le travail d'Alain

MC: Ce sont des élaborations communes mais par rapport à ce travail là, ton travail à toi, c'est de connaître à fond les fichiers par exemple ?

A: C'est sûr: connaître à fond oui, c'est vrai.

C : Il reste un gros paquet de feuilles là: qu'est-ce que tu en fais ?

A: Je vais les corriger ce soir.

C : Ce soir, tu les corriges pour qu'ils puissent les retrouver demain ?

A: Ah! oui! C’est une règle, c'est mon plan de travail: le lendemain matin, le travail est toujours corrigé... Pour que ça redémarre sur les chapeaux de roues. C'est pas tout de leur fixer un temps pour leur travail, si moi je les retarde. Il faut qu'ils aient le choix, le lendemain, en redémarrant la période plan de travail, de démarrer par ce qu'ils ont envie de démarrer. Donc, il faut que tout soit corrigé.

 

Place de la séance dans la semaine

MC: Tu introduis dès le début de l'année la séance de plan de travail ?

A: Oui, ça démarre la deuxième semaine de l'année.

MC: Et ça va durer jusqu'à la fin de l'année. Ce qui me frappe, c'est que ça prend un grand espace de temps dans la grille de la semaine.

A: Tout à fait, c'est cinq heures. Et même six heures cette semaine. Je leur ai dit: « Voulez-vous encore mettre une demi-heure de plan de travail, ici ? » C'est pour eux une période, comme tu as noté, de calme, d'autonomie, où ils installent leurs affaires, comme ils veulent, et pourtant c'est un travail que l'on peut décrire comme étant scolaire. Ce n'est pas un travail particulièrement enthousiasmant, créateur. C'est un travail de recherche... mais ils s'y intéressent peut-être parce que la façon dont nous le concevons, c'est constamment sous forme de recherches.

 

Les fichiers

MC: Quels sont les fichiers que tu utilises ?

A: Le contrat de travail porte sur des livrets de mathématiques ou des bandes enseignantes, des fiches de problèmes, des fiches d'opérations, des cahiers de techniques opératoires, des fiches d'orthographe, de l'expression écrite et une fiche de lecture. Tel est le contrat actuellement.

MC: Une fiche de lecture, qu'est-ce que c'est ?

A: C'est le fichier de lecture du groupe de la Dordogne pour les CM et il yen a un autre plus simple pour les CE.

MC: As-tu d'autres fichiers ?

A: A part le fichier de mots croisés, je n'ai pas d'autres fichiers autocorrectifs.

C : D'autres, ça veut dire... autres que ceux de I'ICEM-PEMF ou autres que ceux que tu utilises ?

A: Oui, il y a des fichiers de lecture, par exemple ATEL ; on n'a pas ce type d'outils mais on pourrait l'avoir...

C : Tu en as assez...

A: Oui, on a diverses formes de lecture. Je n'ai rien contre ATEL qui présente certains avantages, mais il se trouve qu'on ne l'a pas, qu'on n'a pas trouvé le temps de se le procurer.

 

Utilisation des fichiers

MC: Les fichiers sont-ils un moyen de faire passer l'apprentissage de concepts qu'on dispense dans l'enseignement traditionnel sous forme de cours ?

A: Pour moi, oui, dans la mesure où l'on a beaucoup de périodes qui ne sont pas forcément des périodes où je suis le seul à parler mais où les enfants sont en position de recherche. On a évidemment des heures de synthèse, où l'on remet des choses au point, où on regroupe, où on rassemble différentes notions, mais ces diverses notions sont également éparpillées dans les fichiers.

MC: Les fichiers, ça reste vraiment un travail individuel: tu ne t'arrêtes jamais pour expliquer collectivement ni pour demander de présenter, par exemple une recherche aboutie. Si un enfant vient de terminer une recherche individuelle qui présente un intérêt pour tous, est-ce que tu arrêtes tout pour qu'elle soit présentée ?

A: Pendant la période de plan de travail, ça reste strictement individuel mais il y a des types de problèmes qui tournent: par exemple, dans les fichiers se trouvent des zones de travail: les surfaces. On les retrouve sur un certain nombre de fiches; quand on va arriver dans cette zone, des problèmes de surface vont souvent se poser, alors il nous arrive de reprendre en recherche collective l'étude des surfaces. On y travaille tous collectivement et on laisse des traces de ce travail collectif sur ce qu'on appelle notre cahier de recherches. Ces traces-Ià, on y fera référence par la suite toutes les fois où ce sera nécessaire.

Ma façon d'utiliser le fichier, c'est de placer les enfants dans des situations de recherche, que l'on n'a pas forcément vues avant, avec obligation de se sortir de là. Donc, je donne mes fiches en fonction de la maturité mais pas en fonction du fait qu'on ait vu la notion ou qu'on ne l'ait pas vue. Au CM2, il y a évidemment certaines fiches où on a déjà rencontré le type de situation décrite: ce sont des occasions de réinvestir les choses connues depuis l'année d'avant ou encore deux ans plus tôt. Mais, même au CM2, on peut se trouver devant des situations complètement nouvelles.

MC: Par exemple, une enfant avait à calculer des surfaces de rectangle: est-ce que tout le monde en est au même point, est-ce qu'ils savent tous calculer cette surface ? Ou est-ce qu'elle est la seule à le savoir ?

A: Il s'agissait sans doute de Samira ? Quand Samira est venue me trouver, je lui ai rappelé que l'an passé, nous nous étions trouvés en situation de recherche collective dans des situations de calcul de surface. J’ai demandé à Samira cet effort de retrouver dans son cahier de recherches de l'an passé, qu'elle possède et que l'on garde précieusement, cette situation. Donc, je leur demande de rechercher... sinon, ils seraient là en simples consommateurs: il n'y a qu'à venir... Je dis « non, on l'a déjà vu, ça devrait te dire quelque chose, trouve-le dans ton cahier de recherches de l'an passé. » Je cherche à les contraindre de s'approprier le savoir: ça demande un effort, ça ne se fait pas tout seul.

 

Travail individuel et travail collectif

MC: « Est-ce que dans un groupe donné, par exemple les CM1, les enfants sont en phase, c'est-à-dire à peu près en train de faire tous les mêmes fiches ou est-ce vraiment très diversifié ?

A: Si tu prends les CE2 ou les CM2, ils sont à peu près en phase mais il peut y avoir des différences de maturité: un enfant qui n'est pas mûr peut effectivement prendre un retard très réeI par rapport à d'autres camarades qui sont beaucoup plus mûrs que lui.

MC: Et alors ?

A: Il prend ce retard sans tellement s'en apercevoir : il le constate puisqu'il ne fait pas les mêmes numéros que les autres mais ça ne le gêne pas parce qu'il est toujours en position de travail positif et effectif; il travaille toujours à son niveau, que les autres galopent devant lui ça ne le gêne pas trop. C'est plutôt quand on veut faire un regroupement collectif pour ajuster les niveaux de tout ce monde-là que l'on peut avoir des difficultés. Le problème est réel mais il est vrai dans n'importe quelle structure: quel que soit le type de classe et quel que soit le moment. Ce n'est pas parce que je fais une leçon sur les surfaces dans une classe traditionnelle que les enfants vont être tous capables d'accéder facilement à ce type de notion: il y en a qui ne vont pas suivre du tout, d'autres qui seront très à l'aise. Ce qui me semble important, c'est que chaque enfant dans sa progression personnelle n'ait jamais de travaux insurmontables à faire.

Les séances de synthèse se font pendant les moments de français et de math.

MC: Par rapport aux apprentissages plus scolaires, par rapport aux programmes, les fichiers en fait permettent une imprégnation graduée en situation de réussite, alors que les moments de math et de français sont des moments où on va être mis en face, tous ensemble, d'une autre situation qui entraînera peut-être des travaux individuels.

A: Cela ne les entraîne pas forcément, ça ne me gêne pas qu'il n'y ait pas de relation entre le contrat de travail et les zones de recherche collective. Ce qui me gênerait, c'est que le contrat de travail soit une simple application des périodes de recherche collective et que les enfants perdent leur qualité de recherche pendant le contrat de travail...

Souvent, le contrat de travail est un peu synonyme d'applications limitées de concepts: on fait les surfaces. Il est important que dans les deux cas, recherche collective et travail individuel, les enfants soient en position de recherche.

 

Objectifs de cette démarche

C : Je voudrais poser le problème de l'évaluation. En fait, tu vérifies simplement qu'ils aient fait toutes les fiches - c'est caricatural à dessein ce que je dis - pour parcourir tout le cursus jusqu'à la borne dont tu parlais tout à l'heure, et dans la mesure où tu les as aidés à passer par toutes les étapes et à corriger, normalement quand ils ont fini, ils ont compris.

A: Ils ont compris.... ! Je ne sais pas s'ils ont compris... ! Qu'est-ce que ça veut dire comprendre quelque chose ? Avoir compris quelque chose, à mon avis, c'est être capable de le réutiliser, dans des contextes complètement différents. Le fait de multiplier les recherches, de contraindre les enfants à s'en tirer par eux-mêmes, ça a un but: c'est de leur permettre de dominer ce que les professeurs vont leur demander à partir de la 6e, c'est-à-dire, en fait, un travail très autonome.

 

Au collège

Fichier d’apprentissages mathématiques personnalisés

 

Si un apprentissage comporte à la fois :

- des invariants structurels: les « opérations mentales » requises pour l'effectuer, caractéristiques de l'espèce humaine (cf. Piaget) ;

- et des procédures individuelles qui correspondent à des stratégies personnelles, celles-ci nécessitant des choix implicites ou explicites de la situation, de la démarche, du degré de guidance, de la gestion du temps, de l'outil...

alors la mise en oeuvre d'une approche différentialiste dans la construction des concepts est rendue possible par la pratique de certaines techniques pédagogiques relevant de méthodes heuristiques : objet central des recherches de notre Mouvement.

Notre action didactique, dans le domaine particulier des mathématiques au niveau collège mais transférable dans les autres champs disciplinaires (nous le vivons en équipe) consiste à institutionnaliser, dans la classe hétérogène habituelle, une alternance entre :

- des activités collectives, nécessaires à la construction sociale de savoirs et

- des activités autonomes favorisant des itinéraires personnalisés d'apprentissage.

 

Quel outil ?

Pour cela, il faut disposer :

- d'un « outil adéquat », alliant dans son fonctionnement à la fois une grande souplesse, pour répondre à la diversité des besoins, et la rigueur garante d'une efficience pour la réussite de tous ;

- d'un outil à la fois incitateur, provocateur par des « mises en situations » de l'apprenant et recours, guide aidant dans le cheminement vers la « loi trouvée ».

La conception de cet outil, que nous construisons au jour le jour, que nous expérimentons quotidiennement dans notre classe avec quelques camarades (Dominique R., Daniel L.-E. entre autres) repose sur un « modèle théorisé » qui avait été présenté au congrès de Clermont-Ferrand des enseignants du mouvement Freinet (août 1987). Un compte rendu est paru dans L'Éducateur n° 4/5 de décembre-janvier 1987-1988 (pages 24 à 29) dont les idées-forces ne peuvent être reprises ici.

Je me bornerai à mieux vous faire connaître le fichier d'apprentissages personnalisés que j'élabore, à savoir :

  • sa structure générale répondant aux critères ci-dessus ;
  • divers types de fiches avec leur descriptif, leurs objectifs, éventuellement le fonctionnement. A voir en annexe.

 

Une structure souple

Pour ménager ces deux « voies interactives » de l'apprentissage que sont :

- la création, la recherche libre par un tâtonnement expérimental régulé, c'est-à-dire « les approximations successives » des concepts « Les sentiers de la découverte »,

- les recours à l'information active, à une aide plus formalisante : « Le chemin didactique », ce fichier offre quatre entrées principales sous la forme de quatre sous-fichiers 1 - 2 - 3 - 4 (voir schéma 1 et organigramme 2 ci-après).

 

1. Le fichier de « Libres recherches » (LR)

C'est la mise en situation. Si celle-ci n'est pas spontanée, c'est-à-dire réelle, vécue dans l'environnement ou suscitée par des activités interdisciplinaires, l'adolescent peut choisir dans des « situations-problèmes » incitatrices, recréées : banques de données, documents sur divers supports, déclenchant l'expression libre créatrice de modèles mathématiques. (Fiches 2.7 Le jeu de cartes ou 18.1.1 La rose des vents. Extraites des « Livrets de libres recherches et créations mathématiques » Catalogue PEMF.)

 

2. Le fichier de « Savoir-faire »

Son objectif est l'acquisition rapide d'une « technique » pour répondre à un besoin, en cours de recherche libre ou d'une autre activité autonome, mais il peut aussi servir dans toute classe de manière totalement indépendante: avant, pendant ou après l'étude d'une notion du programme.

 

 

Les fiches autocorrectives sont conçues dans les trois domaines cités dans l'organigramme sur la structure suivante :

1. Information

simple

illustrée

 
 

 

 

 

 

2. Exécution guidée

instruction pour faire,

ou construction à poursuivre

 
 

 

 

 

 

3. Essais personnels

 

Fiche G.8 Savoir construire un triangle rectangle au compas (son corrigé)

Fiche CM2 Calcul de puissance - touche xY ou yX (calculatrice).

Fiche OD 13 Diagrammes: la barre (avec son corrigé).

 

3. Le fichier « Techniques de calcul » (TC)

Il se substitue au cours du professeur. Son objectif est l'apprentissage de techniques plus longues, nécessitant une programmation par séquences progressives pour amener à la découverte d'une règle de calcul et à sa manipulation de manière répétitive personnalisée. Cela signifie qu'on y trouve des exercices courts, progressifs ou de niveaux diversifiés permettant à chacun le choix du nombre et du niveau, donc à la fois responsabilisation et autoévaluation de ses apprentissages.

Fiche TC4 Division des nombres relatifs: règle des signes - expression des résultats.

 

4. Le fichier de « Recherches guidées » (RG)

Ce fichier plus complexe permet l'apprentissage plus formel d'une notion au programme de manière totalement autonome: c'est l'apport d'une information conceptuelle sous forme active. Les élèves peuvent travailler individuellement ou en équipe réduite (souvent deux), à leur rythme ; certains n'ont aucun recours au professeur, d'autres peuvent faire appel ponctuellement: aide personnalisée.

L'objectif de ce fichier autocorrectif est d'autonomiser des apprentissages plus longs, qui ont besoin d'être guidés et peuvent être faits à des périodes différentes selon les adolescents, mais des périodes où ils sont en « état sensible » vis-à-vis de la notion concernée donc plus favorable à l'apprentissage: soit après une recherche personnelle libre, soit après une communication ou un débat en cours.

L'ensemble de trois fiches :

- fiche-découverte-guide, programmée par séquences courtes ;

- fiche-mémento personnelle (résumé, formules, etc.) ;

- fiche-entraînement (exercices d'application, progressifs ou de niveau) ;

constitue un « module », par exemple, « La propriété de Pythagore » en classe de 4e, ou le module « Calcul sur fractions » en Se, dont les fiches :

RG 11 Fractionner ;

E11 Fractionner ;

en sont une illustration.

Ce fichier doit permettre un meilleur apprentissage actif, « à la carte », en substituant la « loi trouvée » à la « loi donnée » sur certaines notions choisies dans le programme officiel. Ceci dans le but que soient respectés les rythmes, ce qui est une évidence, mais surtout que soient favorisés une démarche inductive et des modes plus naturels de construction des concepts pour chaque personnalité.

 

Edmond Lèmery

64, boulevard Berthelot

63000 Clermont-Ferrand

 

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Travail individualisé et tâtonnement expérimental

 

Il ne peut y avoir deux formes d'apprentissage, l'une pour l'école, l'autre pour la vie. L'une est centrée principalement sur la société. Bien que corrigée périodiquement et « ministériellement », elle conduit aux résultats décevants que nous connaissons. L'autre s'appuie sur la nature même de l'homme. Elle reconnaît ses potentialités et la faculté qu'il possède de les développer en interaction dans un milieu approprié.

 

Décrire cette interaction entre l'homme et son milieu physique et vivant, ne pas omettre l'interaction proprement humaine avec lui-même, en rechercher les lois, en valider la justesse par l'évaluation immédiate et lointaine des résultats « sur le terrain », c'est décrire ce que Freinet appela le tâtonnement expérimental. Appliquer le tout à l'éducation, rechercher et expérimenter les techniques qui favorisent l'émergence des potentialités, c'est pratiquer la pédagogie Freinet.

 

On admet maintenant que l'individualisation du travail scolaire est l'une de ses formes la plus efficace.

Promue au rang de technique « officielle » d'une pédagogie où par ailleurs « sur le terrain » rien de fondamental n'évolue, cette individualisation ne sera qu'une innovation d'emballage (fichiers au lieu de manuels) si elle ne s'accompagne pas de changements radicaux. Notre pratique à demi centenaire de cette technique nous permet d'en prévoir les résultats si elle prend la forme d'exercices exigés, même «programmés» dans des classes où le travail de soldat au rythme cadencé continue d'être la base du travail scolaire, même individualisé.

L'efficacité de cette technique exige une condition : qu'elle respecte, comme toutes les autres, l'exercice du tâtonnement expérimental.

 

Paradoxalement ce processus d'apprentissage est beaucoup mieux connu hors de l'enseignement qu'à l'intérieur, où cependant son application à la pédagogie changerait radicalement les conceptions traditionnelles. Il est trop souvent confondu avec la méthode des essais et des erreurs. Il est donc nécessaire d'essayer de clarifier sans pour autant pouvoir, ici, épuiser ce sujet fondamental.

Parce que les actions qu'il requiert sont visibles et spectaculaires, on leur donne souvent la prédominance. Sans pour autant nier leur nécessité, l'essentiel, moins connu parce que non élucidé complètement, consiste dans les traces qu'elles laissent dans un système, le système nerveux central possédant la capacité de les intégrer pour servir aux acquisitions futures. En gros, il suffit de savoir ici que seules les expériences concrètes constituent des mailles en relation dans un réseau structuré. Le tout forme un système régissant d'autres systèmes.

Sollicité par le besoin de savoir et de comprendre, l'individu répond par la structuration des mailles en une espèce de schéma projecteur d'actions mentales se matérialisant en actes susceptibles d'apporter la solution.

Il semble que ces structures se pérennisent et constituent le réseau de relations qui seront utilisées ultérieurement.

Connaître, pour un individu donné, les mailles de ce réseau, les « chemins possibles », permettrait à l'éducateur de construire un « travail individualisé » d'une efficience quasi absolue. C'est là impossibilité flagrante.

Pour s'en approcher, nous ne pouvons offrir qu'un travail individualisé dont la forme et le contenu reposent sur des probabilités.

 

Sans prétendre à l'exhaustivité, les quelques considérations qui suivent tentent d'augmenter les chances d'adéquation...

Les schémas projecteurs ont la même caractéristique que les programmes. S'ils se soumettent à la logique interne du système qui les génèrent, ils n'obéissent pas pour autant à la« sainte logique » des philosophes. Même s'ils suivent une voie non encore répertoriée et explorée, le seul critère de leur valeur 'est leur efficacité.

Seule compte, au présent, la démarche susceptible d'atteindre le but. Atteint, ce but devient vérité opérationnelle mais personnelle. C'est la représentation mentale.

Ce caractère obscurcit les communications principalement dans les analogies, les comparaisons si utiles à la compréhension. En communication orale l'obstacle peut se réduire à condition d'être plus à l'écoute attentive qu'au discours magistral.

En communication écrite, il faut s'attendre, sans se formaliser pour autant, à de nombreuses demandes de l'enfant (alors que le travail individualisé prétend les réduire jusqu'à les supprimer).

 

Les schémas de comportement antérieurs déterminent des prédominances d'accès et d'attitudes. La probabilité d'adéquation grandira en fonction des multiples entrées dans un sujet donné.

- Acceptation d'un court dialogue avant l'exécution du travail, même s'il n'a qu'un lointain rapport avec celui-ci (accès affectif dominant).

- Entrée par le son, l'image fixe ou animée, le schéma, la manipulation d'objets, le tout dans un climat particulier qui respecte les biorythmes.

Il est évident que le milieu façonne les schémas de comportement antérieurs au travail proposé. Ceci implique qu'il existe des parentés étroites aux « chemins possibles » qu'empruntent les individus d'un même milieu.

Ce lien de parenté facilite les orientations qui augmentent nos chances de réussite.

 

Un autre caractère commun aux schémas projecteurs est principalement leur émergence au cours de rapports humains. Ces rapports semblent leur donner une probabilité plus grande de réussite. L'écoute réciproque, la confiance qui se dégage, la solidarité qui se manifeste sécurisent deux partenaires qui, ensemble, parcourent des chemins parallèles.

Ainsi, paradoxalement, le travail individualisé (équipe de deux ou trois individus) peut devenir plus efficace en réalisation collective, encore faut-il le prévoir en ce sens.

 

Une autre caractéristique évidente des « chemins possibles » c'est qu'ils mènent, du moins et le plus souvent pour les plus communs des mortels, à des connaissances déjà connues. Les étapes qui jalonnent dans le passé le chemin historique de telles découvertes, de tels concepts ou de telles lois ont des chances d'éclairer nos enfants qui s'y engagent.

L'une des formes du tâtonnement expérimental la plus humaine sans doute, se retrouve sous des appellations diverses, parce qu'appliquée à des domaines apparemment différents.

Cette forme peut se passer d'action concrète pour aboutir.

Dans le domaine scientifique, Monod, dans Hasard et nécessité l'appelle « expérience imaginaire » qu'il décrit autant en poète qu'en scientifique. Picasso la résume plus lapidairement « Je ne cherche pas, je trouve ! » En mathématiques, on parle d'intuition; en peinture, en poésie, d'inspiration. Chez les enfants, l'éducateur constate la spontanéité qu'Élise Freinet décrit dans L'Enfant artiste comme un élan profond de la personnalité marquant ainsi son dynamisme allié à son origine et à son originalité. Ailleurs on décrit un mouvement profond de la pensée productive.

Pour essayer de faire une synthèse, nous pourrions appeler cette forme ultime l'impulsion créatrice ajoutant aux caractères de dynamisme, de profondeur et de singularité sa tendance à se matérialiser dans un milieu aidant.

Nous montrerons par ailleurs la filiation directe de l'impulsion créatrice au tâtonnement expérimental.

Le problème ici est de l'admettre et d'en tirer les conséquences.

Ou bien nous oublions son existence, nous la nions même (les enfants ne trouvent rien par eux mêmes... influence des médias).

Alors on a recours aux ersatz de l'impulsion créatrice. (Le thème, la visite de musée etc. comme « facteur déclenchant».) Alors nous exerçons en « méthodes actives ».

Nous ne nions pas la valeur de telles techniques nécessaires parfois, mais nous doutons de la solidité des résultats rarement maillons solides de la chaîne des techniques de vie.

Ou bien nous plaçons l'impulsion créatrice au point de départ du plus grand nombre de travaux scolaires et nous nous organisons pour la faire éclore et la matérialiser. Alors nous sommes sur un chemin possible qui mène à la pédagogie Freinet, et les techniques variées du travail individualisé ne viennent qu'à l'aide de la réalisation, de la matérialisation de l'impulsion créatrice. Il y a là encore beaucoup de travail passionnant pour ceux qui veulent s'y consacrer.

 

Maurice Berteloot

 

 

 
 
 

Le Nouvel Educateur Documents n°209
Supplément au numéro 12
d'octobre 89