L'éducation écologique
L'écologie se trouve placée au centre des préoccupations des hommes, depuis que la pollution et la crise de l'énergie leur ont fait prendre conscience que notre terre n'était pas susceptible d'être exploitée et maltraitée à merci. Par voie de conséquence, on commence à entendre parler d'éducation écologique, et on voit apparaître la panoplie habituelle qui accompagne toute nouveauté scolaire
- Circulaires officielles ;
- Ouvrages divers;
- Catalogues de fabricants de matériel.
Mais rien ne change pour autant dans la plupart des classes, on y continue la monoculture, celle de l'intellect. Je n'aurai pas ici la prétention de donner des solutions, j'essaierai simplement en partant de ma pratique quotidienne et de mes options personnelles politiques et sociales, d'émettre quelques réflexions, de dégager un certain nombre de problèmes et d'établir un bilan non exhaustif des obstacles auxquels je me heurte, mon but, que j'ai défini dans «Vers l'autogestion» étant la mise en place d'un milieu scolaire qui permette à l'enfant:
D'être heureux, car c'est dans le présent que chacun doit pouvoir vivre sa joie et non dans un avenir hypothétique
De s'exprimer librement au sein d'un groupe qui l'écoute et lui répond;
De vivre sa liberté et ses responsabilités face à lui-même et face aux autres ;
De créer un milieu où il puisse par son expérience organiser sa propre connaissance des êtres et des choses ;
De se forger une technique de vie, fondée sur une connaissance profonde de lui-même dans ses relations avec les autres.
Avec des mots il est toujours facile de changer l'école et le monde, mais hélas la réalité ne s'ajuste pas toujours à nos idées et à nos théories.
Le conseil de coopérative étant l'institution au sein de laquelle nous programmons nos activités et nous tentons de cerner notre réalité, je vais y puiser quelques éléments concernant plus particulièrement notre environnement.
Il s'agit d'un conseil ayant eu lieu en avril 1974
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DENIS PROPOSE DE CONSTRUIRE DES NICHOIRS Il nous explique son projet. Nous sommes d'accord mais deux questions - Comment allons-nous nous procurer le contreplaqué nécessaire, notre caisse de coopérative étant vide ? |
Le bois pollué |
JOSETTE PROPOSE D'ALLER VISITER UN PETIT PARC PUBLIC Le groupe préfère que nous allions dans un pré voir les fleurs et une mare. Nous rapporterions des oeufs de grenouille.
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Nous en avons alors discuté ensemble et chacun a choisi un atelier, mais ce n'est pas pour autant que les problèmes ont disparu: la plupart laissaient au responsable tout le rangement et le nettoyage de l'atelier qu'ils venaient d'utiliser. Evelyne |
TRIER DES VIEUX PAPIERS: Cela entre dans une hypothèse de lutte contre le gaspillage, autre facteur d'une |
Voilà un survol rapide de nos activités, survol au cours duquel j'ai oublié de parler des directives officielles, il n'est cependant pas inutile d'examiner les propos de nos dirigeants, avant qu'ils ne nous rendent responsables de la pollution généralisée, n'ont-ils pas eux, fait leur devoir de dirigeants ! Ils ont créé un ministère ;
Ils ont lancé les «cent mesures»
Ils ont envoyé des instructions ;
Ils vont sortir une bible: «L'enfant et l'environnement », fort intéressante d'ailleurs.
J'extrais quelques passages du discours de présentation de cette brochure (1), prononcé par J. Fontanet, Ministre de l'Education Nationale:
" ... Nous sommes entrés dans une ère marquée par les menaces que fait peser. sur les ressources énergétiques comme sur les biens naturels les plus élémentaires et les plus immédiats, une consommation effrénée et dont le rythme croit à une vitesse inquiétante ...
Il n 'est plus question d 'accepter aveuglément une croissance désordonnée dont les bénéfices s'achètent au prix de gaspillages, de pollutions et d'insupportables nuisances."
L'indüférence et le laisser-vivre ne sont plus de mise ...
En février 1970, le Président de la République définissait ... les nouveaux devoirs ...
"II faut créer et répandre une morale de l'environnement, imposant àL'Etat, aux collectivités et aux individus, le respect de quelques règles élémentaires faute desquelles le monde deviendrait irrespirable. Dans un domaine dont dépend directement la vie quotidienne des hommes, s'imposent plus qu'ailleurs le contrôle des citoyens et leur participation effective à l'aménagement de leur existence. "
Je ne peux que suivre le président Pompidou dans ce désir de nous voir prendre fermement en main notre existence.
Bien sûr l'Education Nationale depuis longtemps a mis en place les moyens de faire des enfants de futurs autogestionnaires !
"Depuis longtemps déjà l'Education Nationale s'est attachée à définir les moyens d'assurer la préparation des citoyens à l'accomplissement de telles exigences ... " assure Monsieur Fontanet.
Qu'a donc fait l'Education Nationale?
"Au niveau de l'enseignement élémentaire, le développement des classes de nature, classes de mer et classes vertes dont bénéficie un nombre croissant de nos jeunes écoliers a permis depuis de nombreuses années déjà d'accentuer cette nécessaire ouverture de l'école sur la prise en considération des exigences du milieu naturel et du cadre de vie."
Oui ces classes existent, mais en très petit nombre, et ce n'est pas au ministère que nous les devons pour la plupart, ce sont les familles, les collectivités locales, les coopératives scolaires qui doivent assumer les frais de voyage et de séjour.
Et puis, aller passer une semaine ou trois semaines par an, dans une classe de nature ou de mer, ce n'est qu'un pis-aller, une cure d'oxygène, avant de retrouver l'air pollué, le bruit et l'entassement de la ville. Les écoles de campagne ferment faute d'élèves et si on transportait les écoles de la ville à la campagne ? On pourrait aussi bâtir des écoles vertes dans une ville conçue pour la vie des hommes, les rencontres, les échanges, car :
" Il faut que l'école soit pour tous un cadre adapté où les objets, les animaux, les activités, les harmonies de formes et de couleurs soient autant de sollicitations qui exerceront un effet favorable sur le déveLoppement intellectuel, esthétique et moral."
Ce n'est pas moi qui le dis, mais la circulaire n° 72-249 du 26 juin 1972 qui a pour objet: «Sensibilisation aux problèmes de l'environnement au niveau de l'enseignement pré-élémentaire."
Circulaires, textes, affiches, bons conseils, rien ne nous manque, sauf l'école pour nos cultures, nos animaux, nos expériences de vie, sauf un environnement où nous pourrions apprendre en les vivant «les dix règles d'or du jeune protecteur de la nature}) que toutes les écoles ont reçues
"Tu es responsable, pour ta part de la nature :
1. "N'endommage ni les arbres, ni les buissons;
2. Admire les fleurs sauvages sans les cueillir; d'autres après toi pourront en jouir ;
3. Ecoute la nature en silence ; des bêtes y vivent ... Respecte leur tranquillité ;
4. Utilise sentiers et chemins tracés ;
5. Enterre ou emporte tes détritus; la nature n 'est pas une poubelle ;
6. Attention aux feu: connais ses dangers, apprends à les combattre;
7. Respecte la vie sous toutes ses formes; la vie de la nature c'est aussi la tienne ;
8. N'empoisonne jamais la nature avec des produits chimiques dangereux, à la ville comme à la campagne ;
9. Participe, selon tes possibilités à la protection de la nature ;
10. Conduis-toi toujours et partout en -être conscient et responsable.
Donne l'exemple ... les autres t'imiteront. La nature sera demain ce que les hommes en auront fait aujourd 'hui."
J'adhère pleinement à ces conseils, mais le peuple a l'habitude de dire : «L'exemple vient d'en haut !»
Nous avons changé de Président de la République et de Ministre de l'Education Nationale.
Le Premier Ministre préconise la lutte contre le gaspillage, la radio demande de faire utiliser aux enfants l'envers des prospectus comme brouillon, et le Ministre de l'Education, par souci d'économie ... envoie une lettre à chaque enseignant pour lui tenir un discours qu'il connaissait déjà. Alors? Pour ma part, je continuerai, comme avant, à faire autre chose que la culture des mots, je continuerai à faire le peu qui est possible, tout en sachant que l'écologie c'est une manière de vivre qui ne peut s'apprendre qu'en vivant, dans un milieu social, économique, politique et culturel qui respecte profondément l'enfant et l'homme, les êtres et les choses.
Pour les enfants comme pour Alan Watts: «les oiseaux, les poissons, les fleurs, les fleuves, sont nos organes extérieurs, comme le poumon ou le coeur ou le rein sont nos organes intérieurs ».
Les en priver, c'est en faire des êtres mutilés.
Freinet disait, il y a déjà bien longtemps, qu'il faudrait songer très vite à créer des réserves pour enfants, réserves où ils trouveraient objets, plantes, animaux qui leur sont nécessaires pour vivre et devenir des hommes.
Or pour beaucoup d'enfants, d'adolescents et d'enseignants d'aujourd'hui, il ne s'agit plus de vivre, mais de survivre, dans un univers déshumanisé où les individus sont entassés et soumis à des impératifs de rentabilité, un univers qui au lieu de permettre des relations d'amitié, crée une agressivité qui va sans cesse croissante, un univers qui trie, sélectionne, rejette les faibles car ce qui importe, ce n'est pas la joie et le bien-être de chacun, mais c'est que la machine capitaliste ait les robots dont elle a besoin.
L'école que nous voulons, ne pourra naître que de notre lutte, une lutte quotidienne pour une société de non-exploitation de l'homme, respectueuse des êtres et des choses qui constituent notre environnement.
(1) Voir B.T. nO 765 : La culture biologique.
(2) L'Enfant et l'environnement, I.N.R.D.P., 10 F.
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