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Irresponsable, un texte de Christian Rousseau...

Irresponsable


Si les effets du confinement peuvent être dommageables pour certaines familles et donc certains enfants, penser une reprise scolaire en mettant des enfants dans des ronds à plus d'un mètre de distance de leur camarade dans un décor de bâches recouvrant les partie inaccessibles de la classe relève de la maltraitance.
Il s’agit à présent d’exprimer la réalité à l’aune de ce qui était annoncé :

Le confinement ?

Il n’y a pas eu de continuité pédagogique : les enseignants ont donné des travaux, les enseignants ont appris empiriquement à utiliser de nombreux outils numériques mais les enseignants n’ont pas enseigné. Tous les enfants n’ont pas eu accès aux outils numériques. Avoir accès à ceux là ne garantie en rien un usage conforme aux attendus des enseignants. Le confinement a creusé un peu plus les inégalités scolaires dont notre système éducatif est expert.

Le déconfinement ?

Les textes, les déclarations de notre ministère, rien ne vient nous convaincre de la place du risque à se fréquenter socialement à nouveau. Et surtout pas ce protocole sanitaire qui prend les acteurs de l’école pour des patients et non pour des êtres sociaux. Le respect strict du protocole sanitaire empêche les écoles et les enseignants d’exercer leur métier d’éducateur. Par exemple il y aura une impossibilité à faire respecter d’une façon stricte les règles de distanciation, à moins d’agir d’une manière autoritaire dans une volonté de dressage. Sans distanciation, risque augmenté.

Donc, ce qui est empêché ne peut se faire. Autrement dit, ce ne sont pas des écoles qui ont rouverts leur porte pour faire ce qu’on attend de l’école, mais plutôt des lieux  où l’obligation de dressage sera nécessaire pour atteindre les objectifs sanitaires qui nous sont fixés, objectifs contraires à la posture, à l’éthique auxquelles doit se conformer tout éducateur.

La répétition, la surabondance des informations, des tribunes, des prises de positions, des annonces politiques, des corrections répétées d’annonces politiques, tout cela et plus encore ajoute à la confusion et à l’incapacité de discerner dans une sécurité affective la bonne décision à prendre pour les enseignants, les communes et les familles. Sans confiance, la charge de stress et la surcharge cognitive conduit à une perte de confiance en soi. Qu’y a –t-il de plus délétère pour un enfant scolarisé que d’avoir en face de lui un enseignant insécure ?

À vrai dire, ça n'est pas le risque qui encombre dans cette reprise scolaire manipulatrice, c'est l'incapacité des politiques et de notre hiérarchie à assumer ce moment en faisant peser la charge de l'angoisse et de la confusion sur les enseignants, les communes et les familles.

Le zèle avec lequel nos hiérarques nous encouragent coute que coute à accueillir les enfants dans les écoles montrent bien, s’il en était, que l’objectif à atteindre c’est une réponse politique conforme aux annonces.
Peut-être qu’il s’agit là d’une stratégie profondément imaginée : proposer l’impossible pour s’abandonner à l’impensable. Car, quand il n’est plus possible de penser le possible, protocole sanitaire strict et éducation, on s’abandonne à l’impensable avec un sentiment diffus que, si tout le monde le fait, c’est que, malgré tout, c’est possible.

Et le ministère de l’éducation nationale, irresponsable, c'est-à-dire sans responsabilité sur le terrain, peut annoncer que l’école déconfinée, c’est possible.

Christian Rousseau, enseignant, parent, directeur d’école en attente de déconfinement