Raccourci vers le contenu principal de la page

L’inspection ? Surveiller l’enseignant pour perpétuer le système !

Novembre 2006

« Engagé de longue date dans la lutte contre l’aliénation culturelle et l’oppression des jeunes, l’ICEM considère que rien ne changera profondément dans l’école, etau-delà, dans la société toute entière, si ne sont pas combattus l’impérialisme culturel et l’autoritarisme d’une hiérarchie soucieuse de préserver un ordre moral, culturel et politique... »1

Les ténors politiques martèlent depuis plus d’un an le même discours :les jeunes ne savent pas lire, ils parlent mal, ils sont incultes et ne respectent rien, c’est la faute aux méthodes globales et aux pédagogies centrées sur l’enfant.Aux maux simples, des remèdes simples, restaurons les bonnes vieilles méthodes de lecture, l’autorité,  la morale et tout ce qui correspond aux représentations populaires sur l’école. Démagogie électoraliste que les prétendants au pouvoir ne cachent même plus !
Ainsi le système éducatif n’est pas visé et son évaluation n’est pas envisagée ni envisageable !
Seuls les enseignants et leurs pratiques pédagogiques sont responsables ! Alors ? À quoi ont servi toutes ces inspections, ces rapports, qui les sanctionnent depuis plus d’un demi-siècle, si rien ne s’est amélioré !
La réponse est évidente, elles servent globalement de contrôle normatif pour perpétuer un certain ordre moral,  culturel et politique, en reproduisant le système existant qui sélectionne, capte et protège les élites. Elles permettent également de surveiller individuellement l’application des références théoriques officielles (Instructions officielles, programmes, décrets et circulaires).
Si l’amélioration du système éducatif devient l’objectif,  l’inspection disparaît pour une évaluation de l’action et des pratiques pédagogiques, une évaluation « formative », « dynamique » et « progressiste ».
A l’inverse de l’inspection, cette évaluation implique les enseignants dans la définition des objectifs généraux de l’école, dans les projets éducatifs et bouleverse les cloisonnements entre théorie, recherche et action sur le terrain. Elle reconnaît à l’enseignant la liberté et l’autonomie pédagogique pour passer du rôle de simple exécutant à celui de « praticien chercheur » capable de produire des outils pour transformer l’école.
Une école pour quelle société ? Une école populaire ou une école d’élites ?
On est bien là dans une dynamique, un processus de transformation du système éducatif dialectiquement lié à celui d’un choix politique.
Dans le système éducatif actuel, les enseignants des équipes pédagogiques Freinet au nom d’une évaluation « formative » demandent des inspections collectives :
« L’évaluation du travail d’une équipe coopérative ne peut donc être une évaluation uniquement individuelle et normative mais doit prendre en compte l’ensemble des projets de l’école et leur cohérence, en ouvrant de nouvelles pistes pédagogiques de recherche.» 2
L’évaluation, pour ne plus être normative, doit se débarrasser de toutes traces hiérarchiques et impliquer chaque membre de l’équipe dans l’élaboration du projet d’inspection et dans le bilan :une charte établie au départ, modifiable et transformable, tout au long du chemin et de l’expérience partagée.
Ce travail de recherche, de formation et d’analyse de pratiques est également au coeur des groupes de travail de l’ICEM (départements, secteurs et chantiers) qui constituent de véritables « équipes pédagogiques » permettant de connecter terrain, action, théorie, et d’enclencher un processus coopératif de transformation des pratiques pédagogiques.
Même si de manière expérimentale, certains contrôles,  certaines inspections se veulent collectives, réflexives,  elles ne correspondent pas aux enseignants qui visent la transformation de leurs pratiques. A une inspection individuelle voire collective, nous préférons une autoévaluation d’équipes pédagogiques, équipes où praticiens,  chercheurs et formateurs seront coopérativement acteurs et penseurs de transformations.

1 Perspectives d’Education Populaire (PEP), collectif ICEM, Maspéro
1979.
2 Plateforme des équipes Freinet, Editions ICEM, 2001.