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Près de 20 ans.

Près de 20 ans que je suis prof. Près de 20 ans que j’entends les ministres successifs de l’éducation nationale clamer sur tous les tons, sur tous les toits, et sur tous les plateaux télé, que l’école doit se recentrer sur les « fondamentaux », que l’école doit se borner à apprendre aux enfants à lire, écrire, compter.

Que vaut un être humain qui sort de l’école en sachant lire, écrire, compter, mais qui croit qu’une fille n’est pas l’égale d’un homme ?

Que vaut un être humain qui sort de l’école en sachant lire, écrire, compter, mais qui croit qu’un noir n’est pas l’égal blanc, qu’un blanc n’est pas l’égal d’un noir ?

Que vaut un être humain qui sort de l’école en sachant lire, écrire, compter, mais qui ne distingue pas les faits des opinions, qui ne sait pas analyser une information, qui est persuadé que sa croyance doit s’appliquer tout le monde, y compris par la force ?

Que vaut un être humain qui sort de l’école en sachant lire, écrire, compter, mais qui assassine un enseignant « coupable » d’enseigner la liberté, de travailler le vivre-ensemble, coupable de défendre la laïcité ?

 

Et finalement, que vaudrait cette école qui aurait appris à ces individus à lire, écrire, compter, mais qui ne leur aurait pas appris à être des humains, qui ne leur aurait pas appris à dépasser leurs croyances, qui ne leur aurait pas appris l’empathie, la controverse, le dialogue ?

Que peut valoir cette école des « fondamentaux » qui ne leur aurait pas appris à faire société ?

Mais surtout que peut cette école des « fondamentaux » ? Comment peut-elle remplir sa mission qui est de former des citoyens, de « faire advenir l’humanité dans l’homme », de fabriquer du commun à partir du dissemblable ?

Tant que des ministres, par de démagogiques et populistes calculs, continueront à ne vouloir en école que le lieu du lire, écrire, compter, cette école sera impuissante !

 Alors, pour combattre les fondamentalismes et leur haine, il faut sortir de l’école des fondamentaux pour bâtir l’école du fondamental.

 Ce qui est fondamental, c’est la culture, sous toutes ses formes, en ce qu’elle nous apprend à voir le beau, à comprendre notre monde et en ce qu’elle nous aide à agir dessus.

 Ce qui est fondamental, c’est le dialogue, c’est apprendre à s’exprimer, librement, et à entendre, pacifiquement, l’expression de celles et ceux qui nous sont autres.

 Ce qui est fondamental, c’est l’apprentissage de la délibération, de la coopération, du partage, du commun, en actes.

 Ce qui est fondamental, c’est de s’appuyer sur les expériences comme celle des écoles Freinet de Mons-en-Barœul qui ont réussi à créer de la paix, de la joie, du partage de savoirs, des projets en commun dans des quartiers que l’on disait  « perdus ».

 Le drame effroyable vécu par le professeur d’histoire de Conflans, ce drame qui frappe avec cruauté sa famille, qui frappe avec cruauté la communauté enseignante et toute la Nation, nous oblige !

 Il nous oblige à comprendre comment une société civilisée peut produire la barbarie, comment une société démocratique peut générer la dictature de la terreur.

 Mes collègues, mes amis, mes camarades, mes frères et sœurs d’humanité, je ne veux pas passer les 20 prochaines années dans ce monde où l’on a peur, dans ce monde où l’on se rejette, dans ce monde qui exclut, qui terrorise, qui déshumanise.

 Le temps de la riposte arrive. Le temps où il va nous falloir reprendre en main notre avenir, où il va nous falloir construire une société qui unit, qui accueille, qui libère, une société du partage, une société du commun...Une société de la vie, tout simplement.

 Cédric Forcadel, GD76, militant pédagogique, auteur de « Dessine-moi une école où il fait bon vivre »

Que vaut un être humain qui sait lire, écrire et compter ?

Il faut être conscient d’une chose encore plus essentielle que cet appui culturel indéniable qui complète le socle des Connaissances et des Compétences que l’on a choisi d’enseigner, c’est l’attitude positive, constructive et citoyenne des parents de nos élèves qui ont une énorme responsabilité envers la société éducative au sens large, sans qui la mission enseignante, de plus en plus complexe et épuisante est vouée à l’échec et aux pires destinées !-

"fondamentaux" vs "freinet" un combat dépassé et à dépasser.

Bonjour
Je suis professeur d'histoire géographie en lycée et parent, non zeymourien, de gauche, et pourtant...

"Que vaut un être humain qui sort de l’école en sachant lire, écrire, compter, mais qui ne distingue pas les faits des opinions, qui ne sait pas analyser une information, qui est persuadé que sa croyance doit s’appliquer tout le monde, y compris par la force ?" nous dit Cédric Forcadel...

Encore faut-il savoir lire, accéder à la lecture, l'écriture, le verbe pour pouvoir être arraché des griffes de l'irrationnel et de l'obscurantisme. Jean Jaurès le dit tout net dans sa lettre aux instituteurs en 1888: " comment donnerez-vous à l'école primaire l'éducation si haute que j'ai indiquée ? il y a deux moyens. il faut d'abord que vous appreniez aux enfants à lire avec une facilité absolue, de telle sorte qu'ils ne puissent plus oublier de la vie(....)Savoir lire vraiment sans hésitation, comme nous lisons, vous et moi c'est la clef de tout".

Sans vouloir passer pour le réactionnaire de service, "Savoir lire, écrire, compter " est un préalable. Le raisonnement, la rationalité en a bien besoin.
La connaissance des évènements, de la géopolitique demandent des bases dans l'écriture. Faire l’exégèse d'un texte dit sacré pour le contextualiser et en faire une analyse critique demande de savoir maîtriser la langue. A force de galvauder les "fondamentaux", on les oublie et le "vivre ensemble", la "coopération" tiennent sur du vide, sur des bases fragiles. Je ne crois pas que Freinet, homme traumatisé par la guerre des tranchées, opposait les savoirs et l'esprit critique. Ne laissons pas à la droite, le champ lexical "des fondamentaux".

Antoine Penneret.

Cher Antoine Penneret, Le but

Cher Antoine Penneret,
Le but de mon propos n'est pas de dire qu'il ne faut plus apprendre à lire, écrire et compter, mais qu'il est "fondamental" de ne pas se contenter de cela.
Or se contenter du "lire-ecrire-compter" c'est justement le projet, très droitier, de ceux qui nous gouvernent.
Je pense donc que nous sommes tout à fait d'accord sur le fond.
Très bonne journée à vous...et une pensée toute particulière pour une certaine jeune néo collégienne ????
Cédric Forcadel