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Nouvel éducateur n°250 Autres témoignages

 

 

 

« Au fond de ma classe de CP, mes élèves ont pour habitude maintenant d'aller chercher les six petits ordinateurs portables partagés entre trois classes de l'école (CP, CE1 et CE2). 

 

 

En effet, tous les matins entre 9h30 et 10h, c'est le temps de production d'écrit. 

 

Pendant que les uns illustrent, d'autres s'affairent à chercher les mots dont ils ont besoin pour leur texte libre. D'autres encore inventent des phrases avec des étiquettes. Les derniers s'installent devant un ordinateur et tapent leur texte ou un article pour le journal. Passer d'une écriture à une autre, retrouver la bonne lettre sur le clavier, manipuler les majuscules et mettre les espaces sont autant de tâches qui requièrent un vrai travail de coopération. 

 

La mise en place de cette activité a débuté par petits groupes : allumer et éteindre l'ordinateur, ouvrir le bon document, enregistrer son travail, écrire les textes les uns sous les autres, écrire son prénom, trouver le bon accent...

 

Il reste encore un inconvénient qui freine l'efficacité de cet outil (à savoir la lisibilité et le gain de temps pour la rédaction du journal): le réseau ne fonctionne pas correctement. »

Marion Ferchaud

 

"Notre classe de Cm1-Cm2, d’une petite commune rurale, a la chance de pouvoir utiliser les douze petits PC portables de l’école. Huit d’entre eux ont bientôt dix ans. Bien que passés sous Linux, ils sont lents, mais nous rendent régulièrement service lorsqu’ils ne décident pas de rester éteints ou qu’une touche reste bloquée. Nous disposons également d’un vidéo projecteur à courte focale installé dans un coin de la classe et dont le câble accroché au plafond par des aimants fait office de guirlande permanente.

 

 
Ce matin, Eliot s’est inscrit à l’entretien du matin pour nous présenter deux photos de sa promenade en famille. Je projette sur mon ordinateur personnel les photos qu’il m’a envoyées la veille par mail. Il explique que c’est par hasard qu’ils ont découvert dans un bois cette maison à l’abandon.

Sur le tableau de la classe, nous découvrons tous ensemble, en grand format, cette ancienne bâtisse. Une fois son récit terminé, de nombreuses questions émergent. Ses camarades lui demandent des précisions sur ce lieu, car tout n’est pas visible au tableau, l’image est sombre.

 

 Les questions amènent Eliot à donner des indications spatiales, comme si les élèves essayaient de reconstruire les lieux.

 

Un camarade demande à Eliot ce qu’il a ressenti. A-t-il eu peur ?

Ce matin, la curiosité est au rendez-vous, certains s’interrogent sur l’ancienneté de cette construction. Tout le monde peut apercevoir la grande cheminée centrale dans laquelle Eliot et son frère sont entrés. On s’interroge sur le sol. Eliot explique qu’il n’y a rien, uniquement de la terre. Un camarade demande s’il y avait un étage. Eliot indique qu’il y avait bien un trou dans le plafond, mais que l’accès n’était pas possible.

 

Il précise au détour d’une question qu’il avait une lampe torche ce qui lui a permis d’éclairer un peu cet endroit bien sombre. Un camarade demande s’il y avait des traces de la présence d’électricité. Mais rien, les murs sont en pierre sans cloison. Mais comment faisait-on pour s’éclairer ?

 

Dans un coin, il a trouvé un sac avec des déchets. D’autres personnes viennent donc dans cet endroit, mais sans en prendre soin ?

 

À la fin de ce temps d’entretien, la proposition est faite de trouver à combien de kilomètres de l’école se trouve cette maison et de s’y rendre lors d’une prochaine sortie libre si ce n’est pas trop loin.

 

Comme un objet que l’on rapporte, cette projection aura permis, me semble-t-il, d’attiser la curiosité, l’envie d’en savoir plus.

 

  Nathalie Lallemand

GD35

 


"J’ai grandi avec le numérique sans pour autant m’approprier tout à fait cet outil. Je l’utilise, à distance, notamment dans ma classe. Il sert alors à mettre en valeur, à donner du sens aux productions d’enfants. Il nous aide à agrandir nos horizons, en correspondant à travers le monde, en enrichissant nos exposés... Une émancipation, donc, mais à manier avec conscience et précaution."

 

 
Chloé Richaud
 
« Ma maitrise du numérique : très mauvaise. Lorsque je débutais ma carrière, il y a de cela vingt ans, mes élèves m'ont demandé pourquoi on n'utilisait jamais l'ordinateur ‌qui siégeait au fond de la classe. Je leur ai répondu que je ne savais pas m'en servir. Ils m'ont dit : "c'est facile ! On va t'apprendre ! " et c'est comme ça que j'ai appris à me servir d'un ordinateur et que nous avons commencé à l'utiliser en classe. À l'époque, je ne pratiquais pas la pédagogie Freinet, je crois même que je n'avais aucune pédagogie mais je savais écouter mes élèves…
 
Aujourd'hui, je me suis un peu améliorée mais je fais globalement confiance aux enfants. Nous avons un lot vieillissant d'ordis portables en réseau. Je n'apprends jamais à mes élèves comment s'en servir car ils savent déjà ! et s'ils ne savent pas, ils demandent à ceux qui savent de les aider à apprendre. Cela se passe donc sans moi dans la plupart des cas…
 
Les enfants les utilisent pourtant tous les jours pour écrire le journal hebdomadaire, y insérer des photos qu'ils ont prises, tapuscrire leurs textes libres et les corriger, chercher des infos par exemple dans Encycoop  pour écrire des conférences, chercher des images pour les illustrer... Nous avons aussi un VPI. On s'en sert régulièrement pour mettre au point ensemble un texte libre, écrire un texte à tout faire, projeter des images pour une conférence ou un entretien et aussi pour préparer l'emploi du temps de la semaine. »
 
Alexandra Lafargouette
GD 64

« La course au matériel

Depuis trois ans, la politique du département est de privilégier l’attribution de lots de tablettes aux établissements, au lieu d’accorder des ordinateurs fixes dans toutes les salles. On se dit : “Chouette, du matériel connu des élèves, facilement transportable et plutôt ludique !” Mais bien vite, la réalité nous rattrape ! Chez nous, 40 tablettes pour 50 profs et 600 élèves. Pour en bénéficier, il faut les réserver via une succession de clics sur l’espace numérique de travail. Ensuite — vite, vite — il faut aller les chercher au CDI (ou chez la personne qui les a réservées avant nous), et, une fois le cours terminé, — vite, vite — il faut les rapporter pour ne pas pénaliser le ou la collègue qui les prend après ! En somme, on court, on s’épuise à transporter 5, 10 tablettes ou plus, parfois d’une salle à l’autre et on se rend compte que ce matériel censé nous faciliter la vie et être au service des apprentissages des élèves n’est qu’un rouage de plus dans notre épuisement professionnel. Alors… on finit par l’abandonner.

Fascination numérique paralysante ?

J’ai toujours été impressionnée par le travail fait par nos collègues : splendides mises en page, Escape game pédagogique, webradio ou webtv, etc. Lors d’un stage présentant des travaux de ce genre et incitant à utiliser davantage les ressources du numérique, en même temps que la fascination et l’envie, un sentiment de panique me prend toujours. Car je fais partie de ces personnes qui se retrouvent totalement paralysées face à la multitude de clics et de boutons, à la complexité des modes d’emploi, fussent-ils faits en format vidéo.

 Pendant le confinement par exemple, plusieurs collègues se sont lancées ou ont poursuivi leur pratique du journal de classe. J’ai alors vu passer, sur diverses listes dont celles de l’ICEM, des journaux tous aussi splendides les uns que les autres et j’ai eu un temps d’arrêt, me sentant totalement incapable d’en faire autant. Et pourtant, l’envie et le besoin de construire un journal avec les élèves étaient toujours là.

 Alors j’ai fait le choix d’utiliser un bon vieux traitement de texte et je me suis jetée à l’eau. Partage de lectures, d’écritures, de dessins ou de photos, maintien du lien humain malgré la distance du confinement, apprentissages littéraires, tels étaient les objectifs de ce journal et ils ont largement été remplis, avec des élèves ravis et ravies de voir leurs productions mises en commun sous cette forme !

  Comme quoi, une maitrise rudimentaire du numérique ne doit pas nous freiner dans nos réflexions et pratiques pédagogiques ! »

 

   

Jacqueline Triguel

Ile-de-France

 

"Je fais partie des (très) critiques vis-à-vis du tout-numérique. Je préférerais vivre à une époque où ça n'existe pas encore, ou alors où ça n'existerait plus. Je suis un utilisateur coupable, un peu faute de mieux.

 

  J'utilise à mon niveau. L'appareil photo, c'est numérique. L'enregistreur sonore, c'est numérique. J'utilise une plateforme musicale pour passer une musique variée. Je réalise un journal et édite un résumé des sorties que je fais avec les enfants. J'imprime.

 

  Pour mémoire, je travaille avec des maternelles où j'essaie de favoriser la manipulation réelle, l'expérience sensible, l'échange et la réflexion entre pairs.. Les élèves de GS peuvent écrire des mots via le traitement de texte. Je refuse catégoriquement les machins clé en main style Calligo (des tablettes pour apprendre à écrire en attaché via des logiciels de flicage). Pas de flashs-codes, pas de blog.

 

  Enfin, je nourris ma réflexion par des articles édités par des critiques de la technologie : Pièces et Main d’œuvre, Écran total, la Décroissance."

 

 

Thierry Perou

 

 GD35