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Images vertigineuses

Dans :  Arts › Principes pédagogiques › 

 



L'artiste sollicite les mythes



Jagna est arrivée à Monsempron-Libos alors qu’elle menait plusieurs recherches sur le thème de la peur.


1/ Jagna sollicite les élèves


Avant la résidence, Jagna a demandé que soit placée une urne pour recevoir des petits mots anonymes répondant à l’expression
"J’ai peur…"

Extraits :
…/
- De perdre les gens que j’aime,
- D’être seul,
- De ne pas réussir ma vie
- D’aller le voir
- D’être timide
- Des critiques…
J’ai peur des ARABES et de Laycal.
J’ai peur de valentin
J’ai peur de Micka (J’ai peur zamazane)
J’ai peur de Chab
J’ai peur d’aller parler a ce ga que je trouve tropbo.
J’ai peur de la mort
J’ai peur d’être seul toute ma vie
J’ai peur quand je saigne du nez a fond
J’ai peur de la souffrance.
…/…



2/ Une artiste qui fait «récolter»


- Récolter des Tatoos

Avant sa résidence, Jagna avait commencé à récolter les décalcomanies que l’on trouve dans les chewing-gums parce que ceux-ci transportent avec eux des images très codifiées, iconographie du fantastique inspirées de la BD, souvent avec un fort potentiel de grotesque et de violence, des images qui transportent nos peurs en quelque sorte.

- les élèves sont très sensibilisés à cette pratique. Ils ont donc commencé à lui ramener des décalcomanies avec des images de tatoos.
- elle a installé un atelier libre devant la salle qui lui était attribuée pour qu’ils réalisent eux-mêmes des images en très petit format

- Récolter des chewing-gums

Jagna a pour projet de réaliser un mur de chewing-gums déjà mâchés. Ce serait donc un mur fait de drôles de sculptures, des "modelages" en quelque sorte mais involontaires comme autant de totems à la gloire du stress.

 - Opération "mâchage de chewing-gums" - Jagna a acheté autant de chewing-gums qu'il y a d'élèves afin d'augmenter sa récolte. Elle voulait proposer cette activité, paisiblement pendant les interclasses de manière à faire sa récolte petit à petit mais, pour se débarasser de cet acte considéré comme sacrilège dans un milieu scolaire qui "interdit" sans appel cette pratique antinomique de la bonne éducation, le principal a proposé de faire une action unique lors d'une récréation en la "communiquant" à l'avance. Cette opération a été un vrai fiasco. Chaque élève devait recevoir un chewing-gum mais très vite, certains ont transformé cet acte en "orgie", leur but étant d'obtenir le plus de chewing-gums possibles... bousculades, chewing-gums non rendus, comportements boulimiques et parfois violents... Une énorme impression de vertige (!!!)....A cette occasion, j'ai compris que Jagna avait ouvert la boîte de Pandore. Seuls une soixantaine de chewing-gums sont revenus.
Aurélie 5è

 

3/ la production des élèves volontaires


- Regarder nos peurs en face

Jagna a travaillé pendant deux jours avec des élèves volontaires…
Le premier jour a consisté à lire les petits mots laissés dans l’urne, à regarder et à analyser les différentes récoltes de décalcomanies et à se demander quelle visibilité leur donner. Ainsi, le groupe a décidé que chacun choisirait un décalcomanie parmi ceux qui avaient été faits et de l’agrandir au maximum pour lui donner une autre dimension.
Le résultat, affiché sur les vitres, sur les murs du hall ou des couloirs pendant le reste de la résidence, donnait à voir irrémédiablement le caractère "caché" de chaque décalcomanie, sa force plastique était maintenant très dérangeante.

Les tatoos agrandis et exposés

 

Le vertige est une expérience, pas une image


Le deuxième jour, l’investissement a été une invitation de manière à ce que chacun se détermine par rapport à cette notion de vertige.

L’artiste a procédé avec les élèves comme elle procède elle-même, sous la forme d’un remue méninge, par recherche sémantique et documentaire… Le projet ne naît donc pas d’une idée préconçue mais il est le résultat d’un tâtonnement. Certains élèves, peu habitués par cette manière de travailler, absolument sûrs de savoir "ce qu’ils voulaient faire" dès le départ, ont eu du mal à "entrer dans l’expérimentation"…

La matinée a été consacrée à une mise en commun des idées sur le vertige. Le résultat représente 3 à 4 m de tableaux, de mots qui se répondent, se conjuguent, se décomposent ainsi que de petits dessins qui les complètent.



Le tableau commun…



- ensuite, les élèves se sont engagés dans leur projet individuel ou de groupe, Jagna et moi, ayant essentiellement à travailler la motivation ou la nécessité d’approfondissement dans les idées ou dans la technique.


Equilibre de cartes                                                                          L'expérience du saut
 

 

Conclusion



Comme souvent les résidences celle de Jagna n’a pas été facile car elle a entraîné les élèves dans les territoires inhospitaliers des mythes qui les fondent et de leur critique, car elle a remis en question le statut de l’artiste, celui de ses certitudes supposées (l’inspiration désincarnée), sa manière de travailler (tâtonnement) et la tyrannie du résultat (l’œuvre doit être belle, bien faite et elle doit avoir occasionné beaucoup de travail soigné).

Après son départ, les différentes urnes ont continué à se remplir (celle des mots et celle des chewing-gums) représentant la promesse de nouvelles attitudes de travail et de pensée avec lesquelles les élèves pourront maintenant mieux avancer dans la perspective d’acquérir une expression plus personnelle.

(1)  CréAtions n°94 : l'article TIC-TIC
       CréAtions n° 114 : ArTissages, Novembre – décembre 2004
       Le collège “ sens ” dessus dessous

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