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Faire vivre un choix de texte à des adultes - Un dispositif de formation à la pratique du texte libre

Dans :  Formation et recherche › 
Témoignage de pratique de Marguerite Bialas
 
Très souvent, j’ai constaté que la formation à la pédagogie Freinet/pédagogie institutionnellene devient efficace que lorsque les participant.es  essayent a minima  de lancer le texte libre dans leur classe. Pour cela, il ne suffit pas toujours d’en entendre parler et les visites aux collègues pendant la classe sont rarement possibles. Comment procéder quand on ne connait de l’écrit scolaire que la rédaction corrigée par la maîtresse, pratique plus courante qu’on le croit ? 
Mais comment transmettre la technique du texte libre quand on ne dispose que d’une heure ou deux pour travailler avec un groupe d’adultes[1]?


[1]Avec mes camarades du mouvement Freinet et de la PI, j’ai participé à nombre d’interventions plus ou moins longues, entre autres dans le cadre du CAPE, ainsi qu’à l’organisation de stages (en période scolaire et/ou de congé), etc.
 
 
Longtemps, j’ai fait vivre à des adultes en formation un choix de texte en trois temps, tel que je l’avais appris dans les stages des groupes « Genèse de la Coopérative » puis « AVPI-Fernand Oury»[1] :
Temps 1 : Lecture silencieuse de journaux scolaires, édités par différentes classes et composés de textes libres d’enfants. Repérage d’un texte en particulier qu’on acceptera, ou pas, de lire ensuite au groupe pour en parler ensemble (dire pourquoi il me plaît, ou pas ; répondre aux questions éventuelles…)  
 
Temps 2 : Vivre un choix de texte comme il se passe en classe, avec des lois (je ne me moque pas, je ne dérange pas, je demande la parole…), un rituel (secrétaire-dessin, secrétaire-titres et présidence), et des maître-mots (Le choix de texte commence. Qui veut lire son texte ? Question ou commentaire ? Merci X, on passe…) 
 
Temps 3 : Échanges entre les participants, selon le temps dont on dispose encore.
 
En stage d’une semaine, on s’appuie sur un tel vécu pour ensuite s’organiser, produire ensemble un journal et apprendre à construire les apprentissages scolaires à partir des textes choisis. En animation d’une heure ou deux, on s’arrête après le vote et quelques échanges. 
Cette activité est dirigée et frontale, pourtant elle fonctionne plutôt bien, tant avec un tout petit groupe qu’avec un groupe plus important, les groupes de vingt ou trente personnes ressemblant à la situation réelle des enseignants dans leur classe. C’est aussi une activité qui me paraît bien adaptée aux personnes qui débutent dans l’enseignement ou dans la pratique de la pédagogie Freinet parce qu’elle permet de participer plus ou moins intensément selon le désir de chacune et de ne s’impliquer que lorsqu’on se sent en sécurité.
 
Et puis…
… J’ai découvert l’expérience de Anne Barmes, maître E à l’époque. Anne témoignait d’une pratique de formation pour des collègues qui demandaient comment faire du texte libre avec 28 élèves. Anne avait mouillé sa chemise, organisant dans leur classe trois séances d’une heure[2] : elle dirigeait les deux premières devant la collègue qui, à son tour, dirigeait la troisième séance devant Anne. Au bout de trois fois vingt minutes et dans le calme, le déroulement étant précisé au tableau et les travaux à faire en autonomie bien expliqués, chaque enfant avait écrit un texte (dans le petit groupe de 8 ou 9 aux côtés d’Anne), fait un dessin et réalisé, en autonomie, un travail préparé par la maîtresse.
Ce qui m’avait frappée dans ce témoignage, c’était la surprise des collègues découvrant aussi la pratique des ateliers tournants, une technique pédagogique qu’ils n’avaient pas encore osé essayer.
 
Je me suis donc inspirée de cette expérience pour décomposer le « Temps 1 » en trois ateliers comme le montrait Anne: 
 
-        Atelier d’écriture
Les participants sont réunis autour de moi.
Consigne : Vous écrivez ce que vous voulez, une description, un souvenir, un poème … ou une liste de courses ! Cet écrit vous appartient. Si vous le souhaitez, vous pourrez le proposer au choix de texte tout à l’heure.
L’objectif principal de ce moment, c’est d’expérimenter le fait d’écrire à côté des autres (c’est ce que vivent nos élèves). 
 
-        Atelier de lecture de textes d’enfants
Des journaux scolaires sont disposés sur des tables.
Consigne : feuilleter, lire… Éventuellement, retenir un texte à lire au choix de texte qui suivra.
Objectif : lire de vrais textes libres. C’est souvent une réelle découverte et les rires qui fusent parfois (ou une certaine émotion) montrent que la parole vive des enfants touche aussi lectrices et lecteurs adultes !
 
-        Atelier manuel (dessin, pochoir ou autre…)
Selon les possibilités matérielles, il s’agit de faire un dessin qui illustre un texte lu ou celui qu’on vient d’écrire, ou de colorier au pochoir un dessin d’enfant (activité que j’ai alors préparée, avec tout le matériel ainsi que la fiche-guide).
L’objectif est que cela soit réalisable en autonomie. Qu’ils soient étudiants ou enseignants, les participants apprécient cet atelier très manuel, où l’on peut bouger, se parler (en chuchotant), faire preuve de créativité mais aussi d’organisation ! La simple manipulation du rouleau plait déjà! 
 
Je présente au tableau le déroulement des trois temps et je réponds à quelques questions d’organisation. Un.e volontaire assure le métier « gardienne du temps » et annonce le moment de la rotation. L’atelier dans lequel j’interviens est surligné.
 
Temps 1. Ateliers tournants
  | Équipe des jaunes | Équipe des bleus | Équipe des verts
15 minutes | Atelier d’écriture | Lecture de journaux scolaires | Dessin ou pochoir
15 minutes | Lecture de journaux scolaires | Dessin ou pochoir | Atelier d’écriture
15 minutes | Dessin ou pochoir  | Atelier d’écriture | Lecture de journaux scolaires
 
Temps 2. Choix de texte. 
Selon les participants et leur expérience, le texte qu’ils viennent lire devant le groupe est un texte d’enfant choisi dans l’un des journaux ou leur propre texte écrit dans l’atelier. Je préside comme en classe : je donne la parole pour deux ou trois questions ou commentaires, je remercie « l’auteur » et on passe. Je guette aussi discrètement les visages et j’encourage d’un mot, d’un geste celles et ceux qui semblent plus timides ou réservés.
Temps 3. Échanges sur ces vécus
Chaque participant doit pouvoir dire comment elle-il a vécu cette activité mais aussi pouvoir exprimer d’éventuelles réticences à frustrer les enfants par un vote, ou ses inquiétudes par rapport au programme. J’en profite pour faire observer le schéma de l’Atomium[3] qui montre la complexité de la classe Freinet-PI où chaque élément peut être cause ou conséquence d’un autre. Les frustrations inévitables et les gratifications font partie du processus qui permet de faire des progrès et de grandir.
Conclusion

 Conclusion

 
Pour apprendre, rien ne vaut un stage !
Dans les stages de formation élaborés dans les années 80 par les anciens du Comité Directeurde l’ICEM avec Fernand Oury, un débutant apprenait les techniques Freinet de base dans une alternance de moments dirigés puis d’expression libre. Une « culture Freinet » se transmettait…
 


[1] Genèse de la Coopérative : nom d’un groupe de travail de l’ICEM créé par René Laffitte en 1973 dans l’Hérault.
 AVPI-Fernand Oury : nom de l’une des deux associations formées en 1993, après la dissolution de Genèse de la Coopérative, par une partie de ses membres et quelques nouveaux.
[2] On peut lire son témoignage dans le Nouvel Éducateur N° 224, page 45 : « A deux dans la classe ».
 
[3] Cf. l’Atomium, monument de Bruxelles : par cette image de l’Atomium où on voit toutes les « boules » reliées par des couloirs permettant de passer de l’une à l’autre dans tous les sens, Fernand Oury voulait montrer comment, dans une classe coopérative, tout est lié
 

 

 
 
 

 

 

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