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Le portolio, un outil différent, une autre formation

Dans :  Formation et recherche › 

  

Un outil différent, une autre formation
 
 
Olivier Francomme
article paru dans Les Cahiers pédagogiques n°505 mai 2013 “Mieux apprendre par la coopération?”
 
 
L’utilisation d’un outil coopératif comme le portfolio dans un master professionnel pour les métiers de l’enseignement se justifie par son efficacité pour la formation, mais aussi dans l’idée que l’on enseignera ensuite comment on a été formé, et qu’il est donc utile de se confronter le plus tôt possible à la coopération !
 
Université, Portfolio
Dans la mise en œuvre d’un parcours de formation à l’Université, la recherche d’une grande cohérence à vouloir agir de telle sorte que la forme pédagogique que nous préconisons soit en harmonie avec la formation que nous dispensons[1]. Celle-ci doit alors conjuguer le respect de l’acquisition d’un certain nombre de connaissances et de pratiques, alliée à des modalités coopératives de travail, avec la mise en œuvre d’outils spécifiques, dont un portfolio présenté ici.
 
Les Calandretas
La fédération des Calandretas (écoles occitanes) et de son organisme de formation des enseignants, APRENE (basé à Béziers), reconnu par L’Education nationale, a souhaité mettre en place un parcours de formation universitaire pour ses professeurs des écoles. Un groupe de personnes, issues des mouvements Freinet et de pédagogie institutionnelle, a proposé une modalité coopérative pour cette formation. Il s’agissait de prendre en charge 4 UE (unités d’enseignement) dans le Master MEF-EBI (Métiers de l’enseignement et de la formation – enseignement bilingue immersif)[2].
 
Le projet a été de concilier deux demandes : d’un côté, la garantie d’une formation universitaire qualifiante requise pour un Master, pour des enseignants ayant une pratique pédagogique innovante établie ; de l’autre, des exigences pédagogiques de continuité et de cohérence entre les pratiques professionnelles[3], la formation, et dans les structures existantes, pour la partie qui nous était confiée.
 
Le portfolio permet de prendre en compte la richesse individuelle de chacun.
 
C’est dans cette optique là que nous avons fait le choix de travailler selon un fonctionnement proche de la pédagogie institutionnelle, dont le portfolio ne constituait qu’un outil, une technique de production, d’élaboration collective, et d’évaluation[4]. Chaque stagiaire devait réaliser un portfolio, rassemblant ses productions, qui ont constitué la plupart des éléments nécessaires à la validation de son Master. Un certain nombre de présentations, de cours, ont enrichi les moments de formation ainsi que des échanges par courriel.
 
Le portfolio permet de prendre en compte la richesse individuelle de chacun et facilite l’individualisation des parcours, ainsi que l’entraide. Certains étudiants possédent des diplômes et des titres (prix en occitan, autre Master), ils ont écrit des articles dans des revues professionnelles, avaient vécu des expériences internationales. Après une mise en forme « académique », et donc une véritable évaluation-diagnostic, valant pour un état de leur parcours, à un instant donné, de concentrer leur travail universitaire dans les domaines leur faisant plus défaut. L’expérience, l’expertise des étudiants ont été grandement utilisées.
Le portfolio permet également la prise en compte d’apprentissages transversaux (rédiger un article en occitan permet de valider différentes compétences : disciplinaire (relative au sujet de l’article), instrumentale (utilisation des TICE), et linguistique (occitan). La transversalité rend aussi le travail plus efficace, elle rend mieux compte des phénomènes éducatifs complexes (exemple de l’altérité).
La mise en œuvre du portfolio a aussi permis de réduire le hiatus qui existe encore entre théorie et pratique. Les références scientifiques deviennent des outils de mesure, ou d’évaluation, des travaux ; ou au contraire, un outil potentiel d’analyse. C’est un outil de transfert.
Dans une moindre mesure, les portfolios disponibles en permanence sur AGORA[5], ont permis un travail collaboratif à distance : pour le travail collectif (2 ou 3 personnes maxi), et utilisé comme centre de ressource. Ce type de travail permet aussi de mieux respecter les rythmes de chacun : pour la personne dont on évalue la production, il y a moins de stress dans la phase de production, il y a la possibilité laissée à l’erreur, au tâtonnement, donc une relation plus saine du rapport à sa propre progression, donc au regard que l’on porte à soi-même. Parmi les éléments du portfolio qui ont le plus été sujets de l’entraide, il y a eu : les travaux bibliographiques, les recherches de l’un ont souvent aidé les autres ; la mise en forme du mémoire a aussi été très bénéfique aux échanges collectifs (et cela a été souligné au cours des soutenances). Les notes de lecture sur les ouvrages ont permis des échanges à la fois sur les concepts, mais aussi sur leur interprétation. Le. Travail d’investissement de chacun est démultiplié, donnant une assise plus large à l’évaluation globale.
Le portfolio favorise enfin la mise en place d’un système de coconstruc- tion de valeurs, dans un collectif paritaire où l’objet central est un travail de production commun, dont l’évaluation a une fonction collective qui peut toujours être remise en question. Côté enseignants et inter- venants, la mise au point de cet outil a nécessité un véritable travail d’équipe, et des temps institutionnels ont rythmé les sessions de formation («Quoideneuf?»,«Etmoidansla classe », « Conseil de coopérative », etc.).
Nous nous sommes tout de même heurtés à quelques difficultés : les pratiques d’évaluation à l’Université (examen de contrôle des connaissances, élaboré sans concertation avec les formateurs) ; un dialogue parfois difficile dans la communauté scientifique (modalités de travail, répartition annuelle, contrôle continu,…) ; la nécessité d’assurer un suivi serré de chaque étudiant, l’individualisation exigeant aussi une différenciation des parcours.
Mais c’est aussi à travers ces difficultés qu’il est possible de valider cette forme de travail : sa transparence, son ouverture au regard des autres renforcent le dialogue au sein de la communauté scientifique, gage dans un sens d’une diffusion de ce que l’équipe formatrice considère comme son travail, et, dans le sens inverse, acceptation du principe d’un regard extérieur qui puisse regarder, évaluer et sanctionner.
Les choix que nous avons faits nous ont permis de réduire des inquiétudes à plusieurs niveaux, du côté des étudiants, et du côté institutionnel. Ces choix nous ont permis de nous confronter à la norme : les étudiants des Master MEF EBI ont produit des documents attestant d’un niveau scientifique répondant des requis pour un Master. De plus, un grand nombre de documents sont bilingues (français occitan), permettant de constituer une bibliothèque d’écrits à vocation scientifique bilingue.
L’implication des étudiants dans leur formation au travers de cet outil, si on y réfléchit bien, renverse le rapport à l’évaluation. Nous plaidons pour une praxis évaluatrice, entre pairs, réciproque et permanente, porteuse d’échanges et d’in- formations d’un groupe par un autre, par opposition à une évaluation hiérarchique et sans réciprocité, sans résultats autres qu’une suraliénation des sujets évalués aux normes et aux dictats du pouvoir en place dans le champ professionnel, qui est tout le contraire de l’esprit de recherche.
 
 
Je sais au moins une population pour qui un tel projet, après tout, il semblerait couler de source : les enfants des classes de Calandrettes, qui pratiquent la pédagogie coopérative. Il était donc normal que le système de formation de leurs enseignants soit fidèle à leur façon de faire la classe.
 
Olivier Francomme
Professeur des écoles, université de Picardie Jules-Verne, IUFM de Beauvais
 
Pour en savoir PLus
http://www. recherchespedagogiesdifferentes.net/
Confederacion Occitana de las Escolas Laïcas Calandretas
http://calandreta.org/Nouvelle-traduction- 20-Objectif.html
 
Zoom Quel contenu pour le portfolio ?
Ce port-folio peut contenir un certain nombre de documents (liste non exhaustive) rangés dans des dossiers (mémoire, travail bibliographique, notes de lecture, travail international, articles, CV, Travaux et outils de classe, occitan, …)
-articles et ouvrages publiés (ou en cours de publication) y compris contributions à des ouvrages collectifs. (dossier articles et publications)
-bibliographie ou recherche bibliographique (celle du mémoire, mais pas forcément : travail international, …) : elle peut être thématique (ciblée), elle doit être commentée (établir brièvement le pourquoi du choix de chaque ouvrage). Dossier bibliographie.
-des notes de lecture (articles, ouvrages, thèses, …) dont sont extraits certains éléments pouvant servir au conseil pédagogique : cadre de référence théorique, méthodologie, outils, …. Dossier Notes de lecture.
-étude de cas et analyses : L’étude de cas peut être fournie sous forme de texte, de vidéo, de témoignage. Les analyses porteront sur des interprétations multiples, selon des registres choisis : analyse systémique, analyse normative (exigences institutionnelles par exemple), analyse sensible (valeurs, …), etc. Elles peuvent être déposées dans le dossier « articles et publication », ou « notes de lecture », ou « mémoire » selon l’utilisation faite.
-outil pour l’enseignement bilingue, par exemple : grilles d’observation établies préalablement et « situées ». Dossier outils et travaux de classe.
-monographie : il s’agit de suivre une personne (adulte, jeune, …) afin de réaliser une approche compréhensive comportementale. Elles peuvent être déposées dans les dossiers Articles, ou mémoire, ou encore outils et travaux de classe.
-rapport anonymé : ce rapport peut–être une transcription écrite d’un entretien, d’une discussion, en rapport avec le conseil pédagogique ou l’une de ses dimension. Cela peut aussi être un rapport de conseil pédagogique déjà effectué, un compte-rendu de séance de cours, avec une analyse personnelle projective (les éléments qui me sont utiles, …), … Ils peuvent être déposées dans le dossier « articles et publication », ou « notes de lecture », ou « mémoire » selon l’utilisation faite.
-un compte rendu d’intervention en colloque, séminaire, dont on dégage les éléments importants (concept, outil, référence théorique, analyse, …) si possible au regard d’un questionnement préalable. Ils peuvent être déposés dans les dossiers Articles, ou notes de lecture, ou mémoire, selon l’utilisation faite.
-un CV professionnel (en relation avec l’occitan). Dossier CV.
-autre proposition (à discuter entre nous)
Bibliographie :
-Francomme Olivier, (2011 et 2012), Les établissements scolaires « différents », Séminaires doctoraux Université d’Artois – Université de Paris Ouest - Nanterre La Défense.
-À établissements différents, recherche différente… pas si sûr !, 2011 (publication électronique)
-Le portfolio à l’Université : une pratique de formation et d’évaluation en pédagogie alternative ! , (publication électronique)
 
-Francomme Olivier, Laffitte Pierre J, (2012), S’associer pour une pédagogie coopérative, Congrès des calandretas 18 mai 2012. (publication électronique)
 
 
Sites :
-Confederacion Occitana de las Escolas Laïcas Calandretas
 
-AGORA (espace numérique de travail coopératif)
 
 
Unités d’enseignement dispensées :
-UE1 (Olivier Francomme): Eduquer et former (philosophie de l’éducation, psychologie). L’éducation et la formation en Europe et en France. Préparation de stage.
-UE2 (Pierre Barral): TICE (préparation au C2i2E), initiation à la recherche.
-UE3 (Pierre J Laffitte): Culture générale (Les systèmes éducatifs en immersion, enseigner en langue régionale)
-UE4 () : Langue vivante : l’occitan. (Préparation au CLES 2)
 
 
 
 
 


[1] Cette réflexion a été l’objet de deux séminaires doctoraux, en 2011 et 2012, voir bibliographie.
[2] Voir en annexe la liste des UE.
[3]La Charte des calandretas institue une forme pédagogique bien définie, celle de la pédagogie Freinet et institutionnelle.
[4] Voir en annexe, la fiche sur la constitution des éléments du portfolio.
[5] AGORA est un espace numérique de travail qui est commun à tous : y sont déposés les documents de cours pour chaque enseignement, et les dossiers des étudiants dont les portfolios.