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La poésie, un langage de l'intime, une expression libérée

Dans :  Arts › Principes pédagogiques › 
Décembre 2005

« La Poésie n’est pas ailleurs, ni là-bas, elle est ici. Partout où vivent, travaillent, jouent, aiment et souffrent et meurent les hommes. Partout où les uns et les autres retrouvent leur regard d’enfance…»
Alain Boudet1,poète, nous invite à porter un regard sur la poésie, différent de celui que véhicule l’école traditionnelle qui trop souvent transforme l’écriture poétique en un langage scolaire, pastiche de poésie…
Pour naître, l’écrit poétique demande que le poète s’éveille au regard du monde, se laisse pénétrer par l’imprévu, par les odeurs, les couleurs, laisse les mots s’échapper pour se mêler ensuite. Pour naître aux autres, le poème demande une écoute accueillante, loin de tout conformisme.
Entrer dans l’écrit poétique, c’est partager avec l’autre ses émois, ses peurs, ses joies, ses colères, par les mots détournés, au travers des images recréées, dans le jeu du langage intime. C’est se livrer, s’ouvrir au monde des émotions, oser le rêve, s’éloigner des stéréotypes. C’est entrer dans la complexité des sentiments, accepter l’incertitude, accueillir le plus profond pour le rendre visible au regard de l’autre.
Lire de la poésie, ce n’est ni décortiquer, ni analyser, ni interpréter, c’est se laisser pénétrer par l’autre, s’ouvrir à ses émotions et ses rêves, accueillir ses images pour les faire siennes.
La poésie pour enfant dont les recueils abondent, est, le plus souvent, un vocabulaire de marchand dit Alain Boudet. Elle est fabriquée,fausse et sans âme.Ces textes, faits pour les enfants, oublient que celui-ci aime la complexité. Ils le considèrent comme un être sans épaisseur,incapable de comprendre les émotions de vrais textes poétiques. Ils l’enferment dans le jeu des rimes pauvres qui, sonnant à l’oreille, masquent le vide du texte.Ils l’abêtissent au lieu de l’élever et ne peuvent lui donner l’envie de se risquer au jeu de l’écriture poétique. Tout au plus l’amusent-ils…
La poésie est autre car elle est espace de liberté, de création, d’émancipation.
Donner à la poésie le statut de discipline scolaire avec des procédés à utiliser, des rituels à respecter, des normes à suivre, est en contradiction avec l’essence même de l’écriture poétique. Copier un poème, l’illustrer, l’apprendre par coeur, ne réussit pas à faire des adultes lecteurs ou auteurs de poèmes.
Peut-on, quand on veut permettre aux enfants d’entrer dans le langage poétique, se contenter de faire écrire « à la manière de » et recevoir ces écrits pastiches dont seules les rimes et jeux de mots marquent la forme poétique ? Peut-on prendre pour de la poésie ces textes forcés,  formatés, qui ne peuvent porter l’intime du langage poétique ?
Faire entrer la poésie dans la classe c’est autoriser le rêve, permettre à l’intime de jaillir, donner à chacun, le langage de la liberté. C’est permettre un acte créateur, fondateur, grâce à la coopération et à la liberté d’expression donnée, et par l’enrichissement culturel de tous.
Quand la poésie descend dans la rue, elle signe bien là sa volonté d’être pour tous.
Le Slam, art déclamatoire né dans les rues de Chicago, spectacle ouvert à tous, démocratise la poésie. Le langage cru de la cité s’autorise à franchir la scène pour que vibrent les colères, les amours, les révoltes. Accueilli à l’école, il permet aux jeunes de ces quartiers difficiles d’entrer en poésie. Il libère les mots, autorise le parler des banlieues et permet que chaque enfant ou jeune reconnu dans son acte créateur puisse s’oser à des écrits plus travaillés,puisse s’ouvrir aux poètes,et recevoir alors des textes qui jusque-là lui étaient obscurs, inaccessibles. La poésie de
la rue ouvre les portes à celle des poètes d’hier et d’aujourd’hui, la poésie se transmet, évolue et se fait mémoire pour mieux s’enrichir et… nous enrichir.
1 Alain Boudet : La toile de l’un : http://boudully.perso.cegetel.net/index.htm