Raccourci vers le contenu principal de la page

Congrès Strasbourg - Plénière "Un front de l'enfance : une nécessité ?"

Interventions de Catherine Chabrun, Jean Legal, Frédéric Jésu et Hubert Montagner
... comptes-rendus
 

 
Vers un front commun de l’enfance   
 
Mise en perspective historique par Jean Legal (ICEM)
 
La situation de l’enfance se dégrade. Cela va du tiraillement lors de la séparation des parents au sort réservé aux enfants des sans-papiers.
Des enfants ont peur, des enfants ont faim, des enfants sont victimes de violences de toutes sortes. Il y a donc nécessité d’un front commun de l’enfance car l’enfant est un citoyen de droit. Freinet l’affirmait déjà en 1939 : « L’enfant est capable d’organiser sa vie et son travail. »
En 1959, après un congrès international Freinet, la Charte de l’enfant est envoyée aux autorités françaises, à l’UNESCO, à l’ONU, …
 
Il y a 20 ans, la Convention internationale des droits de l’enfant a été ratifiée par la France.
Il a donc fallu apprendre aux enfants leurs droits et faire une réelle formation politique et démocratique d’où la création à l’ICEM ainsi qu’à la FIMEM d’une commission des droits de l’enfant.
Un questionnement nouveau s’est imposé à nous :
- La participation étant un droit, comment faire pour que les enfants puissent donner leur avis ?
- Quelles compétences sont nécessaires pour exercer un droit de participation ? Quels apprentissages mettre en place pour que tous soient formés ?
- Quelles institutions mettre en place ? Quelles structures ? Quels outils ? Quelles règles de vie ?
- Dans quels domaines l’enfant peut-il avoir le pouvoir de décision seul ou avec les adultes ? Dans quels domaines peut-il être consulté ou pas du tout ?
- Quelles libertés individuelles peuvent s’exercer au sein du collectif éducatif ? La libre circulation dans l’école est alors demandée, 20 ans après nous n’avons toujours pas de réponse !
- Comment apporter des réponses aux conflits et aux infractions en respectant la dignité des enfants et leurs droits ?
- Comment former des adultes éducateurs (parents, enseignants, éducateurs animateurs, élus) pour apprendre aux enfants à exercer pleinement leurs droits ?
 
La démocratie participative est en train de se mettre en place un peu partout en France et dans le monde !
L’enfant peut participer aux décisions collectives en donnant son avis, peut s’engager dans des projets collectifs et prendre des responsabilités. La participation démocratique de l’enfant dans un collectif éducatif est possible. Nous en sommes persuadés de par notre expérience !
 
Propos recueillis par Gilles Sapirstein
 

Vers un front de l’enfance
par Frédéric Jésu, médecin militant
vice-président de la section française de la DEI (Défense des Enfants International) qui comprend 2000 militants.
 
Leur projet est de surveiller l’application de la Convention des droits de l’enfant et de promouvoir le statut de l’enfant dans la société.
 
Ils font régulièrement des rapports sur les progrès, les manquements ou les régressions graves concernant l’application dans notre pays des droits de l’enfant.
Leur site Internet : dei-france.org
 
Ils ont fait une proposition de loi internationale pour le bien-être de l’enfant. Nadine Morano invitée n’a pas fait honneur à notre pays.
 
Avec le retour aujourd’hui de l’autoritarisme et de la marchandisation de l’offre éducative, il est fondamental de militer pour une pédagogie coopérative et participative dans un projet de santé publique de l’éducation.
Comment les droits des enfants à l’éducation peuvent-ils croiser d’autres droits : droit à être en bonne santé, en sécurité, droit à l’expression, ... mais aussi droit aux loisirs, au temps libre, à l’ennui !
Il y a un besoin d’accompagnement des parents pour que les droits des enfants soient reconnus dans la famille, à l’école, dans les associations.
 
Il faut sortir de l’ombre. Il y a aujourd’hui urgence. Il faut se donner les moyens d’investir les lieux institutionnels pour faire valoir notre point de vue sans se marginaliser. En tant que militants, on se doit d’être présents dans les projets éducatifs locaux ou intercommunaux concernant un territoire et il faut y associer les jeunes qui doivent y être présents.
 
Propos recueillis par Gilles Sapirstein


« Le président de la république et son gouvernement n’aiment pas les enfants.
Y a-t-il une place pour l’enfant dans la société française ? »
Par Hubert Montagner psychophysiologiste ancien directeur de recherche à l’INSERM
 
L’actualité présente nous inquiète : de la « fessée structurante ? » de Nadine Morano, aux jardins d’éveil à la rétention des enfants avec leurs parents sans-papiers de Besson qui renvoie au décret de Pétain en 1943 et puis il y a les désobéisseurs !
 
A propos des jardins d’éveil, le rapport de 3 élus (sénateur, députés) est un tissu de contrevérités, d’inepties, d’erreurs concernant les enfants. Ce rapport est de la poudre aux yeux, une coquille vide.
Il y est dit : Les enfants de 2 à 3 ans ne ressemblent ni aux plus jeunes ni aux plus âgés, ils sont différents des autres alors que de 2 à 3 ans, l’enfant continue à se construire et à avancer dans le temps en maîtrisant de plus en plus sa sensorialité, sa motricité. Il faut donner aux enfants l’occasion de maîtriser toute la gamme de compétences qu’ils ont en eux et de s’enrichir de celles des autres. La mise en place des compétences se fait bien avant la 3ème année ! L’enfant serait un « être individualiste » lors de sa 3ème année ??? S’il se met en retrait, il ne s’isole pas, il met de la distance entre lui et les autres, pour voir.
L’enfant est un être de communication ! Ce qui ne doit pas se résumer au langage oral. Il n’est pas seulement une paire d’oreilles ; caricature !!! Les postures, les gestes, les déplacements, les odeurs, les saveurs, … c’est aussi important !
Il y est dit : L’école maternelle ne sait pas bien s’occuper de l’enfant de 2 à 3 ans.
L’école maternelle est menacée, c’est GRAVE !
Et donc, elle doit s’organiser pour bien redéfinir son action actuelle ignorée. Les syndicats, les mouvements pédagogiques se doivent d’intervenir.
De plus, les jardins d’éveil seront payants alors que la maternelle est gratuite. Les places y seront limitées. Il y sera prévu des unités de 12 enfants avec une personne pour 12 ou 2X12 mais s’il n’y a que 22 ou 23 enfants, il n’y aura qu’un éducateur.
On est dans une logique comptable, économique. Ce ne sera pas un service public !
 
Chapeau aux désobéisseurs ! Ces enseignants sont honnêtes, courageux, responsables de l’intérêt des enfants. Ils sont contre l’aide personnalisée. Ils ont raison, il faut la rejeter et réaménager le temps de la journée.
La disparition du samedi matin a fait passer le temps d’enseignement de la semaine de 26 heures à 24 heures. Ces 2 heures en moins ont été remplacées par l’aide personnalisée soit
½ heure par jour.
L’aide personnalisée est proposée au plus mauvais moment de la journée, souvent à 6H30 ??? 6 heures par jour, c’est déjà trop de temps contraint. A 16H30, les enfants qui cumulent déjà des difficultés sociales, culturelles, ethniques, familiales, … sont les plus fatigués et les plus démotivés. La plupart mangent aussi à la cantine qui est un moment stressant, la cantine étant le plus souvent la « cathédrale du silence ».
Dès 11 heures, les enfants décrochent.
A 17 heures, ils ont besoin de courir, de sauter, de bouger, de chanter, de développer des interactions et non pas d’être à l’école en aide personnalisée. De même que l’enseignant qui devrait aller à la pêche.
Si l’aide personnalisée est proposée à la mi-journée, ce n’est pas mieux ! Le cerveau déprime à la mi-journée.
Si c’est le matin, ce n’est pas mieux non plus. Lors de la période de réveil, les enfants sont différents. La remise en route du cerveau et du corps surtout si on souffre de troubles du sommeil peut être plus ou moins lente.
Au CP, les enfants doivent maintenant se coltiner 2h30 par jour de français et 1h15 de mathématique et donc près de 4 heures d’apprentissages fondamentaux formatés. C’est complètement FOU ! Stupide ! Grave !
C’est de la MALTRAITANCE ORGANISEE ! On ne doit pas être complice de cette mesure !
On ne doit pas non plus limiter l’espace de l’enfant en classe. L’activité libre développe les compétences. Il faut donc aménager des espaces pour lui permettre de se développer.
 
Vers une nouvelle école maternelle (parents/enfants)
Il faut prévoir un lieu d’accueil parents/enfants, lieu de détente, aménager les classes et les cours d’école pour que les enfants puissent s’exprimer davantage, prévoir une médiathèque, des salles de psychomotricité.
Il faut redéfinir les modalités de l’Ecole Maternelle. Une école pour quelle société ?
Quelle prise en compte en 2009 et au-delà du jeune enfant ?
L’école maternelle française est-elle la meilleure du monde, comme on l’entend souvent dire ? Les instits de maternelle font certaines choses, croient bien faire mais ne savent pas toujours pourquoi. Ils n’ont pas toujours le souci pédagogique.
Il ne faut pas enfermer l’enfant dans la sectorisation de l’espace mais redéfinir son utilisation avec des activités libres dans des espaces à conquérir.
Le lieu d’accueil :
Il faut réclamer de la surface au Maire, développer des stratégies d’accueil pour que les parents et les enfants dépassent leur peur, leur sécurité affective, puissent s’installer, avoir une sphère d’accueil qui ne sert qu’à ça, avoir le temps de se réveiller, de vivre dans la continuité affective de la maison ou la restaurer ; il faut qu’ils puissent s’allonger, se balancer avec la maman ou le papa (ça désangoisse), observer un aquarium (ce qui fait baisser la pression), écouter de ma musique, … un plan incliné avec des paliers, un grand espace intérieur protégé des intempéries où les gens se parlent, échangent, un espace avec des tourterelles, un réceptacle à poussettes, landeaux, parapluies, …
Dans le hall d’accueil, en plus des aquariums, il est bien d’y ajouter les photos des enfants en situation valorisante, un grand bac manège avec coussins et mousse, un grand bac avec des balles où les enfants se retrouvent, rient, ça déculpabilise les parents, une cafétéria avec des sièges où les enseignants invitent les parents à prendre boissons et petits fours, un lavabo pour se laver les mains, un dérouleur de papier pour que les parents puissent écrire ce qui va, ce qui ne va pas, ce qui évite les non-dits.
Dans l’école, une salle d’ordinateurs permet la confection d’un journal scolaire, elle est ouverte aux parents.
Il faut aussi un espace de psychomotricité, un mur à grimaces permettant des interactions, des agrès, un lieu de retrait, une médiathèque, un grand lieu cylindrique avec des blocs de mousse, des coussins, des tissus pendant que la maîtresse raconte une histoire, une mezzanine de repos, une scène de théâtre avec coulisses et accessoires pour que les parents puissent se valoriser en parlant ou en interprétant des mimes, des plantes, des fleurs, des montagnes russes pour que les enfants puissent faire les fous.
Dans chaque classe, des structures en gradins, un podium, un théâtre de marionnettes accessible aux enfants ce qui leur permet d’échanger et de structurer leur langage ce qui est le rôle des enseignants, un grand mur d’expression sur lequel les enfants peuvent dessiner avec des feutres, des posters collectifs, des magazines à découper… Les réalisations sont échangées avec l’école primaire. Le goûter est pris avec les parents.
Et tout près de l’école : une piscine avec pataugeoire, des animaux (ânes, poneys, chèvres, …)
L’école maternelle doit permettre la valorisation des parents dans un lieu géré par les enfants eux-mêmes. Si on veut que ça marche, il faut exiger des enseignants une formation complémentaire, supprimer le barem, … (à négocier avec les syndicats et l’administration).
 
Et si on n’a rien de tout ça ? Si on n’a pas de lieu d’accueil ?
Il faut la demander au Maire.
La classe ne doit pas être un lieu d’accueil. Il faut un lieu neutre, spécifique de fonction. La classe n’en est pas un, elle a une fonction pédagogique de transmission des savoirs et connaissances, elle est connotée dans la tête des enfants. Il faut un lieu où l’enfant reste un enfant avant d’être un élève.
 
Les conseils d’école sont un piège redoutable. Les parents qui se sont fait élire sont là pour défendre leur enfant pas ceux des autres.
 
Quelques conseils :
Les chants d’oiseaux, de baleines, les bruits de la nature sont à utiliser à la place de la musique humaine qui véhicule trop d’émotion.
L’échange enfants/parents se fait dans la classe pas dans le couloir car la classe, c’est le territoire de l’enseignant.
Il faut libérer toutes les capacités d’expression des enfants : poterie, gribouillages, puzzles, …
Il faut donner sens et signification à ce que les enfants font, à ce qui est dit, à ce qui est montré.
 
Les déficits scolaires sont dus à de l’anxiété, de l’angoisse vécue quotidiennement, aux formes de travail utilisées et non parce que certains enfants seraient cognitivement moins « doués » que les autres.
L’hyperactivité est due à l’insécurité affective.
S’il y a violence à l’école, c’est que l’élève est insécurisé et il faut prendre du temps pour déminer l’activité qui se présente… et non mettre un flic dans chaque école.
Ca ne sert à rien d’imposer des suites d’activités (ateliers dirigés à faire obligatoirement à tour de rôle par exemple) mais il faut permettre à l’enfant de construire ses formes de liberté dans un lieu de vie, avec une bonne ambiance relationnelle et spatiale.
 
Actuellement 2h30 de français chaque jour pour un élève de CP, c’est clair que c’est l’échec scolaire pour une grande partie de la classe. Il faut faire entrer le savoir en jouant sur les mécanismes qui permettent de comprendre le sens et la signification, pas en faisant une leçon-type mais en faisant de la pédagogie.
 
Propos recueillis par Gilles Sapirstein